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jeudi 20 février 2025

14.10 - MON AVIS SUR LE FILM NASHVILLE DE ROBERT ALTMAN (1975)

 


Vu le film Nashville de Robert Altman (1975) avec Keith Carradine Karen Black Henry Gibson Ronee Blakley Lily Tomlin Shelley Duvall Jeff Goldblum Géraldine Chaplin Barbara Harris Ned Beatty Gwen Welles

Cinq jours dans la vie d'une galerie de personnages avec en toile de fond, Nashville, capitale de la Country, avant le meeting politique d'un candidat à la présidentielle. Avec son casting magnifique, un grand film choral dont Robert Altman a le secret, véritable tour de force qui, encore aujourd'hui, nous emporte dans un tourbillon d'émotions.

Robert Altman signe avec Nashville une œuvre magistrale où se mêlent satire politique, portrait social et célébration – autant que démystification – du rêve américain à travers la musique country. Dans cette fresque chorale, le cinéaste capture l’âme d’une ville et, par extension, celle d’un pays en pleine mutation, oscillant entre désillusion et espoir.

Durant cinq jours, Nashville suit 24 personnages évoluant au sein de l’industrie musicale et de la sphère politique. Il y a les stars fatiguées du show-business comme Haven Hamilton (Henry Gibson), les jeunes talents en quête de reconnaissance, dont la touchante Sueleen Gay (Gwen Welles), et les marginaux qui gravitent autour de ce monde sans jamais y trouver leur place. À travers ces trajectoires, Altman esquisse un portrait sans concession des États-Unis des années 70, entre faux-semblants du star-system et manipulations électorales.

Car derrière cette immersion dans le milieu de la country, Nashville est aussi un film profondément politique. Tandis qu’un mystérieux candidat populiste, jamais vu à l’écran, fait campagne en coulisses, ses slogans nationalistes résonnent dans une Amérique post-Watergate en quête de repères. Altman ne force jamais le trait, préférant une critique subtile où le divertissement masque la manipulation des masses. La frontière entre le spectacle et le pouvoir est mince, et Nashville, avec son culte de la célébrité, devient le miroir d’un pays où l’image prime sur le message.

La musique est bien sûr l’élément central du film. Altman fait le choix audacieux de laisser ses acteurs interpréter eux-mêmes leurs chansons, renforçant l’authenticité du récit. Keith Carradine brille avec I’m Easy, qui lui vaudra un Oscar, mais chaque performance musicale raconte quelque chose sur son interprète. Ronee Blakley, bouleversante en vedette fragilisée, livre un rôle poignant évoquant des figures comme Loretta Lynn ou Tammy Wynette. À l’inverse, Karen Black incarne une star plus opportuniste, révélant la superficialité de ce monde du show-business.

Le style d’Altman, avec ses fameux zooms et son en multipiste, donne au film une spontanéité unique, presque documentaire. Chaque plan regorge de détails, chaque dialogue s’entrecroise dans un ballet chaotique qui reflète la confusion et l’énergie de la société américaine. Ce réalisme immersif culmine dans une scène finale saisissante : un attentat en pleine performance publique, brisant l’illusion d’une Amérique insouciante et dévoilant sa violence sous-jacente.

Altman ne juge pas, il observe avec une ironie mordante et une infinie tendresse pour ses personnages. Nashville est une fresque humaine, politique et musicale d’une rare intelligence, qui capture mieux que tout autre film l’esprit contradictoire des États-Unis. Un chef-d’œuvre intemporel, aussi fascinant qu’indispensable.

 NOTE : 14.10

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