Vu
le film Les Lunettes d’Or de Guiliano Montaldo (1987) avec Philippe Noiret Rupert
Everett Valéria Golino Stefania Sandrelli Nicola Farron Roberto Helitzka Luca
Zingaretti Rade Markovic Anna Lezzi
1938,
Ferrare. Médecin cultivé et discret, le seul défaut du docteur Fadigati est,
aux yeux de la bourgeoisie provinciale, de n'être pas marié. Quand il est
surpris en compagnie d'Éraldo, un jeune étudiant modeste, il est immédiatement
mis au ban de la bonne société. Seul David, un universitaire juif, le soutient
dans sa descente aux enfers.
Adapté
du roman éponyme de Giorgio Bassani, Les Lunettes d’or (Gli occhiali
d’oro) de Giuliano Montaldo est un film délicat et mélancolique, explorant
l’isolement et la montée du fascisme dans l’Italie des années 1930. À travers
la relation entre un médecin homosexuel marginalisé et un étudiant juif
contestataire, l’œuvre dresse un double portrait d’hommes confrontés à
l’oppression sociale et politique.
Dès
les premières images, le film évoque inévitablement Mort à Venise de
Luchino Visconti : une cité balnéaire élégante (ici Ferrare et les rives du
Pô), une ambiance feutrée et un protagoniste mûr, prisonnier d’un désir qu’il
sait impossible. Philippe Noiret incarne le Dr. Athos Fadigati, un homme
respectable mais solitaire, dont l’homosexualité, bien que discrète, fait de
lui une cible de moqueries et d’exclusion. Il tente d’aimer dans l’ombre, en
nouant une relation avec un jeune homme frivole (Nicola Farron,), tout en
sachant que ce bonheur ne sera qu’éphémère.
Everett,
dans le rôle d’un étudiant issu de la bourgeoisie juive et engagé contre le
fascisme, apporte une touche de fougue et d’idéalisme. Son destin se confond
avec celui du médecin : tous deux, bien que différents, sont marginalisés par
une société qui glisse peu à peu vers l’intolérance et la persécution.
Giuliano
Montaldo filme Ferrare avec une élégance picturale, capturant la beauté
mélancolique de ses ruelles, ses canaux et ses plages. Mais sous cette
splendeur, le climat politique s’assombrit. La montée du fascisme et des lois
raciales de Mussolini jette une ombre sur le film, transformant cette
atmosphère feutrée en un étau oppressant.
Philippe
Noiret, habitué aux rôles plus chaleureux, livre ici une performance toute en
retenue et en douleur contenue. Son Dr. Fadigati est un homme digne, aspirant à
un amour sincère, mais qui se heurte à l’hypocrisie et au rejet. La scène où il
se retrouve humilié publiquement par son amant, sous les regards moqueurs des
notables, est d’une tristesse poignante.
Montaldo
respecte fidèlement l’œuvre de Bassani, dont les écrits dénoncent la montée de
l’antisémitisme en Italie. Le film bénéficie d’une reconstitution historique
minutieuse et d’une mise en scène raffinée, privilégiant les silences et les
regards aux grandes démonstrations émotionnelles.
Un
film injustement oublié et bouleversant, porté par un Noiret impérial. Une
œuvre sur la solitude, le rejet et l’inéluctabilité du destin, qui mérite
d’être redécouverte pour sa finesse et sa beauté crépusculaire.
NOTE : 12.10
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