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vendredi 27 septembre 2024

16.80 - MILLE FILMS DE MA VIE - UNE JOURNEE PARTICULIERE DE ETTORE SCOLA (1977)


 Dans le cadre des Mille Films de la Vie , je vous propose le film  Une Journée Particulière de Ettore Scola (1977) avec Marcello Mastroianni Sophia Loren Françoise Berd John Vernon Alessandra Mussolini Patrizia Basso Tiziano de Persio Antonio Garibaldi Nicole Magny

En pleine période fasciste italienne, on assiste à la rencontre de deux êtres que tout semble séparer. Le pays en est à sa 16e année de fascisme et vit un tournant avec une fuite en avant : alliance allemande, lois raciales, déclaration de guerre (référence historique au 16 mai 1938).

À Rome, le 6 mai 1938, Hitler rencontre Mussolini. Tous les Romains ont déserté leurs habitations pour aller assister à la cérémonie. Dans un grand immeuble, Antonietta, en bonne mère de famille nombreuse (conformément à l’endoctrinement mussolinien : un mari tout ce qu’il y a de plus machiste et six enfants), est contrainte de rester à la maison pour s’occuper des tâches ménagères alors qu’elle serait bien allée voir le Duce comme tout le monde. Le hasard va la mettre en contact avec un homme esseulé qu'elle a aperçu dans un appartement de l’autre côté de la cour. Il s’agit de Gabriele, un intellectuel homosexuel qui, pour cette raison, a été exclu de la radio nationale où il était présentateur et est menacé de déportation.

Une Journée Particulière d'Ettore Scola, sorti en 1977, est une œuvre magistrale qui s’impose non seulement comme un drame personnel bouleversant, mais aussi comme une critique subtile du fascisme. Le film se déroule dans l'Italie de 1938, en pleine montée du fascisme, le jour où Mussolini accueille Adolf Hitler lors d'une visite officielle à Rome. Pendant que la ville entière se concentre sur cet événement historique, deux personnages que tout oppose se rencontrent dans l'intimité d’un immeuble déserté.

Sophia Loren incarne Antonietta, une femme au foyer dévouée, mère de six enfants, mariée à un homme fervent partisan du régime fasciste. Antonietta est une femme emprisonnée dans une existence terne, vidée de toute passion et d'attention, oppressée par les attentes sociales et familiales de l'époque. Sa vie semble sans relief, dictée par des obligations domestiques, sans espace pour ses propres désirs ou émotions. Elle est un symbole des femmes oubliées, réduites à l'état de simples servantes dans la société patriarcale et fasciste.

Marcello Mastroianni, quant à lui, incarne Gabriele, un ancien animateur de radio homosexuel, persécuté par le régime en raison de son orientation sexuelle. Mis à l’écart de la société, il vit dans une solitude forcée, conscient que sa différence le place dans une position de vulnérabilité extrême sous un régime qui méprise et réprime toute déviation de la norme fasciste. Son personnage incarne à la fois la marginalisation sociale et la peur constante d’être surveillé, une peur omniprésente dans cet immeuble où tout le monde observe et juge les faits et gestes de chacun.

Le film se concentre sur la rencontre improbable entre ces deux âmes solitaires. Antonietta, en quête de réconfort et de reconnaissance, est attirée par Gabriele, voyant en lui une possible échappatoire à sa condition d'épouse soumise. Elle tente de se rapprocher de lui, mais Gabriele, conscient de la barrière infranchissable que représente son homosexualité dans ce contexte politique et social oppressant, ne peut répondre à ses attentes. Leurs moments de complicité sont teintés d'une mélancolie poignante, car l'amour qui aurait pu naître est condamné avant même de pouvoir s’épanouir.

L’immeuble où se déroule la majeure partie du film devient alors une métaphore de la société fasciste : chaque appartement est un microcosme où la surveillance est constante, et où tout écart par rapport aux normes est aussitôt condamné. La scène où Antonietta et Gabriele dansent ensemble, une rare parenthèse de légèreté dans un contexte étouffant, souligne la beauté fugace de leur lien, tout en illustrant l'impossibilité pour eux de s’échapper des griffes d’un système qui contrôle chaque aspect de la vie privée.

La mise en scène de Scola est d'une simplicité redoutable, confinant les personnages dans des espaces clos qui renforcent l'impression de claustrophobie. Il utilise des plans longs, des silences lourds de sens, et la lumière naturelle pour capturer l’intimité fragile entre Antonietta et Gabriele. Cette esthétique sobre contraste avec la pompe militariste et le spectacle grandiloquent de la visite de Hitler, visible par la fenêtre de l'immeuble, comme un rappel constant du poids écrasant de l’Histoire.

La performance des deux acteurs principaux est au cœur de la réussite du film. Sophia Loren, loin de son image glamour habituelle, offre ici une prestation nuancée, empreinte de vulnérabilité et de tristesse, tandis que Marcello Mastroianni livre une interprétation tout en retenue, incarnant avec délicatesse un homme brisé mais résilient. Leur alchimie, subtile et tragique, donne au film une profondeur émotionnelle qui résonne longtemps après la fin de la projection.

Une Journée Particulière est un film profondément humain, qui explore la solitude, la répression et l’impossibilité d’aimer librement dans un contexte politique déshumanisant. Il montre que même les moments d’évasion et de tendresse sont marqués par la réalité brutale du fascisme. Ce film, à la fois intime et universel, reste une œuvre intemporelle qui continue de résonner par sa puissance émotionnelle et son regard critique sur la répression sociale et politique.

NOTE : 16.80

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