Vu le film Petites mains de Nessim Chikhaoui (2024) avec Corinne Maseiro Kool Chen Mariama Gueye Salimata Kamate Fatima Adoume Maimouna Gueye Abdallah Charki Lucie Charles Alfred Marie Sohna Condé
Rien n'avait préparé Eva à
l'exigence d'un grand hôtel. En intégrant l'équipe des femmes de chambre, elle
fait la connaissance de collègues aux fortes personnalités : Safietou, Aissata,
Violette et Simone. Entre rires et coups durs, la jeune femme découvre une
équipe soudée et solidaire face à l'adversité. Lorsqu'un mouvement social
bouscule la vie du palace, chacune de ces "petites mains" se retrouve
face à ses choix.
Petites mains de Nessim Chikhaoui est un film qui s'inscrit
dans la mouvance des films militants, dénonçant des réalités sociales fortes,
mais qui semble souffrir des travers courants de ce genre de cinéma. Le film
met en scène des travailleurs précaires piégés dans des emplois d'exploitation,
souvent qualifiés d'esclavage moderne. Pourtant, ce qui ressort comme une
lacune majeure, c'est le manque de développement autour des histoires des
personnages et des raisons qui les amènent à accepter ces situations extrêmes.
Le film, malgré son sujet
brûlant, paraît trop axé sur la dénonciation immédiate du problème, sans
s'attarder sur le parcours des personnages. Le spectateur est confronté aux
conséquences de l'exploitation sans jamais vraiment comprendre les mécanismes sociaux,
économiques ou psychologiques qui y mènent. Ce traitement donne l'impression
que le film survole ses thématiques au lieu de les approfondir. La dimension
humaine, pourtant essentielle dans ce type de récit, se retrouve éclipsée par
l'urgence du message militant.
En effet, l'absence de
développement narratif autour des motivations et des dilemmes des personnages
empêche une véritable immersion émotionnelle. On ne sait pas vraiment pourquoi
ces individus finissent dans ces emplois indignes, ni quelles sont les forces
qui les poussent à accepter l'inacceptable. Les films militants, lorsqu'ils
négligent cet aspect, risquent de déshumaniser leurs protagonistes, les
réduisant à des symboles ou des archétypes de la victime sans offrir de
complexité ni d'épaisseur à leur histoire. Dans Petites mains, cette
approche nuit à l'efficacité du film et à son impact sur le spectateur.
La mise en scène, quant à elle,
manque parfois de finesse. Elle semble trop concentrée sur l'illustration brute
des conditions de travail dégradantes, au détriment d'une narration plus
nuancée ou d'une atmosphère qui pourrait renforcer l'empathie du spectateur. Un
film militant peut certes se permettre d’être direct et percutant, mais il doit
aussi réussir à captiver et à engager émotionnellement pour provoquer une vraie
réflexion. Ici, l'accent semble être mis sur la gravité de la situation plutôt
que sur la création d'une œuvre cinématographique équilibrée.
En comparaison, le film Placés,
également de Nessim Chikhaoui, parvient mieux à cet équilibre. Dans Placés,
les personnages sont développés avec plus de soin et d'humanité. Le spectateur
est amené à comprendre les dynamiques personnelles et sociales qui les poussent
à agir comme ils le font, ce qui renforce l'attachement émotionnel et l'impact
du film. Placés prend le temps de montrer le contexte, les interactions
et les dilemmes internes des personnages, ce qui le rend plus touchant et plus
immersif.
Petites mains, avec son message percutant, reste une œuvre
importante, mais aurait gagné en force et en profondeur en accordant plus de
place à l'histoire de ses personnages. En se concentrant uniquement sur
l’aspect dénonciateur, il perd l’occasion de créer une connexion plus forte
avec le spectateur et de rendre le problème qu’il expose encore plus poignant.
NOTE : 7.20
FICHE TECHNIQUE
Réalisation : Nessim Chikhaoui
Scénario : Nessim Chikhaoui et Hélène Fillières
Musique : Demusmaker
Costumes : Carole Gérard
Montage : Sarah Ternat
Production : Matthieu Tarot et Alice Labadie
Sociétés de production : Le Pacte, Albertine Productions
Société de distribution : Le Pacte
DISTRIBUTION
- Corinne Masiero : Simone
- Lucie Charles-Alfred : Eva
- Marie-Sohna Condé : Safiatou
- Salimata Kamaté : Violette
- Maïmouna Gueye : Aissata
- Kool Shen : Thierry Bonneau
- Abdallah Charki : Ali
- Mariama Gueye : Agnès Simon
- Fatima Adoum : Fatima
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