Vu le Film Sugarland Express de Steven Spielberg (1974) avec Goldie Hawn Ben Johnson Michael Sacks William Atherton Louise Latham Grégory Walcott Steve Kanaly Big John Hamilton
Lou Jean Poplin, une femme marginale, décide d'entreprendre la reconstruction de sa famille, dont tous les membres sont dispersés : son mari Clovis Poplin est en prison et son fils Langston a été placé en famille d'accueil. Elle force donc Clovis à s'échapper de la prison, puis, l'évasion pratiquement réussie, le couple s'en va retrouver leur fils. Mais en chemin, ils prennent un policier en otage, Maxwell Slide, de la Texas Highway Patrol. Ils se retrouvent alors poursuivis par un important déploiement de forces de l'ordre et de journalistes, à travers tout le Texas, ainsi que par certains citoyens voulant rendre eux-mêmes la justice. D'autres prennent parti pour le couple
Sugarland Express, c’est le troisième film du GOAT, mais quelque part son vrai premier rendez-vous avec les salles. Le premier n’avait qu’une seule salle, Duel venait de la télé : ici, Spielberg passe réellement la seconde – et quelle seconde. Le jeune prodige, à peine débarqué, montre déjà tout ce qui va faire son charme pendant 50 ans : le sens du rythme, la maîtrise du suspense, l’attachement aux personnages, et cette façon unique de rendre spectaculaire une simple ligne droite sur le goudron. En gros, il met en réel ce qu’il filmait déjà en Super 8 dans The Fabelmans. Et bien sûr, déjà son complice John Williams à la baguette : leur premier « vrai » tour de piste commun.
Le film est un road-movie sans temps mort, un truc qui file, cogne, rebondit, et ne s’excuse jamais de foncer. L’histoire est simple et brillante : Lou Jean Poplin, jeune marginale aussi déterminée que déraisonnable (une Goldie Hawn formidable, électrique, solaire, qui vous embarque en une scène), veut récupérer son bébé placé par les services sociaux. Pour cela, elle fait évader son mari Clovis (William Atherton, parfait en mec dépassé par sa propre cavale), et le duo embarque sur la route un policier en otage (Michael Sacks, impeccable en flic malgré lui et bouclier humain malgré lui).
À partir de là, Spielberg déroule un scénario au cordeau – son seul prix à Cannes, ironie du destin pour un cinéaste devenu une usine à chefs-d’œuvre, mais c’est ainsi. Ce script tient debout comme un pick-up qui a déjà fait deux guerres : solide, sec, tendu, mais capable de poésie. On y trouve des voitures cabossées qui s’entrechoquent, des explosions impeccablement chorégraphiées, une route interminable où se mélangent sang, sueur, vent et poussière (oui, « une bataille après l’autre » version asphalte). Et surtout : des flics qui ne lâchent pas l’affaire, collés aux basques du trio comme une armada d’abeilles attirées par un pot de confiture.
Spielberg orchestre tout ça avec une maturité ahurissante pour un jeune cinéaste, alternant humour, tension, absurde et coups de blues avec un naturel déconcertant. Il y a du « Duel » dans la gestion des distances et des poursuites, du « La Balade Sauvage » dans l’Amérique profonde fascinante, mais ici, la touche perso est plus drôle, plus accessible, plus joyeusement frondeuse. L’émotion, elle, n’est jamais loin : la tragédie couve sous les rires, et la route n’offre jamais de vraie sortie de secours.
Le trio d’acteurs porte le film : Hawn, incandescente, Atherton, touchant dans son mélange de naïveté et de bravade, et Sacks, qui évolue discrètement vers un personnage presque attachant. On sent déjà que Spielberg aime ses personnages, même quand ils font n’importe quoi.
Alors oui, la fin semble un peu bâclée, ou plutôt abrupte – mais dans une cavale, tout s’arrête toujours plus vite qu’on ne croit. Et au fond, cette brutalité donne au film sa sincérité.
un sacré film, réalisé avec la fougue d’un gamin de génie et la précision d’un vieux briscard. Du rire, des larmes, du bitume et des balles : franchement, que demander de plus ?
Un Spielberg qui tient largement la route. Et quelle route.
NOTE : 14.30
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Steven Spielberg, assisté de James Fargo
- Scénario : Hal Barwood et Matthew Robbins, d'après une histoire de Steven Spielberg, Hal Barwood et Matthew Robbins
- Musique : John Williams ; Toots Thielemans (harmonica solo)
- Décors : Joseph Alves Jr.
- Photographie : Vilmos Zsigmond
- Montage : Edward M. Abroms (de) et Verna Fields
- Production : David Brown et Richard D. Zanuck ; William S. Gilmore, Jr. (production déléguée)
- Société de production : Zanuck/Brown Productions
- Distribution : Universal Pictures
- Pays de production :
États-Unis - Langue originale : anglais
- Budget : 3 000 000 USD
- Goldie Hawn (VF : Michèle Bardollet) : Lou Jean Poplin
- Ben Johnson (VF : Jean Martinelli) : le capitaine Harlin Tanner
- Michael Sacks (VF : Sylvain Joubert) : le patrouilleur Maxwel Slide
- William Atherton (VF : Bernard Murat) : Clovis (Gilbert en VF) Michael Poplin
- Louise Latham (VF : Gisèle Préville) : Mme Looby
- Gregory Walcott (VF : André Valmy) : l'officier de police Mashburn
- Steve Kanaly (VF : Jacques Richard) : Jessup
- Harrison Zanuck : Bébé Langston
- A.L. Camp (VF : Henri Crémieux) : M. Noker
- Jessie Lee Fulton (VF : Marie Francey) : Mme Noker
- Gordon Hurst (VF : Pierre Hatet) : Hubie (Robby en VF) Noker
- Buster Daniels (VF : Jacques Hilling) : le vieil ivrogne arrêté à l'arrière de la voiture
- James N. Harrell (VF : Louis Arbessier) : Mark Fenno, le tireur d'élite
- Frank Steggall (VF : Jacques Berthier) : Logan Waters, le tireur d'élite
- Peter Curry (VF : Fernand Fabre) : le juge Peter Michael Curry
- Michael Santiago (VF : Jacques Marin) : Fred Menges, le pompiste
- Merrill Connally (VF : Jean Berger) : M. Vern Looby
- Ralph E. Hordewel (VF : Jacques Monod) : Lamar Highwa, le dispatcher de la police
- Charles Conaway (VF : Henri Poirier) : l'avocat interrogeant Tanner
- John L. Quinlan III (VF : Jacques Torrens) : l'huissier de justice
- Big John Hamilton : « Big John »

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