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lundi 15 décembre 2025

13.20 - MON AVIS SUR LE FILM 7 MORTS SUR ORDONANCE DE JACQUES ROUFFIO (1975)

 


Vu le Film 7 Morts sur Ordonnance de Jacques Rouffio (1975) avec Michel Piccoli Gérard Depardieu Jane Birkin Pascal Pellen Patricia Pellen Marina Vlady Charles Vanel Coline Serreau Valérie Mairesse  

distance, deux chirurgiens vont connaître le même destin : ils seront tous deux victimes de manœuvres, rumeurs, pressions et réprobations les poussant en fin de compte au suicide… 

Les deux médecins sont pourtant aussi différents qu'il est possible de l'être, hormis par leur professionnalisme et leur refus des compromis. C'est ce qui gêne le professeur Brézé et son clan (trois fils et un gendre, tous médecins) pour les pertes de clients que subit la clinique qu'il dirige. 

Un psychiatre en bonnes relations avec tout le monde (Mathy, joué par Michel Auclair) est le seul à connaître tous les éléments de l'affaire, mais ceux-ci ne se dévoilent que peu à peu après plusieurs fausses pistes. 

7 morts sur ordonnance de Jacques Rouffio est un film malade — et il le sait. Un film qui opère sans anesthésie, qui dissèque un corps social gangrené, celui d’une bourgeoisie médicale provinciale où la blouse blanche sert de paravent à toutes les salissures. Inspiré d’un fait divers réel survenu dans la région de Reims, le scénario, longuement documenté, ne cherche jamais à rassurer : il instille le doute, la suspicion, la peur sourde que le pouvoir, quand il devient clan, peut décider de la vie et de la mort sans jamais laisser d’empreintes. 

Le docteur Brézé et son cercle ne tuent pas toujours directement : ils organisent. Ils pressurisent, étranglent moralement, humilient, endettent, isolent. Le meurtre ici n’est pas un acte, c’est un processus. Les “suicides” sont-ils vraiment des choix ? Ou l’aboutissement logique d’un chantage savamment dosé ? Pour Berg (Gérard Depardieu, massif, inquiet, déjà inquiétant), on peut croire à la faillite personnelle, aux dettes, à la lâcheté humaine. Mais pour Losseray (Michel Piccoli, glaçant de retenue), le geste interroge, dérange, résiste à toute logique simple. Se tuer parce qu’on ne peut plus exercer ? Ou parce qu’on sait trop ? Parce qu’on ne veut pas affronter l’horreur qu’on a cautionnée ? Rouffio ne tranche jamais — et c’est là que le film devient paranoïaque au sens noble : il oblige le spectateur à penser contre lui-même. 

On sort de la projection avec des questions plein la tête et aucune réponse confortable. 7 morts sur ordonnance, c’est l’arrivisme médical dénoncé sans la moindre complaisance : chantage, calomnie, erreurs opératoires opportunes, “accidents” bien tombés, dossiers qui disparaissent. Une guerre de business où les patients ne sont plus que des clients, et où la moindre faille est exploitée comme une artère ouverte. Une médecine de marché avant l’heure, filmée comme un polar administratif. 

Et puis il y a ce début de film que personne n’oublie. Le meurtre de Jane Birkin et de ses quatre enfants. Rouffio brise tous les interdits, filme la violence en quelques secondes, sèchement, sans musique, sans emphase. Une scène brutale, sidérante, moralement insupportable — donc nécessaire. Elle hante le film comme un spectre, elle annonce que tout est permis, même l’impensable. 

La mise en scène est rigoureuse, clinique, presque froide. Rouffio observe, encercle ses personnages, les enferme dans des cadres étouffants, des intérieurs bourgeois où l’air manque. La partition de Philippe Sarde enveloppe le tout d’une menace sourde, élégante et funèbre, comme une seringue prête à s’enfoncer. 

Tous les comédiens — les meilleurs de cette époque bénie — sont remarquables. Depardieu, Piccoli, Birkin, mais surtout Charles Vanel, inoubliable en pourriture avide de pouvoir, visage ravagé, voix d’outre-tombe, incarnation même d’un système qui ne doute jamais. Il ne joue pas un monstre : il joue un notable. Et c’est bien pire. 

7 morts sur ordonnance est un film inconfortable, dérangeant, moralement contaminé. Un film qui vous fait douter de tout : des institutions, des élites, des gestes “médicaux”, des morts “volontaires”. Un film où l’on ne se dispute pas des patients, mais des marchés. Une guérilla feutrée, propre en surface, sanglante en profondeur. Et quand le générique tombe, une seule certitude demeure : dans ce monde-là, la mort n’est jamais une erreur. C’est une option.

NOTE : 13.20

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