Dans le cadre des Mille Films de ma Vie , je vous propose le film Nocturama de Bertrand Bonello (2016) avec Jamil McCraven Manal Issa Vincent Rottiers Hamza Meziani Laura Valentinelli Finnegan Oldfield Robin Goldbronn Ilias Le Doré Adéle Haenel Rabah Nait Oufellah Luis Rego
Paris, un matin. Une poignée de jeunes, de milieux
différents. Chacun de leur côté, ils entament un ballet étrange dans les
dédales du métro et les rues de la capitale. Ils semblent suivre un plan. Leurs
gestes sont précis, presque dangereux. Ils convergent vers un même point, un
Grand Magasin, au moment où il ferme ses portes. La nuit commence.
Nocturama est un film d'une puissance viscérale
rare, un choc cinématographique qui ne laisse personne indifférent. Dès les
premières minutes, Bertrand Bonello nous immerge dans une atmosphère
oppressante où le spectateur devient le témoin impuissant d'une série d'actions
planifiées méticuleusement par un groupe de jeunes terroristes. La tension est
omniprésente, presque palpable, et chaque scène est construite comme un
crescendo vers un inévitable point de non-retour.
Le film, habilement découpé en deux parties distinctes,
joue avec les codes du thriller tout en gardant une approche presque clinique
dans sa mise en scène. La première partie est marquée par la précision
quasi-mathématique des gestes et des déplacements de ses protagonistes dans un
Paris labyrinthique et froid. C'est comme si Bonello chorégraphiait un ballet
de destruction, et chaque mouvement est à la fois angoissant et hypnotisant. La
deuxième partie, confinée dans un grand magasin déserté, change de rythme, mais
maintient cette atmosphère suffocante. On assiste alors à l'attente, à l'ennui,
à la peur qui s'infiltre lentement chez ces jeunes, jusque-là inébranlables.
Ce qui est particulièrement remarquable, c'est la
maîtrise totale de Bonello sur l'image et le son. La mise en scène est d'une
virtuosité indéniable : des plans-séquence magnifiquement exécutés, des
cadrages précis qui enferment les personnages dans une géométrie oppressante,
tout concourt à renforcer ce sentiment d'inéluctabilité. Le réalisateur sait
jouer avec l’hors-champ, laissant planer une menace constante qui hante chaque
plan.
Les scènes d'action sont spectaculaires sans jamais être
gratuites, mais ce sont surtout les moments de silence et d'attente qui
marquent le plus. Il y a une lenteur étudiée qui rend l'expérience presque
insupportable à certains moments, mais c'est précisément ce qui en fait un film
aussi intense. Le spectateur est maintenu en état d'alerte, et il est difficile
de sortir indemne de cette expérience.
Les acteurs, quant à eux, sont tous formidables. Ce
casting de jeunes comédiens, souvent méconnus, livre des performances d'une
justesse étonnante. Ils incarnent à la perfection cette génération
désillusionnée, en quête de sens, mais profondément perdue dans un monde qui ne
leur offre aucun repère solide. Bonello a su capturer cette ambiguïté, ce
malaise latent qui traverse toute une génération, et le fait avec une acuité
rare.
À la sortie de la salle, on se sent lessivé, comme passé
à la machine. Le film laisse une empreinte durable, non seulement en raison de
sa tension permanente, mais aussi à cause des questions qu'il soulève sans
jamais y répondre. Nocturama n'est pas un film qui cherche à expliquer
ou à justifier les actions de ses personnages, mais plutôt à en révéler la
complexité et l'inconfort. Cette absence de morale claire, ce refus de
condamner ou de pardonner, est précisément ce qui rend le film si troublant.
Bertrand Bonello, souvent sous-estimé, prouve ici qu'il
est un cinéaste de très grande envergure, capable de maîtriser tous les aspects
de son art avec une précision chirurgicale. Nocturama est sans doute
l'un de ses films les plus aboutis, un véritable tour de force visuel et
narratif. Mais c'est aussi un film profondément inquiétant, qui nous pousse à
nous interroger sur la violence, sur la jeunesse, et sur la société dans
laquelle nous vivons. Incontestablement, un grand film qui ne cesse de hanter
longtemps après le générique final.
- Réalisation : Bertrand Bonello
- Scénario : Bertrand Bonello
- Musique : Bertrand Bonello
- Production : Édouard Weil et Alice Girard
- Photographie : Léo Hinstin
- Distribution : Wild Bunch
- Sociétés de production : Rectangle Productions, coproduit par Pandora Film, Scope Pictures et Arte, en association avec les SOFICA Cinémage 10, Cofinova 12, SofiTVciné3, Cinéventure 1
- Finnegan Oldfield : David
- Vincent Rottiers : Greg
- Hamza Meziani : Yacine
- Manal Issa : Sabrina
- Martin Guyot : André
- Jamil McCraven : Mika
- Rabah Nait Oufella : Omar
- Laure Valentinelli : Sarah
- Ilias le Doré : Samir
- Robin Goldbronn : Fred
- Luis Rego : Jean-Claude
- Hermine Karagheuz : Patricia
- Adèle Haenel : la jeune femme au vélo
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