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jeudi 18 décembre 2025

7.00 - MON AVIS SUR LE FILM ALPHA DE JULIA DUCOURNAU (2025)


 Vu le Film Alpha de Julia Ducournau (2025) avec Tahar Rahim Golshifteh Farahni Melissa Boros Emma Mackey Finnegan Oldfied Louai El Amrousy Marc Riso Jean François Clichet Jules Spitéri François Rollin 

Dans les années 1980, dans la ville portuaire du Havre, Alpha est l'enfant unique d'une jeune médecin qui travaille dans un service hospitalier fermé avec des malades atteints d'un virus. La jeune fille de treize ans est évitée par ses camarades de classe car des rumeurs circulent selon lesquelles elle serait atteinte d'une nouvelle maladie. Lorsque l'adolescente revient de l'école avec un tatouage sur le bras représentant la lettre A, le monde s'écroule pour sa mère. Elle s'inquiète de savoir quelle maladie sa fille a pu attraper avec l'aiguille du tatoueur. Son frère Amin, séropositif, est un toxicomane sans espoir dont les bras sont couverts de marques de piqûres. 

Après Grave, film inventif, dérangeant, réellement habité, Julia Ducournau s’était imposée comme une cinéaste à suivre, une sorte de Cronenberg en devenir. Puis est arrivé Titane, palme d’Or incompréhensible, déjà symptomatique d’un cinéma qui confond provocation et profondeur. Alpha confirme malheureusement le diagnostic : oui, elle pouvait descendre encore plus bas. Et non, ce film n’est pas l’Oméga du grand œuvre espéré, il est au mieux un Bêta maladif, bancal, épuisant. 

Le point de départ est pourtant lourd de sens : parler du sida – sans jamais le nommer – dans un contexte qui évoque clairement les années de peur, de stigmatisation et de mort lente. Mais là où le sujet exige pudeur, regard humain, empathie médicale ou intime, Ducournau choisit la pire option : transformer la maladie en film d’horreur, en entité quasi alien qui colonise les corps. Une métaphore que je refuse. Le sida n’est pas un monstre de cinéma de genre, ce n’est pas Alien, ce n’est pas une créature qui surgit pour faire frissonner le spectateur. À vouloir choquer pour choquer, la réalisatrice ne fait pas du cinéma, elle fabrique de la chienlit cinématographique. 

Le choix de placer au centre du récit une jeune fille de 13 ans, Alpha, interprétée par Mélissa Boros, relève du mauvais goût pur. L’enfant devient l’otage des obsessions de la réalisatrice, prisonnière d’un dispositif malsain, opaque, qui la dépasse. On ne la regarde jamais vivre, on la regarde subir. Et cela pose un vrai malaise, pas celui qui nourrit la réflexion, mais celui qui met mal à l’aise pour de mauvaises raisons. 

Tahar Rahim, pourtant immense acteur, paie lui aussi le prix de ce délire. Amaigri à l’extrême – à l’ère des prothèses et des effets spéciaux –, il devient un corps-symbole plus qu’un personnage. On finit par regarder sa maigreur plus que son jeu, d’ailleurs souvent surjoué. Après Aznavour, cela commence à faire beaucoup pour un acteur qu’on a connu plus subtil. Seule Golshifteh Farahani s’en sort à peu près, apportant un minimum de chair, de présence, de sincérité dans un film qui en manque cruellement. 

La mise en scène, elle, s’éparpille. Le récit part dans tous les sens, sans ligne directrice claire. Les allers-retours entre passé et présent deviennent vite lassants, mécaniques, et finissent par empêcher toute attache émotionnelle aux personnages. On se demande constamment où le film veut en venir. La réponse arrive, certes, à la fin… mais trop tard. Le mal est fait : l’ennui s’est installé. 

Car oui, Alpha est un film ennuyeux. Pesant. Autosatisfait. Dépourvu de rythme. Ducournau semble persuadée que la gravité de son sujet suffit à faire œuvre. Ce n’est pas le cas. Le cinéma, même radical, a besoin de structure, de regard, d’un minimum de clarté émotionnelle. 

Décidément, Julia Ducournau donne l’impression d’avoir eu un coup de chance – ou un coup de génie – une seule fois, avec Grave. Un premier film qui promettait une carrière brillante. Depuis, c’est la chute libre : plus c’est radical, plus c’est creux. Alpha n’est pas un film courageux, c’est un film perdu, brouillon, prétentieux, qui instrumentalise la maladie et l’enfance au lieu de les comprendre. Et ça, ce n’est pas dérangeant : c’est raté. 

NOTE : 7.00

FICHE TECHNIQUE

  • Réalisation et scénario : Julia Ducournau
  • Musique : Jim Williams
  • Décors : Emmanuelle Duplay
  • Costumes : Isabelle Pannetier
  • Photographie : Ruben Impens
  • Son : Séverin Favriau, Paul Maenaudt et Stéphane Thiebaut
  • Montage : Jean-Christophe Bouzy
  • Direction de production : Julien Flick
  • Production : Eric Altmayer, Nicolas Altmayer, Jean des Forêts, Amélie Jacquis
  • Sociétés de production : Kallouche Cinéma et Mandarin et Compagnie, en coproduction avec Frakas Productions, en association avec trois SOFICA
  • Société de distribution : Diaphana (France

 DISTRIBUTION


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