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jeudi 20 février 2025

13.40 - MON AVIS SUR LE FILM MISERICORDE DE ALAIN GUIRAUDIE (2024)

 

Vu le film Miséricorde de Alain Guiraudie (2024) avec Félix Kyzil Catherine Frot Jacques Develay Jean Baptiste Durand David Ayala Tatiana Spivakova Sébastien Faglain Salomé Lopes Serge Richard Elio Lunetta

Jérémie revient à Saint-Martial pour l'enterrement de son ancien patron boulanger. Il s'installe quelques jours chez Martine, sa veuve. Cependant, entre une disparition mystérieuse, un voisin menaçant et un abbé aux intentions étranges, son court séjour au village prend une tournure inattendue

Avec Miséricorde, Alain Guiraudie continue d’explorer ses thèmes de prédilection : le désir, la marginalité et la campagne française comme terrain de jeu des pulsions humaines. Comme toujours, la critique française s’enflamme, comparant presque Guiraudie à un nouveau Godard, tandis que le public sort du film en se demandant exactement ce qu’il vient de voir.

On retrouve ici une atmosphère rurale typique du réalisateur, où la sexualité, et en particulier l’homosexualité, s’infiltre partout. Vincent, le personnage central, semble attiré par tout ce qui bouge : une boulangère veuve, un curé, le fils de la boulangère, l’ami du fils… Guiraudie joue avec cette obsession du désir sous-jacent, mais contrairement à L’Inconnu du lac, il mise ici sur la suggestion plutôt que l’exposition frontale (même si quelques plans rappellent son goût pour la provocation). Son plaisir, on le sent, c’est d’ébranler les normes tout en faisant rire avec son humour absurde et décalé.

L’intrigue autour d’une quête de champignons (hallucinogènes ?) et d’un cadavre caché rappelle fortement Mais qui a tué Harry ? d’Hitchcock, et il est difficile de ne pas voir un parallèle avec le dernier film de François Ozon. Mais Guiraudie a son style bien à lui : il aime perdre le spectateur dans un village de l’Aveyron où pulsions sexuelles et instincts meurtriers se croisent sans logique apparente.

Si le film amuse et intrigue, en faire un chef-d’œuvre serait peut-être exagéré. Il y a de beaux moments, un ton singulier et un vrai savoir-faire dans l’écriture des dialogues, mais le film repose avant tout sur son ambiance et son absurdité, sans atteindre la puissance dramatique de L’Inconnu du lac.

Côté casting, belle révélation de Félix Kysil, qui a une vraie "gueule" et capte bien la naïveté étrange de Vincent. Jean-Baptiste Durand, réalisateur de Chien de la casse, est parfait en fils protecteur, et on pourrait presque imaginer un crossover avec Dog et Mirales, tant les univers se rejoignent.

Miséricorde joue clairement sur cette idée d’ébranler les certitudes, les conventions, et même la morale. Guiraudie aime secouer son monde sans en avoir l’air, avec ce mélange de naïveté et de perversité qui lui est propre.

Le film marche aussi bien pour son approche du désir que pour sa manière de tordre le genre du thriller rural. On croit suivre une enquête, mais au final, c’est plus une errance existentielle, un grand jeu de cache-cache entre pulsions et culpabilité.

Guiraudie nous embarque dans un faux polar, avec cette histoire de cadavre et de champignons, mais au lieu de nous offrir une vraie enquête, il transforme tout en une sorte de dérive où le désir prend le pas sur la logique. On s’attend à du suspense, à des révélations, mais ce qu’on obtient, c’est une série de rencontres improbables et de dialogues absurdes qui brouillent les pistes.

C’est un peu comme s’il disait : Vous voulez un thriller ? Très bien, mais je vais le démonter pièce par pièce et vous forcer à vous concentrer sur autre chose : les corps, les regards, les tensions sous-jacentes. Et à la fin, ce n’est pas tant qui a tué ? qui compte, mais qui désire qui ? et jusqu’où ça peut aller ?

 

Un film intrigant, parfois déroutant, mais à prendre pour ce qu’il est : un jeu de pistes entre désir et macabre, avec ce petit plaisir malicieux qu’a Guiraudie de titiller la bourgeoisie bien-pensante.

NOTE : 13.40

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