Dans le Cadre des Mille Films de ma Vie , je vous propose La Corde de Alfred Hitchcock (1948) avec James Stewart John Dall Farley Granger Cedric Hardwicke Constance Collier Douglas Dick Edith Evanson Dick Hogan Joan Chandler
Brandon Shaw et Philip Morgan sont deux étudiants.
Dans leur appartement de New York,
par un soir ordinaire, ils étranglent un de leurs camarades, David, avec un
bout de corde. Ils ont accompli ce meurtre pour mettre en pratique la théorie
nietzschéenne de leur professeur Rupert Cadell, qui reconnait aux êtres
supérieurs le droit de tuer les êtres inférieurs. Puis, comble du cynisme, ils
préparent un dîner auquel sont conviés le soir même, sur le lieu du crime, la
famille de la victime, sa petite amie ainsi que Rupert Cadell. Ce dernier
observe le comportement étrange des jeunes gens au cours de la soirée. Brandon
est sûr de lui et persuadé que le crime restera impuni, alors que Philip est
nerveux et apeuré par cette mise en scène macabre. Peu à peu, Cadell va
commencer à soupçonner l'impensable.
"La Corde" ("Rope", 1948) est un
film audacieux d'Alfred Hitchcock, qui se distingue non seulement par sa
technique cinématographique innovante, mais aussi par les thématiques ambiguës
et provocatrices qu'il explore, notamment pour l'époque. Inspiré de la pièce de
théâtre éponyme et du véritable crime perpétré par Leopold et Loeb, le film est
une réflexion troublante sur la morale, le pouvoir, et l'absence de conscience.
Le film raconte l'histoire de deux jeunes hommes,
Brandon (John Dall) et Philip (Farley Granger), qui, dans un acte de
supériorité intellectuelle, assassinent un camarade de classe, David,
simplement pour éprouver la sensation de commettre le "crime
parfait". Ils dissimulent le corps dans un coffre en plein milieu de leur
appartement, puis organisent une soirée, invitant les proches de la victime,
ainsi que leur ancien professeur, Rupert Cadell (James Stewart), pour un dîner
littéralement au-dessus du cadavre.
Ce qui rend "La Corde" particulièrement
notable, c'est son traitement des personnages de Brandon et Philip, qui, bien
qu'implicite, est chargé de sous-entendus homosexuels. À une époque où
l'homosexualité était un sujet tabou à Hollywood, Hitchcock parvient à glisser
des indices subtils qui suggèrent une relation plus qu'amicale entre les deux
hommes. Cette ambiguïté, loin d'être anodine, renforce la tension psychologique
du film et ajoute une couche supplémentaire de complexité aux motivations des
personnages. Brandon, l'instigateur charismatique et dominateur, exerce un
pouvoir manifeste sur le plus fragile et anxieux Philip, ce qui suggère une
dynamique de couple entre eux, marquée par la manipulation et la domination.
La froideur et le cynisme de Brandon et Philip, qui
tuent sans aucun remords et discutent de leur crime comme d'une œuvre d'art,
ajoutent une dimension profondément perturbante à l'intrigue. Ils incarnent une
jeunesse sans âme, dépourvue de conscience morale, et semblent croire en une
sorte de "droit" intellectuel à transgresser les règles de la
société. Ce nihilisme est effrayant, car il met en lumière la fragilité de
l'éthique humaine face à l'arrogance intellectuelle.
La structure du film, tourné en apparente continuité
avec de longs plans-séquence, contribue également à l'atmosphère de
claustrophobie et d'urgence. L'action se déroule en temps réel, ce qui accroît
la tension et le sentiment d'inévitabilité. Le spectateur est pris au piège
avec les personnages dans cet espace clos, partagé entre le désir de voir leur
crime découvert et la fascination morbide pour leur audace.
James Stewart, dans le rôle de Rupert Cadell, est
l'élément moral du film, bien que lui-même soit initialement séduit par les
théories intellectuelles sur le crime et la supériorité qu'il a enseignées à
Brandon et Philip. Lorsqu'il réalise l'horreur de leurs actions, la
confrontation finale est d'une intensité remarquable. Stewart incarne à la
perfection le mélange de dégoût, de colère, et de responsabilité, confrontant
les jeunes meurtriers à la réalité brutale de leurs actes.
"La Corde" est un film qui défie les
conventions de son époque, non seulement par son audace technique mais aussi
par les thèmes qu'il aborde. L'ambiguïté de la relation entre Brandon et
Philip, la froideur de leur crime, et l'exploration des idées de supériorité
morale et intellectuelle rendent ce film fascinant et dérangeant. C'est une
œuvre qui interroge sur les dangers de la pensée élitiste et sur la capacité de
l'homme à rationaliser l'horreur lorsqu'il se croit au-dessus des lois morales.
Alfred Hitchcock fait un caméo très subtil dans
"La Corde". Contrairement à ses apparitions habituelles, il ne se
montre pas en personne à l'écran. À la place, son profil apparaît sur une
enseigne lumineuse publicitaire visible à travers une fenêtre. Cette enseigne
est en arrière-plan, dans l'appartement où se déroule l'action, et c'est l'une
des rares occasions où Hitchcock ne fait pas une apparition directe dans l'un
de ses films
NOTE : 16.10
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Alfred Hitchcock
- Scénario : Arthur Laurents, Hume Cronyn et Ben Hecht (non crédité) d'après la pièce Rope de Patrick Hamilton ;
- Musique : David Buttolph d'après Francis Poulenc
- Décors : Perry Ferguson
- Photographie : Joseph Valentine et William V. Skall
- Montage : William H. Ziegler
- Maquillage: Perc Westmore, Edward Voight
- Production : Sidney Bernstein (non crédité) et Alfred Hitchcock
- Direction de production : Fred Ahern
- Société de production : Transatlantic Pictures
- Société de distribution : Warner Bros.
- Budget : 1 500 000 $
- James Stewart (VF: Claude Peran) : Rupert Cadell (Robert en VF)
- John Dall (VF: Pierre Louis) : Brandon Shaw (Bernard en VF)
- Farley Granger : Philip Morgan
- Cedric Hardwicke (VF: Camille Guérini) : monsieur Kentley
- Constance Collier : (VF: Germaine Michel) : madame Atwater (Mme Walter en VF)
- Douglas Dick : (VF: Jacques Berthier) : Kenneth Lawrence (Gérard en VF)
- Edith Evanson : (VF: Mona Dol) : madame Wilson
- Dick Hogan : David Kentley
- Joan Chandler : Janet Walker
- Alfred Hitchcock : réalisateur qui apparaît au premier plan du film
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