Vu le film Comancheria de David McKenzie (2016) avec Chris Pine Bern Foster Jeff Bridges Taylor Sheridan Dale Dickey Katy Mickson Kim Gleason Margaret Bowman Marin Ireland
Après la mort de leur mère, deux frères
organisent une série de braquages, visant uniquement les agences d'une même
banque. Ils n'ont que quelques jours pour éviter la saisie de leur propriété
familiale, et comptent rembourser la banque avec leur propre argent.
Comancheria,
réalisé par David Mackenzie, est un thriller américain présenté au Festival de
Cannes ainsi qu'au Festival du Cinéma Américain de Deauville, en présence du
réalisateur pour ce dernier. David Mackenzie ne m'était pas inconnu, ayant déjà
réalisé Young Adam et Perfect Sense avec Ewan McGregor, l'affreux
Toy Boy avec Ashton Kutcher, mais surtout l'excellent Les Poings
contre les murs avec Jack O'Connell, qui démontrait déjà une mise en scène
non-manichéenne.
Je suis une nouvelle fois étonné par la
traduction du titre anglais en français. Même s'il est question des Comanches
dans le film, ce n'est pas le sujet principal. Le titre original Hell or
High Water se rapproche davantage de "Advienne que pourra", ce
qui correspond mieux à l'esprit du film, que ce soit du côté des deux frères ou
de celui du vieux shérif aux portes de la retraite. Mais bon, restons sur le
titre français.
La Comancheria désigne la région
habitée par les Comanches avant 1860, couvrant l'actuel État du
Nouveau-Mexique, l'ouest du Texas et d'autres territoires. Aujourd'hui,
Indiens, Latinos et Texans y cohabitent, souvent dans la pauvreté et confrontés
à une criminalité impitoyable liée à la drogue.
Au scénario, on retrouve le talentueux
Taylor Sheridan, acteur dans les deux premières saisons de Sons of Anarchy
et surtout scénariste de l'excellent Sicario de Denis Villeneuve. Malgré
tout, Comancheria, en plus d'être un thriller efficace, reste un western
urbain dans la lignée d’Un homme est passé de John Sturges, où la
modernité rencontre les règles d'antan.
Le film suit deux trajectoires qui ne
se croisent que très brièvement : une balle pour l'un, un espoir d'une autre
vie pour l'autre. Le shérif Marcus (Jeff Bridges) est un vieux ranger à l'aube
de la retraite, mais qui prend un malin plaisir à repousser l'échéance pour
rester dans l'action, malgré la fatigue et la sueur qui le surprennent parfois.
Accompagné de son coéquipier Alberto Parker (Gil Birmingham), il prend son
temps. On est dans l'Ouest poussiéreux, où le temps semble s'étirer.
Jeff Bridges livre une performance
d'anthologie dans le rôle de ce flic râleur, attachant et plein de
contradictions. Il incarne le dernier chaînon de cet Ouest américain cher à nos
cœurs, où les chevaux ont été remplacés par des moteurs rugissants, mais où
l'on pourrait encore imaginer un équidé attendre à la pompe de ces nouveaux
aventuriers.
De l'autre côté, nous suivons deux
frères hors-la-loi. Toby (Chris Pine) ne commet des braquages que pour offrir
un avenir à ses deux fils, dont il est séparé de la mère. Son frère Tanner (Ben
Foster), quant à lui, n'a plus d'attaches, hormis son frangin. Il vit chaque
instant comme le dernier, entre casinos, argent facile et femmes.
Dans ces plaines du Far West, où les
Indiens deviennent shérifs et où les Blancs se muent en hors-la-loi,
l'antagonisme de l'Ouest américain prend vie, sans jamais prendre le spectateur
pour un imbécile. Toby et Tanner sont comme l'eau et le feu : l'un est
réfléchi, l'autre impulsif. Pourtant, ils avancent ensemble car, après la mort
de leur mère, ils n'ont plus que leur lien fraternel. Chris Pine et Ben Foster
livrent des performances impeccables, incarnant à merveille ces frères qui
tentent de racheter l'hypothèque de la maison familiale en braquant la banque
responsable de leur misère.
Comancheria
est avant tout une histoire d'hommes, un western urbain où les femmes sont
absentes ou cantonnées à des rôles de ménagères, reflet d'une Amérique
puritaine. Les deux duos du film – shérif et adjoint d'un côté, frères
hors-la-loi de l'autre – forment des couples indissociables, échangeant des
répliques cinglantes telles que : « Un cochon aveugle peut trouver des truffes
».
Le film navigue entre plusieurs genres
: fable sociale, thriller, et western contemporain où le shérif pourrait bien
se laisser attendrir par le hors-la-loi. On pense à James Stewart, Lee Marvin
et John Wayne. En toile de fond, le film dénonce le pouvoir des banques et la
domination du pétrole, ce qui résonne particulièrement à quelques mois des
élections américaines.
Intéressant de voir qu'un réalisateur
britannique puisse avoir autant de passion pour l'Ouest américain et réussir à
capturer des paysages majestueux, des ambiances poussiéreuses et des
courses-poursuites automobiles dignes des meilleurs westerns avec leurs
diligences. Le dernier braquage du film, totalement déjanté, est un moment de
pur plaisir cinéphile.
Outre toutes ces qualités, il faut
saluer la bande originale exceptionnelle signée par Nick Cave et Warren Ellis.
Le film est également ponctué de chansons de Ray Wylie Hubbard, Billy Joe
Shaver, Waylon Jennings, Gillian Welch et s'ouvre sur Dollar Bill Blues
de Townes Van Zandt, un choix parfait pour plonger dans l'ambiance de l'Ouest.
La fin du film laisse une lueur d'espoir dans ce monde de cactus, de champs de
pétrole, de poussière et de guitares sèches.
À Deauville, j'ai eu le plaisir de
poser avec David Mackenzie, une joie redoublée après avoir vu le film.
NOTE : 16.30
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : David Mackenzie
- Scénario : Taylor Sheridan
- Musique : Nick Cave et Warren Ellis
- Montage : Jake Roberts
- Photographie : Giles Nuttgens (en)
- Décors : Wilhelm Pfau
- Costumes : Malgosia Turzanska
- Producteurs : Peter Berg, Carla Hacken (en), Sidney Kimmel (en) et Julie Yorn (en)
- Coproducteur : Kathryn Dean, Mark Mikutowicz et Dylan Tarason
- Producteurs délégués : Jim Tauber, John Penotti et Braden Aftergood
- Production : Sidney Kimmel Entertainment (en), OddLot Entertainment (en), Film 44 et LBI Entertainment
- Distribution : Wild Bunch Distribution (France), CBS Films (États-Unis)
- Jeff Bridges (VF : Patrick Raynal ; VQ : Guy Nadon) : Marcus Hamilton
- Chris Pine (VF : Emmanuel Garijo ; VQ : Jean-François Beaupré) : Toby Howard
- Ben Foster (VF : Jérôme Pauwels ; VQ : Louis-Philippe Dandenault) : Tanner Howard
- Gil Birmingham (VF : Gérard Sergue ; VQ : Daniel Picard) : Alberto Parker
- Christopher W. Garcia : Randy
- Marin Ireland : Debbie
- Katy Mixon : Jenny Ann
- Margaret Bowman (en) : la serveuse de T-Bone
- Kevin Rankin : Billy Rayburn
- Dale Dickey (VF : Isabelle Leprince) : Elsie
- Melanie Papalia : Emily
- Amber Midthunder : Natalie Martinez
- Heidi Sulzman (VF : Marie Donnio) : Margaret
- Buck Taylor : le vieil homme
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