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lundi 1 décembre 2025

13.30 - MON AVIS SUR LE FILM THE STRINGER DE BAONGUYEN (2025)


 Vu le Film Documentaire The Stringer de Bao Nguyen (2025) sur Netflix 

The Stringer, nouveau documentaire marquant de Netflix, s’attache à l’un des plus grands mythes de la photographie de guerre : la paternité de l’image de la petite fille au napalm, prise en 1972 à Trang Bang, devenue le symbole absolu des horreurs de la guerre du Vietnam. Nao Nguyen, avec une sobriété et une rigueur remarquables, nous plonge dans l’enquête menée par le célèbre photographe de guerre Gary Knight. Ce dernier se retrouve face aux révélations inattendues d’un ancien photographe vietnamien de Saigon, selon lesquelles la photo ne serait peut-être pas l’œuvre de Nick Ut, reporter star de l’Associated Press, mais d’un jeune photographe local oublié : The Stringer. 

Le film pose d’emblée la question qui dérange : comment l’image la plus iconique de la guerre du Vietnam pourrait-elle avoir été signée par le mauvais auteur pendant plus de cinquante ans ? Nao Nguyen déroule ce fil avec calme, précision et beaucoup de respect pour les témoins comme pour l’histoire. À travers les témoignages, la confrontation de multiples clichés pris ce jour-là, et l’examen minutieux de la trajectoire de Nick Ut au moment exact des événements, l’enquête bouscule des certitudes installées depuis des décennies. Vous le soulignez très bien : pour certains éléments, Ut n’était peut-être pas à l’endroit exact au moment de la prise, ce que corroborent des photographies prises quelques minutes plus tôt, montrant sa position en retrait. 

Mais The Stringer n’est pas seulement un film sur un possible crédit photographique mal attribué. C’est aussi un documentaire sur la mémoire, sur la fabrication des récits historiques, et sur la manière dont les structures médiatiques occidentales ont longtemps privilégié les voix étrangères à celles des locaux. Le film suggère sans jamais imposer que, dans les années 1970, il était impensable pour de nombreuses rédactions qu’un cliché si puissant soit signé par un photographe vietnamien, a fortiori très jeune et travaillant en marge des grandes agences. Cette idée de biais systémique  donne au film une profondeur politique qui dépasse la seule question de la paternité. 

Nao Nguyen refuse toutefois le spectaculaire. À l’image de Gary Knight, qui avance avec prudence, le film reste dans une éthique de la nuance : aucune vérité définitive n’est établie – et c’est peut-être ce qui le rend passionnant. On suit l’enquête pas à pas, on en partage les hypothèses, les zones d’ombre, les intuitions parfois frustrantes. Le documentaire ose dire qu’il existe des preuves, des contradictions, des récits qui se croisent, mais que le temps, les intérêts médiatiques et la disparition des principaux acteurs rendent aujourd’hui la conclusion impossible. 

La force du film réside aussi dans sa compréhension intime de ce que représente l’image de Phan Thị Kim Phúc : non pas seulement une photographie, mais un traumatisme universel. Nguyen filme avec respect la charge émotionnelle de cette icône, rappelant que la fillette brûlée, courant nue sur la route, est devenue malgré elle l’incarnation de l’inhumanité du conflit. Remettre en cause la signature, ce n’est pas salir l’histoire : c’est tenter de la comprendre avec davantage d’honnêteté. 

Mon ressenti trouve parfaitement écho dans la structure du documentaire : une enquête passionnante, un travail d’orfèvre, et surtout l’impression qu’on touche du doigt un tabou longtemps resté dans l’ombre. Même sans répondre définitivement à la question « qui a déclenché l’appareil ? », le film réussit à interroger la façon dont on écrit l’Histoire – et surtout ceux qui en sont effacés. 

The Stringer est donc un documentaire riche, troublant et nécessaire, qui redonne une place à ceux que l’on n’a jamais entendus et qui rappelle que derrière chaque icône se cache un faisceau fragile de récits, d’hommes et de vérités souvent confisquées. 

NOTE : 13.30

FICHE TECHNIQUE

Directed byBao Nguyen
Written by
  • Terri Lichstein
  • Fiona Turner
  • Gary Knight
  • Graham Taylor
Produced by
  • Fiona Turner
  • Terri Lichstein
Cinematography
  • Bao Nguyen
  • Andrew Yuyi Truong
  • Ray Lavers
Edited byGraham Taylor
Music byGene Back
Production
companies
  • XRM Media
  • The VII Foundation
  • Linlay Productions
Distributed byNetflix[1]

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