Vu le film Killers of Flower Moon de Martin Scorsese (2023) avec Léonardo Di Caprio Robert de Niro Lily Gladstone Jesse Plemons Scott Sheperd Tantoo Cardinal Jason Isbell William Belleau Cara Jade Myers John Lithgow Bredan Fraser
(Dommage que ce film est tombé
l’année de Oppenheimer de Christopher Nolan sinon …)
Le jeune Ernest Burkhart, vétéran
un peu naïf de la Première Guerre mondiale à
la recherche d'un emploi, arrive à Fairfax en Oklahoma.
Son oncle William Hale, dit
« King » (en)1,
lui a proposé de venir travailler près de lui, aux côtés de son frère Byron qui
se trouve déjà sur place. Ernest ne tarde pas à constater que les Indiens
locaux de la tribu des Osages sont riches. Contrairement aux autres
tribus, les Osages sont propriétaires de leur réserve et ont été installés,
sans le savoir, sur des terres pétrolifères.
Les Osages ont obtenu le droit d'exploitation exclusif sur toutes les réserves
de leur sol, qui ne peuvent être ni cédées ni vendues mais seulement héritées.
Cet or noir attire la convoitise des prospecteurs blancs, et il arrive que l'on
trouve un Osage assassiné chez lui ou au bord d'un chemin. Mais aucune enquête
n'est jamais menée à son terme, la police concluant la plupart du temps à un
suicide ou à un accident.
Killers of the Flower Moon
s'inscrit dans la filmographie de Martin Scorsese comme une fresque tragique
d'une ampleur rare, à la fois western, thriller criminel et drame historique.
Adapté du livre de David Grann, le film retrace un pan sombre de l'histoire
américaine : les assassinats des Osages, peuple amérindien devenu richissime
grâce à la découverte de pétrole sur leurs terres, et la conspiration
orchestrée par des Blancs pour s’approprier leur fortune.
Scorsese adopte un point de vue
inédit en centrant son récit sur Ernest Burkhart (Leonardo DiCaprio), un homme
à la fois faible et manipulé, mais aussi complice conscient du plan
machiavélique de son oncle, William King Hale (Robert De Niro). Ce dernier,
sous des airs de patriarche bienveillant, incarne un mal insidieux, celui d’un
racisme systémique maquillé sous le vernis de la respectabilité. Face à eux,
Lily Gladstone incarne Mollie Burkhart avec une intensité bouleversante,
devenant l’âme du film. Son interprétation tout en retenue et en douleur
contenue contraste avec la brutalité du monde qui l’entoure.
Visuellement, Scorsese déploie une
mise en scène sobre et élégante, où chaque plan semble pesé avec une précision
d’orfèvre. La photographie naturaliste de Rodrigo Prieto sublime les paysages
de l’Oklahoma tout en installant une atmosphère de menace sourde. La bande-son
minimaliste et la musique de Robbie Robertson ajoutent une touche
d’authenticité et de mélancolie.
Si le film se démarque par sa
durée imposante (près de 3h30), jamais il ne perd en intensité. Chaque scène
contribue à l’étouffement progressif de Mollie et de son peuple, créant un
sentiment d’inéluctabilité glaçant. Scorsese, loin d’un simple récit d’investigation
classique, choisit de raconter cette histoire à travers les bourreaux,
dévoilant leur banalité du mal.
Le casting est impeccable :
DiCaprio livre une prestation ambiguë, loin de ses rôles héroïques habituels,
tandis que De Niro est terrifiant de froideur. Jesse Plemons, en agent du FBI,
apporte une rigueur implacable, et Tantoo Cardinal, en mère de Mollie, brille
dans une présence silencieuse mais marquante.
Lily
Gladstone est l’âme de Killers of the Flower Moon. Son interprétation de Mollie
Burkhart est d’une justesse rare, faite de silences lourds, de regards chargés
d’émotion et d’une douleur intériorisée qui transperce l’écran. Son jeu tout en
retenue contraste avec la violence du monde qui l’entoure, et elle parvient à
incarner à la fois la dignité et la tragédie d’un peuple trahi. Son visage,
souvent impassible, laisse pourtant deviner une immense souffrance, une
résilience bouleversante. Cette performance lui a valu une nomination
historique aux Oscars, confirmant son statut de révélation absolue du film.
Quant à la conclusion, Scorsese
opte pour une approche audacieuse et métatextuelle en reconstituant l’affaire
des meurtres des Osages sous la forme d’un feuilleton radiophonique en direct.
