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mardi 9 décembre 2025

12.20 - MON AVIS SUR LE FILM BELLE DE JOUR DE LUIS BUNUEL (1967)


Vu le Film Belle de Jour de Luis Bunuel (1967) avec Catherine Deneuve Michel Piccoli Pierre Clémenti Geneviève Page Jean Sorel Maria Latour Françoise Fabian Macha Méril Francis Blanche Francisco Rabal Iska Khan Bernard Musson François Maistre 

Epouse d'un jeune interne des hopitaux, Pierre, Severine n'a jamais trouvé un véritable plaisir auprès de lui. Un des amis du ménage, play-boy amateur de call-girls, lui glisse un jour l'adresse d'une maison clandestine. Troublée, Severine ne résiste pas à l'envie de s'y rendre et ne tarde pas à devenir la troisieme pensionnaire de Mme Anais. Elle y est appelée Belle de jour car ses visites surviennent chaque après-midi de deux à cinq heures. 

Belle de Jour, c’est un peu le genre de film qui ressemble tellement à son époque qu’on pourrait y sentir la fumée des cafés parisiens et la morale élastique d’une France qui découvre que la « libération des mœurs » pouvait rapidement virer aux terrains glissants… voire boueux. On y trouve ce climat où, tant que ça faisait du fric et que ça choquait juste ce qu’il faut, rien n’était vraiment interdit. Et dans ce cadre-là, Buñuel plante une histoire qui peut aujourd’hui provoquer autant de malaise que de fascination. 

Le film suit Séverine Serizy, jeune bourgeoise glacée en apparence, mariée à un homme qui n’est pourtant « pas moche du tout », mais qui semble aussi transparent que son intérieur bourgeois. Pour tenter de combler un vide intérieur – ou un gouffre, c’est selon – elle glisse doucement mais sûrement dans une maison de passe où elle devient « Belle de Jour », cette fleur qui n’éclot qu’à certaines heures, de 14h à 17h, comme l’annonce fièrement la patronne. Une call-girl de l’après-midi, presque un symbole horticole du refoulé. 

Et c’est là que le film déraille volontairement : voir cette femme profondément perdue s’humilier, se faire malmener, frapper parfois par des pervers notoires, ça a forcément une dimension dérangeante. Même sans être femme ni féministe, il y a un moment où le respect de soi-même et des autres devrait être la base. Mais Séverine, pour se sentir plus vivante, plus épanouie peut-être, croit devoir passer par la prostitution. Drôle de film, si on peut dire. On navigue entre fantasmes, rêves éveillés et pulsions que Buñuel traite avec son ironie presque perfide. 

Et pourtant… ça passe. Ça passe « crème », grâce au talent immense des comédiens et à cette mise en scène prodigieuse. Catherine Deneuve, sensuelle, glacée, soumise, mystérieuse, prend tellement cher que parfois on veut lui tendre un café et lui dire : « Séverine, respire un peu ! » Mais elle est magnifique, de jour comme de nuit, et ses silences sont presque plus parlants que tous les dialogues. Face à elle, Pierre Clémenti, avec ses yeux qui pourraient hypnotiser un lampadaire, irradie un charme dangereux, électrique, presque trop beau pour être vrai. Et Jean Sorel, impeccable dans son rôle de mari aimant mais aveuglé, complète le triangle avec une sobriété désarmante. 

L’histoire, bien que simple dans son déroulé, provoque constamment un vertige : rêve ou réalité ? désir assumé ou pulsion honteuse ? Buñuel ne juge pas, il observe. Et dans ce climat, certains personnages pourraient effectivement migrer sans effort dans d’autres films français de la même époque, où la sexualité devenait le terrain de jeu favori des cinéastes. Par moments, on sent presque le réalisateur se moquer gentiment de la bourgeoisie, de ses frustrations et de ses tabous qui finissent toujours par exploser. 

Alors oui, Belle de Jour n’est clairement pas un film féministe. Il peut mettre mal à l’aise, parfois profondément. On peut se sentir en décalage devant certaines scènes, se dire que cette époque ne reculait devant rien. Mais entre les fulgurances visuelles de Buñuel, les acteurs au sommet et ce mélange étrange de provocation et d’élégance, il y a quelque chose qui reste, quelque chose d’inclassable. Un film dérangeant, brillant, baroque, qui n’a pas fini de faire parler – même si, personnellement, je garde un petit pincement pour Clémenti (ah, ces yeux…). 

Un film que je regarde « mitigé », fasciné d’un œil, gêné de l’autre, mais impossible à oublier. Et c’est peut-être ça, la vraie marque de Buñuel. 

NOTE : 12.20

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