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dimanche 2 février 2025

17.40 - MON AVIS SUR LE FILM KILLERS OF FLOWER MOON DE MARTIN SCORSESE (2023)


 Vu le film  Killers of Flower Moon de Martin Scorsese (2023) avec Léonardo Di Caprio Robert de Niro Lily Gladstone Jesse Plemons Scott Sheperd Tantoo Cardinal Jason Isbell William Belleau Cara Jade Myers John Lithgow Bredan Fraser

(Dommage que ce film est tombé l’année de Oppenheimer de Christopher Nolan sinon …)

Le jeune Ernest Burkhart, vétéran un peu naïf de la Première Guerre mondiale à la recherche d'un emploi, arrive à Fairfax en Oklahoma. Son oncle William Hale, dit « King » (en)1, lui a proposé de venir travailler près de lui, aux côtés de son frère Byron qui se trouve déjà sur place. Ernest ne tarde pas à constater que les Indiens locaux de la tribu des Osages sont riches. Contrairement aux autres tribus, les Osages sont propriétaires de leur réserve et ont été installés, sans le savoir, sur des terres pétrolifères. Les Osages ont obtenu le droit d'exploitation exclusif sur toutes les réserves de leur sol, qui ne peuvent être ni cédées ni vendues mais seulement héritées. Cet or noir attire la convoitise des prospecteurs blancs, et il arrive que l'on trouve un Osage assassiné chez lui ou au bord d'un chemin. Mais aucune enquête n'est jamais menée à son terme, la police concluant la plupart du temps à un suicide ou à un accident.

Killers of the Flower Moon s'inscrit dans la filmographie de Martin Scorsese comme une fresque tragique d'une ampleur rare, à la fois western, thriller criminel et drame historique. Adapté du livre de David Grann, le film retrace un pan sombre de l'histoire américaine : les assassinats des Osages, peuple amérindien devenu richissime grâce à la découverte de pétrole sur leurs terres, et la conspiration orchestrée par des Blancs pour s’approprier leur fortune.

Scorsese adopte un point de vue inédit en centrant son récit sur Ernest Burkhart (Leonardo DiCaprio), un homme à la fois faible et manipulé, mais aussi complice conscient du plan machiavélique de son oncle, William King Hale (Robert De Niro). Ce dernier, sous des airs de patriarche bienveillant, incarne un mal insidieux, celui d’un racisme systémique maquillé sous le vernis de la respectabilité. Face à eux, Lily Gladstone incarne Mollie Burkhart avec une intensité bouleversante, devenant l’âme du film. Son interprétation tout en retenue et en douleur contenue contraste avec la brutalité du monde qui l’entoure.

Visuellement, Scorsese déploie une mise en scène sobre et élégante, où chaque plan semble pesé avec une précision d’orfèvre. La photographie naturaliste de Rodrigo Prieto sublime les paysages de l’Oklahoma tout en installant une atmosphère de menace sourde. La bande-son minimaliste et la musique de Robbie Robertson ajoutent une touche d’authenticité et de mélancolie.

Si le film se démarque par sa durée imposante (près de 3h30), jamais il ne perd en intensité. Chaque scène contribue à l’étouffement progressif de Mollie et de son peuple, créant un sentiment d’inéluctabilité glaçant. Scorsese, loin d’un simple récit d’investigation classique, choisit de raconter cette histoire à travers les bourreaux, dévoilant leur banalité du mal.

Le casting est impeccable : DiCaprio livre une prestation ambiguë, loin de ses rôles héroïques habituels, tandis que De Niro est terrifiant de froideur. Jesse Plemons, en agent du FBI, apporte une rigueur implacable, et Tantoo Cardinal, en mère de Mollie, brille dans une présence silencieuse mais marquante.

Lily Gladstone est l’âme de Killers of the Flower Moon. Son interprétation de Mollie Burkhart est d’une justesse rare, faite de silences lourds, de regards chargés d’émotion et d’une douleur intériorisée qui transperce l’écran. Son jeu tout en retenue contraste avec la violence du monde qui l’entoure, et elle parvient à incarner à la fois la dignité et la tragédie d’un peuple trahi. Son visage, souvent impassible, laisse pourtant deviner une immense souffrance, une résilience bouleversante. Cette performance lui a valu une nomination historique aux Oscars, confirmant son statut de révélation absolue du film.

Quant à la conclusion, Scorsese opte pour une approche audacieuse et métatextuelle en reconstituant l’affaire des meurtres des Osages sous la forme d’un feuilleton radiophonique en direct. Dans cette scène, des comédiens de l’époque recréent l’histoire avec des bruitages théâtraux, soulignant l’ironie tragique de voir ce drame réel réduit à un simple divertissement. Mais Scorsese y insère un dernier moment poignant : en prenant lui-même la parole, il rappelle que Mollie Burkhart est morte sans jamais voir justice pleinement rendue. Un geste de cinéaste conscient du poids de son récit, et une manière de rendre hommage à celles et ceux dont l’histoire a été trop longtemps ignorée.

 

Malgré des critiques élogieuses et plusieurs nominations aux Oscars, le film s’est heurté au phénomène Oppenheimer. Une autre année, Scorsese aurait sans doute décroché la statuette. Mais qu’importe : Killers of the Flower Moon restera comme une œuvre magistrale, l’une des plus grandes de son auteur, et un cri de mémoire pour un peuple oublié.

NOTE : 17.40

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