Vu le Film Le Château dans le Ciel film d'animation japonais du studio Ghibli, réalisé par Hayao Miyazaki (1986)
Pour un premier film estampillé Studio Ghibli, on peut dire que Miyazaki ne s’est pas contenté d’ouvrir la porte : il l’a fait sauter au vent façon porte de coffre-fort en plein braquage. Le Château dans le Ciel est moins poétique que certains chefs-d’œuvre ultérieurs du Studio, certes, mais il se révèle être un formidable film d’aventure, un vrai, avec du vent, du ciel, des pirates, des poursuites et ce petit grain de folie qui fait que, trente ans après, on a encore l’impression que ça bouge sous nos yeux. Et quel concept : un film qui se passe essentiellement dans le ciel ! Forcément, ça donne des envies d’altitude.
L’histoire, d’abord : Sheeta, mystérieuse jeune fille tombée littéralement du ciel, fuit des agents gouvernementaux qui en veulent à son pendentif. Elle atterrit dans la vie de Pazu, gamin courageux, débrouillard et aussi attachant qu’une boule d’énergie qui ne lâche jamais l’affaire. Ensemble, ils vont tenter de découvrir la vérité autour de Laputa, cette île flottante perdue dans les nuages, à mi-chemin entre mythe, technologie oubliée et fantasme d’aventurier. Et là, on peut dire que Miyazaki ne lésine pas : bagarres, cascades, poursuites aériennes, infiltration, course contre la montre… Raconter une histoire aussi dense dans un espace aussi réduit qu’une île dans le ciel, il fallait oser — et lui, il le fait tranquillement, comme s’il fabriquait une maquette un dimanche après-midi.
Pazu, avec son courage sans faille, sa bonté naturelle et sa manière d’affronter le monde à mains nues, n’est clairement pas sans rappeler un certain Monkey D. Luffy. Il y a du One Piece avant l’heure dans ce film, surtout avec cette joyeuse bande de pirates aériens. Les Dola, cette mère de famille au tempérament d’enclume chaude et ses « fifils à leur maman », apportent un relief comique délicieux. Ils passent leur temps à vouloir être féroces, mais finissent comme une troupe de grands enfants un peu lourdauds, irrésistiblement drôles. Rien que pour eux, le film a déjà une personnalité folle.
L’univers du film n’est pas simplement japonais : il emprunte énormément à la culture occidentale — de Swift à Oscar Wilde en passant par les architectures inspirées du XIXᵉ siècle — ce qui lui donne un mélange savoureux et inattendu. Et pourtant, malgré ces influences, tout respire la patte Miyazaki : machines volantes biscornues, paysages qui prennent le temps de vivre, plan larges à donner le vertige, et cette manière de relier les personnages au monde autour d’eux. On retrouve même des plans qui, aujourd’hui, n’ont absolument pas à rougir face à Avatar. Quand Miyazaki se dit qu’il va impressionner son public, il n’y va pas à moitié.
La mise en scène est tendue, précise, jamais bavarde inutilement. Ça avance. Ça vole. Ça fonce. Et quand ça ralentit, c’est pour installer une atmosphère mystérieuse, parfois poétique, et d’autres fois franchement épique. La grande force du film, c’est d’alterner ces tonalités sans jamais perdre son spectateur. On sent déjà le réalisateur méticuleux qui deviendra une légende.
Les voix japonaises apportent une intensité toute particulière, avec un Pazu sincère et lumineux, une Sheeta douce mais déterminée, et une Dola qui occupe l’espace sonore comme un capitaine corsaire surgit d’un roman d’aventure. Le casting fait vivre chaque émotion, chaque montée d’adrénaline, chaque souffrance aussi. Et au-dessus de tout cela flotte l’inoubliable musique de Joe Hisaishi. Une bande-son qui sublime chaque scène, renforce l’aspect magique et mystérieux, et fait battre le cœur du film comme une vieille machine volante encore pleine de secrets.
Enfin, impossible de parler du film sans évoquer le travail sur les personnages. Ils sont justes, profonds, jamais caricaturaux. Sheeta, entourée d’un flot de mystères, avance avec une douceur et une dignité rares. Pazu, lui, se révèle un héros par sa gentillesse autant que par son courage. Leur duo fonctionne immédiatement, comme s’il existait depuis toujours. Et les « méchants » eux-mêmes ont assez de nuances pour que le film ne tombe jamais dans le manichéisme.
Le Château dans le Ciel frappe fort. Très fort. Pour un premier film du Studio Ghibli, c’est une déclaration d’intention : ici, on raconte, on émerveille, on fait rire, on fait trembler, et surtout on donne aux enfants comme aux adultes l’envie de lever les yeux vers les nuages. Et ça, c’est déjà beaucoup.
NOTE : 16.20
FICHE TECHNIQUE
- Titre original : 天空の城ラピュタ (Tenkū no Shiro Rapyuta)
- Titre français : Le Château dans le ciel
- Titre international : Laputa: Castle in the Sky
- Réalisation et scénario : Hayao Miyazaki
- Musique : Joe Hisaishi
- Production : Isao Takahata
- Société de production : studio Ghibli
- Société de distribution : Buena Vista Distribution
- Pays d’origine : Japon
Voix originales
- Mayumi Tanaka : Pazu
- Keiko Yokozawa : Sheeta
- Kotoe Hatsui : Dora
- Minori Terada : Muska
- Fujio Tokita : Papy Pomme
- Ichiro Nagai : le général
- Takuzō Kamiyama : Charles
- Yoshito Yasuhara : Henri
- Sukekiyo Kamiyama : Louis
- Hiroshi Ito : Duffy
- Ryūji Saikachi : Pepère
- Machiko Washio : Okami
- Reiko Suzuki : la grand-mère
- Tomomichi Nishimura : le conducteur du train
Voix françaises
- Olivier Martret : Pazu
- Manon Azem : Sheeta
- Perrette Pradier : Dora
- Pierre Tessier : Muska
- Yves Barsacq : Papy Pomme
- Benoît Allemane : le général
- Jérôme Pauwels : Henri
- Pierre Laurent : Louis
- Philippe Catoire : Duffy
- William Sabatier : Pepère
- Maïté Monceau : Okami
- Paule Emanuele : la grand-mère
- Jacques Bouanich : le conducteur du train

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