Vu le Film Le Jour et l’Heure de René Clément (1963) avec Simone Signoret Stuart Whitman Michel Piccoli Geneviève Page Bill Kearns Henri Virlojeux Yvette Etievant Marcel Bozuffi Edward Meeks
Mai 1944 : la Gestapo recherche trois américains dont l'avion a été abattu. Thérèse Dutheil, une bourgeoise parisienne seule avec ses deux jeunes filles depuis que son mari est prisonnier en Allemagne, vient se ravitailler dans une ferme de son village natal des Ardennes, puis pour regagner Paris monte dans le camion d'un ami, Antoine. Elle y découvre avec surprise l'un des trois américains, le capitaine Allen Morley, en fuite avec deux pilotes anglais, et se retrouve mêlée à leur convoyage secret vers la capitale. À leur arrivée, Allen Morley ne pourra trouver refuge chez le pharmacien qui devait l'accueillir ; aussi demande-t-il asile à Thérèse qu'il prend pour une résistante. Celle-ci accepte de l’aider et le cache à son domicile où sa belle-sœur Agathe, favorable aux Allemands, exerce une surveillance constante
Une nouvelle fois, René Clément pose sa caméra en terrain miné : la Seconde Guerre mondiale.
Après Jeux interdits et Paris brûle-t-il ?, il revient à cette période sombre sans fioritures ni nostalgie.
Ici, pas de grande fresque militaire ni de héros flamboyant.
Clément préfère l’ombre à la lumière, le quotidien à l’épopée.
Le film se concentre sur Thérèse Dutheil, incarnée par une Simone Signoret formidable de retenue.
Une femme ordinaire, sans discours héroïque, mais dont chaque geste peut coûter la vie.
Elle aide un aviateur anglais, interprété par Stuart Whitman, traqué par la Gestapo avec deux camarades.
Une mission simple sur le papier, impossible dans la réalité.
La promiscuité entre les deux protagonistes est frappante.
Ils sont ensemble, mais comme à distance.
Les sentiments existent, peut-être, mais restent étouffés par l’urgence et la peur.
Échapper au pire : est-ce pour l’amour ou pour la gloire ?
Clément ne tranche jamais, et c’est tant mieux.
La mise en scène est sobre, sèche, efficace.
Aucune concession sur cette période noire de notre pays.
La Résistance n’est pas idéalisée, la collaboration n’est jamais excusée.
Tout est montré sans jugement appuyé, mais avec une lucidité glaciale.
Le scénario avance sans esbroufe.
Chaque rencontre peut devenir une trahison.
Chaque silence est plus parlant qu’un discours.
La tension naît de détails, de regards, d’attentes interminables.
Les seconds rôles sont remarquables.
Ils traversent le film de long en large et lui donnent une vraie épaisseur humaine.
Des visages fatigués, ambigus, parfois lâches, parfois courageux — souvent les deux à la fois.
C’est là que le film respire.
Signoret porte le film sans jamais le surjouer.
Son jeu est intérieur, précis, presque rugueux.
Whitman, plus effacé, fonctionne parfaitement comme contrepoint : un homme dépendant, vulnérable, étranger à tout.
Le duo fonctionne justement parce qu’il ne cherche jamais l’effet.
Le contexte est classique, oui.
Mais il est parfaitement rendu, sans folklore ni reconstitution tape-à-l’œil.
Clément filme la guerre comme une fatigue morale permanente.
Un temps où survivre est déjà un acte de résistance.
Le Jour et l’Heure est un film solide, efficace, tendu, sans jamais chercher à impressionner.
Pas un chef-d’œuvre flamboyant, mais une œuvre honnête, tenue, profondément humaine.
Un film qui préfère la gravité à l’héroïsme, le doute à la certitude.
Et c’est précisément pour cela qu’il tient encore debout aujourd’hui.
NOTE : 13.90
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : René Clément
- Scénario : André Barret
- Adaptation : René Clément, Roger Vailland
- Dialogues : Roger Vailland
- Directeur de la photographie : Henri Decae
- Format 2.35 : 1 scope noir et blanc procédé : Franscope
- Son : Pierre Calvet - mono
- Musique : Claude Bolling
- Décors : Bernard Evein
- Assistants-réalisateurs : Costa-Gavras et Claude Pinoteau
- Montage : Fedora Zincone
- Simone Signoret : Thérèse Dutheil
- Stuart Whitman : le capitaine Allen Morley
- Geneviève Page : Agathe, la belle-soeur de Thérèse
- Michel Piccoli : Antoine
- Billy Kearns : Pat Riley
- Henri Virlogeux : le pharmacien Legendre
- Yvette Étiévant : la caissière de la pharmacie
- Hénia Sucha : la fille en bleu
- Reggie Nalder : le policier allemand
- Pierre Dux : le commissaire Marboz
- Marcel Bozzuffi : l'inspecteur Lerat
- Anthony Stuart : le lieutenant-colonel Hammond
- Roger Kemp : le lieutenant Crampton, aviateur anglais
- Mark Burns : le sous-lieutenant Barclay, aviateur anglais
- Edward Meeks : un aviateur anglais
- Hubert de Lapparent : le procureur Jasseron
- Maurice Garrel : un milicien
- Marcel Gassouk : un client du café de l'hôtel de ville
- Colette Castel : Lucie, la soeur d'Agathe
- Gabriel Gobin : l'employé du chemin de fer
- Charles Bouillaud : le passager du train bousculé par Allen
- Paulette Pastor : la serveuse de la guinguette
- Jean-Claude Michel : le chef des maquisards pyrénéens
- Jacques Herlin : le maquisard pyrénéen méfiant
- Carl Studer : le major Gordon, de l'OSS
- Clara Gansard : la maquisarde pyrénéenne

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