Dans le cadre des Mille Films de la Vie , je vous propose le film Une Journée Particulière de Ettore Scola (1977) avec Marcello Mastroianni Sophia Loren Françoise Berd John Vernon Alessandra Mussolini Patrizia Basso Tiziano de Persio Antonio Garibaldi Nicole Magny
En pleine période fasciste italienne,
on assiste à la rencontre de deux êtres que tout semble séparer. Le pays en est
à sa 16e année de fascisme et
vit un tournant avec une fuite en avant : alliance allemande, lois raciales,
déclaration de guerre (référence historique au 16 mai 1938).
À Rome, le 6 mai
1938, Hitler rencontre Mussolini.
Tous les Romains ont déserté leurs habitations pour aller assister à la
cérémonie. Dans un grand immeuble, Antonietta, en bonne mère de famille
nombreuse (conformément à l’endoctrinement mussolinien :
un mari tout ce qu’il y a de plus machiste et
six enfants), est contrainte de rester à la maison pour s’occuper des tâches
ménagères alors qu’elle serait bien allée voir le Duce comme
tout le monde. Le hasard va la mettre en contact avec un homme esseulé qu'elle
a aperçu dans un appartement de l’autre côté de la cour. Il s’agit de Gabriele,
un intellectuel homosexuel qui, pour cette raison, a été exclu de la radio
nationale où il était présentateur et est menacé de déportation.
Une Journée Particulière
d'Ettore Scola, sorti en 1977, est une œuvre magistrale qui s’impose non
seulement comme un drame personnel bouleversant, mais aussi comme une critique
subtile du fascisme. Le film se déroule dans l'Italie de 1938, en pleine montée
du fascisme, le jour où Mussolini accueille Adolf Hitler lors d'une visite
officielle à Rome. Pendant que la ville entière se concentre sur cet événement
historique, deux personnages que tout oppose se rencontrent dans l'intimité
d’un immeuble déserté.
Sophia Loren incarne Antonietta, une
femme au foyer dévouée, mère de six enfants, mariée à un homme fervent partisan
du régime fasciste. Antonietta est une femme emprisonnée dans une existence
terne, vidée de toute passion et d'attention, oppressée par les attentes
sociales et familiales de l'époque. Sa vie semble sans relief, dictée par des
obligations domestiques, sans espace pour ses propres désirs ou émotions. Elle
est un symbole des femmes oubliées, réduites à l'état de simples servantes dans
la société patriarcale et fasciste.
Marcello Mastroianni, quant à lui,
incarne Gabriele, un ancien animateur de radio homosexuel, persécuté par le
régime en raison de son orientation sexuelle. Mis à l’écart de la société, il
vit dans une solitude forcée, conscient que sa différence le place dans une
position de vulnérabilité extrême sous un régime qui méprise et réprime toute
déviation de la norme fasciste. Son personnage incarne à la fois la
marginalisation sociale et la peur constante d’être surveillé, une peur
omniprésente dans cet immeuble où tout le monde observe et juge les faits et
gestes de chacun.
Le film se concentre sur la rencontre
improbable entre ces deux âmes solitaires. Antonietta, en quête de réconfort et
de reconnaissance, est attirée par Gabriele, voyant en lui une possible
échappatoire à sa condition d'épouse soumise. Elle tente de se rapprocher de
lui, mais Gabriele, conscient de la barrière infranchissable que représente son
homosexualité dans ce contexte politique et social oppressant, ne peut répondre
à ses attentes. Leurs moments de complicité sont teintés d'une mélancolie
poignante, car l'amour qui aurait pu naître est condamné avant même de pouvoir
s’épanouir.
L’immeuble où se déroule la majeure
partie du film devient alors une métaphore de la société fasciste : chaque
appartement est un microcosme où la surveillance est constante, et où tout
écart par rapport aux normes est aussitôt condamné. La scène où Antonietta et
Gabriele dansent ensemble, une rare parenthèse de légèreté dans un contexte
étouffant, souligne la beauté fugace de leur lien, tout en illustrant
l'impossibilité pour eux de s’échapper des griffes d’un système qui contrôle
chaque aspect de la vie privée.
La mise en scène de Scola est d'une
simplicité redoutable, confinant les personnages dans des espaces clos qui
renforcent l'impression de claustrophobie. Il utilise des plans longs, des
silences lourds de sens, et la lumière naturelle pour capturer l’intimité
fragile entre Antonietta et Gabriele. Cette esthétique sobre contraste avec la
pompe militariste et le spectacle grandiloquent de la visite de Hitler, visible
par la fenêtre de l'immeuble, comme un rappel constant du poids écrasant de
l’Histoire.
La performance des deux acteurs
principaux est au cœur de la réussite du film. Sophia Loren, loin de son image
glamour habituelle, offre ici une prestation nuancée, empreinte de
vulnérabilité et de tristesse, tandis que Marcello Mastroianni livre une interprétation
tout en retenue, incarnant avec délicatesse un homme brisé mais résilient. Leur
alchimie, subtile et tragique, donne au film une profondeur émotionnelle qui
résonne longtemps après la fin de la projection.
Une Journée Particulière
est un film profondément humain, qui explore la solitude, la répression et
l’impossibilité d’aimer librement dans un contexte politique déshumanisant. Il
montre que même les moments d’évasion et de tendresse sont marqués par la
réalité brutale du fascisme. Ce film, à la fois intime et universel, reste une
œuvre intemporelle qui continue de résonner par sa puissance émotionnelle et
son regard critique sur la répression sociale et politique.
NOTE : 16.80
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Ettore Scola
- Assistants réalisation : Silvio Ferri, Marco Pettini
- Scénario : Ettore Scola, Ruggero Maccari, Maurizio Costanzo
- Décors : Luciano Ricceri (it)
- Costumes : Enrico Sabbatini (it)
- Maquillages : Francesco Freda
- Coiffures : Ada Palombi
- Photographie : Pasqualino De Santis
- Cadrage : Idelmo Simonelli
- Son : Carlo Palmieri
- Montage : Raimondo Crociani (it)
- Musique : Armando Trovajoli
- Scriptes : Paola Scola, Ilde Muscio
- Producteur : Carlo Ponti
- Directeur de production : Giorgio Scotton
- Sociétés de production : Compagnia Cinematografica Champion (Italie), Canafox (Canada)
- Sociétés de distributions : CCFC (Compagnie commerciale française cinématographique), 20th Century Fox Italia, Les Acacias (France), Tamasa Distribution (vente à l'étranger)
- Sophia Loren (VF : Elle-même) : Antonietta
- Marcello Mastroianni (VF : Gabriel Cattand) : Gabriele
- John Vernon (VF : Michel Barbey) : Emanuele, le mari d’Antonietta
- Françoise Berd (VF : Marie Francey) : la concierge
- Vittorio Guerrieri (VF : Thierry Bourdon) : Umberto
- Alessandra Mussolini : Maria Luisa
- Patrizia Basso : Romana
- Tiziano De Persio (VF : Marc Lesser) : Arnaldo
- Maurizio Di Paolantonio : Fabio
- Antonio Garibaldi : Littorio
- Nicole Magny : la fille de l'officier
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