Vu le film Les Passagers de la Nuit de Delmer Daves (1947) avec Humphrey Bogart Lauren Bacall Agnès Moorehead Bruce Bennett Tom d’Andrea Clifton Young Rory Mallinson Douglas Kennedy Housely Stevenson Tom Fadden Mary Field Patrick McVey
Vincent Parry, condamné à perpétuité pour le meurtre de sa femme, s'évade de prison. Sur son chemin, il croise Irene Jansen, qui l'aide à passer un barrage de police. La jeune artiste peintre qui a suivi le procès est convaincue que Vincent est innocent. Recherché, Vincent décide dans un premier temps de fuir la ville avant d'avoir recours à la chirurgie esthétique. Muni d'un nouveau visage, il entreprend de retrouver le coupable, mais les événements vont encore lui échapper.
Les Passagers de la nuit
(Dark Passage, 1947) est un modèle du film noir des années 40, réalisé
par Delmer Daves, un cinéaste qui a su marquer le genre avec des œuvres sombres
et atmosphériques. Ce polar captivant met en scène le duo mythique Humphrey
Bogart et Lauren Bacall, dont la complicité et l'alchimie à l'écran atteignent
ici un sommet. Leur jeu, en noir et blanc, cristallise parfaitement l'esprit du
film noir d'après-guerre, marqué par la fatalité, le doute et la méfiance.
L’une des grandes originalités de ce film réside dans
son approche visuelle, notamment dans la première partie, où le personnage
principal, Vincent Parry (incarné par Bogart), n’apparaît pas à l'écran. Ce
choix audacieux de la part de Daves nous immerge immédiatement dans l’intrigue.
Nous suivons Vincent Parry à la première personne, à travers sa perspective
subjective. Cela crée une tension particulière, renforçant le mystère autour de
cet homme en fuite, évadé de prison après une condamnation pour un crime qu'il
nie avoir commis. Le spectateur partage son angoisse, ne voyant pas son visage,
et ne sachant pas s'il pourra échapper à ceux qui le traquent.
L’atmosphère oppressante du film est magnifiquement
servie par le noir et blanc, qui accentue les contrastes entre lumière et
ombre, un élément clé du film noir. Les rues de San Francisco, avec leurs
ruelles sombres, leurs ponts et leurs panoramas inquiétants, deviennent presque
un personnage à part entière, enveloppant Parry dans un labyrinthe urbain sans
issue apparente. C’est un décor parfait pour ce jeu de cache-cache avec la
police et ceux qui cherchent à lui nuire.
Le moment où Parry décide de subir une opération
chirurgicale pour changer de visage est un tournant essentiel dans le film.
C'est à ce moment qu'il "devient" Humphrey Bogart, et l'apparition de
l'acteur à l'écran après cette transformation marque une nouvelle phase de
l'intrigue. Le choix de ne montrer le visage de Bogart qu'à partir de ce moment
renforce le mystère et la fascination qu’il suscite. Il incarne ici
parfaitement le rôle du héros noir, un homme traqué, déterminé à prouver son
innocence dans un monde où la justice semble inaccessible.
Lauren Bacall, dans le rôle d’Irene Jansen, est tout
simplement éblouissante. Elle incarne une femme forte et indépendante, un
archétype de la femme fatale du film noir, bien que son personnage soit plus
empathique et moins manipulateur que dans d'autres films du genre. Elle croit
en l'innocence de Parry et l’aide tout au long de son périple, devenant à la
fois son soutien moral et son alliée la plus précieuse. La relation entre
Bacall et Bogart est évidemment l’un des points forts du film. Leur alchimie, déjà
éprouvée dans des films comme Le Port de l'angoisse (To Have and Have
Not, 1944) et Le Grand Sommeil (The Big Sleep, 1946), atteint
ici un nouveau degré de complicité. Leur dialogue subtil et leur connexion
palpable sont emblématiques du genre et offrent des moments de répit dans
l'intrigue tendue.
Le film de Delmer Daves est également remarquable par
sa galerie de personnages secondaires. Chaque figure semble avoir ses propres
intentions, troubles et ambiguës, ce qui renforce l'atmosphère paranoïaque du
récit. Le spectateur, comme Parry, ne sait jamais à qui faire confiance. Cette
ambiguïté est typique des grands films noirs, où le bien et le mal ne sont
jamais clairement définis et où chaque personnage peut basculer à tout moment.
La réalisation de Daves est exemplaire. Il maîtrise
parfaitement le rythme du film, alternant moments de suspense, de calme et de
tensions soudaines. Les séquences dans les rues de San Francisco, filmées avec
un sens aigu du détail et du réalisme, offrent un cadre idéal pour cette course
contre la montre. Le jeu des ombres, les éclairages expressionnistes et les
cadrages serrés contribuent à créer une atmosphère oppressante, où chaque coin
de rue, chaque visage croisé, peut représenter une menace.
NOTE : 16.20
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Delmer Daves
- Scénario : Delmer Daves, d'après un roman de David Goodis.
- Production : Jack Warner et Jerry Wald pour la Warner Bros. Pictures
- Musique : Franz Waxman et Max Steiner
- Décors : Charles H. Clarke
- Costumes : Bernard Newman
- Photographie : Sid Hickox
- Montage : David Weisbart
- Humphrey Bogart (VF : Claude Péran) : Vincent Parry
- Lauren Bacall (VF : Françoise Gaudray) : Irene Jansen
- Bruce Bennett (VF : Robert Dalban) : Bob
- Agnes Moorehead (VF : Lita Recio) : Madge Rapf
- Tom D'Andrea (VF : Fernand Rauzéna) : Sam, le chauffeur de taxi
- Clifton Young (VF : Robert Dalban) : Baker
- Douglas Kennedy (VF : Maurice Dorléac) : Détective Kennedy
- Rory Mallinson (VF : Raymond Loyer) : George Fellsinger
- Houseley Stevenson (VF : Pierre Leproux) : Dr Walter Coley
Et, parmi les acteurs non crédités :
- John Arledge : l'homme solitaire
- Vince Edwards : Le policier au péage
- Ian MacDonald : Le policier au dépôt de bus
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