Dans cette scène, des comédiens de l’époque recréent l’histoire avec des
bruitages théâtraux, soulignant l’ironie tragique de voir ce drame réel réduit
à un simple divertissement. Mais Scorsese y insère un dernier moment poignant :
en prenant lui-même la parole, il rappelle que Mollie Burkhart est morte sans
jamais voir justice pleinement rendue. Un geste de cinéaste conscient du poids
de son récit, et une manière de rendre hommage à celles et ceux dont l’histoire
a été trop longtemps ignorée.
Malgré des critiques élogieuses et
plusieurs nominations aux Oscars, le film s’est heurté au phénomène Oppenheimer.
Une autre année, Scorsese aurait sans doute décroché la statuette. Mais
qu’importe : Killers of the Flower Moon restera comme une œuvre
magistrale, l’une des plus grandes de son auteur, et un cri de mémoire pour un
peuple oublié.
NOTE : 17.40
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Martin Scorsese
- Scénario : Eric Roth et Martin Scorsese, d'après l'ouvrage La Note américaine (Killers of the Flower Moon) de David Grann
- Musique : Robbie Robertson
- Décors : Jack Fisk
- Costumes : Jacqueline West
- Photographie : Rodrigo Prieto
- Montage : Thelma Schoonmaker
- Production : Dan Friedkin, Emma Tillinger Koskoff, Bradley Thomas et Martin Scorsese
- Coproduction : Marianne Bower
- Sociétés de production : Imperative Entertainment, Appian Way, Apple Studios et Sikelia Productions
- Sociétés de distribution : Paramount Pictures (salles), Apple TV+ (vidéo à la demande)
- Budget : 200 millions de dollars
- Leonardo DiCaprio (VF : Damien Witecka) : Ernest Burkhart (en)
- Robert De Niro (VF : Pierre Arditi) : William King Hale (en)
- Lily Gladstone (VF : Pauline Brunel) : Mollie Kyle
- Jesse Plemons (VF : Pierre Tessier) : Tom White (en)
- Tantoo Cardinal : Lizzie Q. Kyle
- Scott Shepherd (VF : Luc Boulad) : Byron Burkhart
- Jason Isbell : (VF : Mathias Kozlowski) : Bill Smith
- William Belleau (VF : Grégory Lerigab) : Henry Roan (en)
- Cara Jade Myers (en) (VF : Corinne Wellong) : Anna Brown, sœur de Mollie
- John Lithgow (VF : Serge Biavan) : le procureur Peter Leaward
- Brendan Fraser (VF : Guillaume Orsat) : W. S. Hamilton, avocat de King
- JaNae Collins (VF : Melissa Bérard) : Reta, sœur de Mollie
- Jillian Dion : Minnie, sœur de Mollie
- Louis Cancelmi (en) (VF : Jérémy Prévost) : Kelsie Morrison
- Tommy Schultz (VF : Emmanuel Gradi) : Blackie Thompson (en)
- Everett Waller (VF : Antoine Tomé) : Paul Red Eagle (en)
- Yancey Red Corn (VF : Frantz Confiac) : le chef Bonnicastle (en)
- Tatanka Means (en) : John Wren
- Sturgill Simpson (VF : Jérémie Covillault) : Henry Grammer (en)
- Ty Mitchell : John Ramsey
- Gary Basaraba (VF : Jean-François Aupied) : William « Bill » J. Burns
- Charlie Musselwhite (VF : Jacques Bouanich) : Alvin Reynolds
- Pat Healy (VF : Michel Vigné) : John Burger
- Steve Witting (en) (VF : Jerome Wiggins) : Dr James Shoun
- Steve Routman (VF : Philippe Ariotti) : Dr David Shoun
- Gene Jones (VF : Jean-Bernard Guillard) : Pitts Beatty
- Michael Abbott Jr. : Frank Smith
- Barry Corbin : Turton, le croque-mort
- Pete Yorn (VF : Jean-Marc Charrier) : Acie Kirby
- Katherine Willis (en) (VF : Marie-Frédérique Habert) : Myrtle Hale
- Elden Henson : Duke Burkhart
- Steve Eastin : le juge Pollock (en)
- Talee Redcorn : Non-Hon-Zhin-Ga
- Jack White : acteur radio
- Larry Sellers : Non-Hon-Zhin-Ga
- Larry Fessenden : voix radio
- Martin Scorsese (VF : Michel Mella) : le producteur de l'émission True Crimes (caméo)
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