Vu le Film Sentimental Value de Joachim Trier (2025) avec Stellan Skaarsgard Renate Reisnve Elle Fanning Anders Danielsen Lie Cory Michael Smith Inga Insdotter Lilleaas
Agnès et Nora voient leur père débarquer après de longues années d'absence. Réalisateur de renom, il propose à Nora, comédienne de théâtre, de jouer dans son prochain film, mais celle-ci refuse avec défiance.
Je ne suis pas un inconditionnel du cinéma de Joachim Trier, et Sentimental Value n’a clairement pas changé la donne. Trier a une obsession presque académique pour les crises existentielles au sein de la famille — au point qu’on se demande s’il ne collectionne pas les séances chez le psy pour documenter ses scénarios. Cette fois-ci, on navigue en terrain connu : une mère disparaît, et les deux filles doivent faire face au retour du père, un retour qu’elles n’accueillent pas franchement avec les bras ouverts. Sur le papier, l’idée pourrait donner lieu à un drame intime poignant, mais encore faut-il que quelque chose pulse à l’écran.
L’histoire commence pourtant sur une scène assez forte, presque prometteuse. On croit qu’on va enfin tenir un Trier qui percute, qui saisit, qui émeut. Mais très vite, le film se replie sur ce que le réalisateur sait (trop) bien faire : de longs, très longs dialogues, avec un père réalisateur célèbre qui rêve de refaire du cinéma… en embarquant sa fille dans son nouveau projet. On sent tout de suite que la dynamique père/fille pourrait être explosive. Problème : c’est une explosion au ralenti, tellement au ralenti que le film finit par ressembler à une mèche mouillée.
Le rythme, justement, est la grande affaire — ou plutôt la grande absence — de Sentimental Value. Que c’est lent, que c’est long ! Deux heures de soupirs, d’étirements, de silences prolongés où l’on se surprend à se dire qu’on aurait le temps de faire un aller-retour à la cuisine sans perdre une information essentielle. Le film donne l’impression que Trier tient à laisser respirer chaque scène… sauf que là, on ne respire plus, on hiberne. Même le découpage, pourtant précis, finit par renforcer cette impression de flottement glacial qui ne m’a jamais permis d’entrer émotionnellement dans ce qui se jouait.
Ajoutons à cela la barrière de la langue : les dialogues, en norvégien, sont parfois complexes, et à force de lire les sous-titres on perd le sens du temps. Littéralement. Je me suis surpris à dissocier vingt fois, à observer les gens dans la salle comme si leur réaction allait m’aider à ressentir quelque chose que le film ne me donnait pas. Quand un film devient un test d’attention plutôt qu’une expérience émotionnelle, c’est rarement bon signe.
Pourtant — et c’est là la frustration — les acteurs, eux, sont formidables. Renate Reinsve, une fois encore, dégage une intensité naturelle qui pourrait transformer le botox en lac de larmes. Elle joue avec une finesse remarquable, oscillant entre colère rentrée et vulnérabilité assumée. Stellan Skarsgård, lui, apporte un poids, une maturité, un mélange de charme fatigué et de culpabilité sourde qui donnent au personnage du père une profondeur certaine. Le duo aurait pu faire des étincelles… encore aurait-il fallu que le film leur offre du carburant. Deux excellents comédiens, oui, mais ça ne fait pas un film.
La mise en scène, fidèle au style de Trier, semble vouloir créer une distance volontaire entre nous et les personnages. Mais cette fois, la distance devient un mur de glace. On voit les intentions, on comprend la volonté d’explorer la complexité des liens familiaux, mais on n’est jamais invité à ressentir quoi que ce soit. Comme si quelqu’un avait laissé le chauffage du film en mode “hors gel”.
Et puis arrivent les trois dernières minutes. Soudain, surprise : un souffle, un frisson, un moment enfin touchant. On réalise alors ce que le film aurait pu être si Trier avait desserré son corset narratif et accepté de laisser ses personnages vivre davantage. Une belle fin, presque trop belle, qui donne l’impression d’un cadeau d’adieu après deux heures de bâillements.
Je ne comprends pas la hype (peut-être je n’ai pas de coeur). Sentimental Value a de bons acteurs, une idée intéressante, et quelques éclats d’émotion. Mais entre sa lenteur glaciaire, son absence d’élan, et cette mise à distance permanente, j’en suis ressorti froid. Très froid. Un film qui parle de sentiments… mais qui, ironiquement, n’en provoque presque aucun.
NOTE : 13.40
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Joachim Trier
- Scénario : Joachim Trier, Eskil Vogt
- Photographie : Kasper Tuxen Andersen (da)
- Montage : Olivier Bugge Coutté (no)
- Musique : Hania Rani
- Production : Maria Ekerhovd (no), Andrea Berentsen Ottmar
- Production déléguée : Kristina Börjeson, Jeff Deutchman, Nancy Grant, Anders Kjærhauge, Solene Leger, Alexandre Mallet-Guy, Fridrik H. Mar, Tom Quinn, Renate Reinsve, Stellan Skarsgård, Ola Strøm, Magnus Thomassen, Joachim Trier, Eskil Vogt, Eva Yates
- Production exécutive : Jessica Balac, Stine Hoel
- Coproduction : Jonas Dornbach (de), Janine Jackowski (de), Lizette Jonjic, Elisha Karmitz, Nathanaël Karmitz, Olivier Père, Juliette Schrameck, Lars Thomas Skare, Atilla Salih Yücer
- Sociétés de production : Mer Film, Lumen, Eye Eye Pictures, Zentropa Entertainment et Komplizen Film
- En coproduction avec : MK2 Productions, Arte France Cinéma, Alaz Film, ZDF et Don't Look Now[7]
- Avec la participation de : BBC Film[] et Film i Väst[]
- Société de distribution : Memento (France)
- Renate Reinsve : Nora Borg
- Stellan Skarsgård : Gustav Borg
- Inga Ibsdotter Lilleaas (no) : Agnes Borg Pettersen
- Elle Fanning : Rachel Kemp
- Anders Danielsen Lie : Jakob
- Jesper Christensen : Michael
- Cory Michael Smith : Sam
- Catherine Cohen : Nicky
- Andreas Stoltenberg Granerud : Even
- Øyvind Hesjedal Loven : Erik
- Lars Väringer (sv) : Peter
- Ida Marianne Vassbotn Klasson : Sissel Borg
- Vilde Søyland : Karin Borg
- Mari Strand Ferstad : Edith Irgens
- Julia Küster : Lillian

Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire