Vu le Film Le Prix du Danger de Yves Boisset (1983) avec Michel Piccoli Gérard Lanvin Marie France Pisier Bruno Crémer Andréa Ferréol Jea Rougerie Henri Jacques Huet Jean Claude Dreyfus Catherine Lachens Gabrielle Lazure
Dans une ville d'Europe, un homme est traqué par cinq tueurs qui parviennent à l'abattre sans difficulté. La victime participait à un jeu télévisé qui recueille une forte audience, `Le prix du danger'. La veuve du concurrent reçoit, des mains du charismatique présentateur, un chèque de consolation. C'est au tour de François Jacquemard, un chômeur qui a besoin d'argent, de tenter l'aventure.
Avec Le Prix du Danger, Yves Boisset adapte le roman prémonitoire de Robert Sheckley — et non de Stephen King, contrairement à ce que beaucoup croient — et signe l’une des satires les plus violentes et les plus lucides de la télévision de demain… c’est-à-dire celle que nous avons aujourd’hui. Cette TV poubelle que Boisset imaginait dans le futur, trash, vulgaire, avide d’audience, a commencé chez nous avec Loft Story et n’a fait que muter depuis. En revoyant le film aujourd’hui, on a presque envie de se dire : « Boisset n’était pas visionnaire, il était carrément devin ».
L’histoire, simple et terrifiante, suit un homme du peuple, Jacquemard, incarné par un Gérard Lanvin encore jeune, encore brut, propulsé malgré lui dans un jeu télévisé où il devient gibier. Mais Lanvin n’est pas le cœur du film ; il est le pion, la variable. Pour moi, les deux personnages essentiels sont ailleurs.
D’abord, Laurence Ballard, incarnée par une Marie-France Pisier glaçante, productrice prête à tout pour de l’audience. Elle n’a pas de limites, et encore moins de scrupules. La scène où elle doit faire son mea culpa en direct, en récitant des phrases écrites par la direction, est un petit monument de cynisme télévisuel : on a l’impression de voir déjà les excuses calibrées de nos chaînes actuelles quand une émission dérape. Pisier, que Boisset filme comme une prédatrice élégante, dévoile la vraie violence du système : celle du sourire qui tue.
Mais c’est Frédéric Mallaire, présentateur du show, qui donne au film son parfum de démence. Michel Piccoli, complètement barré, livre une performance hallucinée entre euphorie morbide, mégalomanie et folie pure. Un peu un Hanouna avant l’heure, mais en version prête à mourir sur scène — comme dirait Dalida — tellement il se croit indestructible. Chaque apparition de Piccoli est une flambée : les yeux exorbités, la voix caressante et vénéneuse, le faux sourire vissé comme un masque. C’est lui, véritablement, le maître de cérémonie de cette chasse à l’homme déguisée en prime-time.
La mise en scène de Boisset, souvent considérée comme trop frontale, est ici une force. Pas de fioritures, pas d’enrobage. Le cinéaste, sous-coté et droit dans ses convictions, filme la télévision comme un appareil à broyer le réel. Le cynisme n’est pas un effet : c’est la matière du film. Sa précision dans le découpage, son refus de la complaisance, donnent au récit une sécheresse qui colle au propos.
Le scénario reste étonnamment moderne : un homme ordinaire devient l’objet d’un spectacle où tout le monde joue son rôle — producteurs, diffuseurs, policiers, public chauffé à blanc — sauf le seul qui n’a rien demandé. Etrangement, ce ne sont pas les scènes de poursuite, peu convaincantes d’ailleurs, ni la cavale de Jacquemard qui marquent le plus. Ce qui reste, c’est cette télévision qui a dévié de son apport originel — la distraction — pour devenir un monstre d’audience, un cirque romain où l’on ne jette plus les lions mais les téléspectateurs eux-mêmes.
Le Prix du Danger est un film où Boisset appuie là où ça fait mal, un film qui n’a même plus besoin d’être anticipatif : il est devenu documentaire malgré lui. Et c’est là, justement, que réside son véritable danger
NOTE : 13.40
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Yves Boisset, assisté de Marc Angelo
- Scénario : Yves Boisset et Jean Curtelin, d'après la nouvelle Le Prix du danger de Robert Sheckley
- Décors : Serge Douy
- Costumes : Jacques Fonteray
- Image : Pierre-William Glenn
- Son : Raymond Adam
- Montage : Michelle David
- Musique : Vladimir Cosma
- Affiche : Philippe Lemoine
- Production : Norbert Saada pour UGC Distribution
- Studios : Paris-Studios-Cinéma
- Lieu de tournage : Paris et Belgrade
- Gérard Lanvin : François Jacquemard
- Michel Piccoli : Frédéric Mallaire
- Marie-France Pisier : Laurence Ballard
- Bruno Cremer : Antoine Chirex
- Andréa Ferréol : Élisabeth Worms
- Gabrielle Lazure : Marianne
- Catherine Lachens : Madeleine
- Henri-Jacques Huet : Victor Segal
- Jean Rougerie : le président de la commission
- Jean-Claude Dreyfus : Bertrand
- Steve Kalfa : Édouard
- Jean-Pierre Bagot : Alexandre
- Zlata Numanagic : Jacqueline
- Julien Bukowski : Arnaud
- Dragan Stueljanin : Roederer
- Marko Nikolic (non crédité) : un participant
- Jovan Ristic (non crédité) : régie CTV
- Janez Vrohec (non crédité) : le caissier du bistrot
- Vladan Zivkovic (non crédité) : un gardien de nuit
- Jacques Chailleux (non crédité) : un téléspectateur interviewé dans la rue
Yves Boisset fait un caméo, il apparaît sur les photos présentant le héros lors de son service militaire.

Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire