Vu le film Miséricorde de Alain Guiraudie (2024) avec Félix Kyzil Catherine Frot Jacques Develay Jean Baptiste Durand David Ayala Tatiana Spivakova Sébastien Faglain Salomé Lopes Serge Richard Elio Lunetta
Jérémie revient à Saint-Martial pour
l'enterrement de son ancien patron boulanger. Il s'installe quelques jours chez
Martine, sa veuve. Cependant, entre une disparition mystérieuse, un voisin
menaçant et un abbé aux intentions étranges, son court séjour au village prend
une tournure inattendue
Avec Miséricorde, Alain
Guiraudie continue d’explorer ses thèmes de prédilection : le désir, la
marginalité et la campagne française comme terrain de jeu des pulsions
humaines. Comme toujours, la critique française s’enflamme, comparant presque
Guiraudie à un nouveau Godard, tandis que le public sort du film en se
demandant exactement ce qu’il vient de voir.
On retrouve ici une atmosphère rurale
typique du réalisateur, où la sexualité, et en particulier l’homosexualité,
s’infiltre partout. Vincent, le personnage central, semble attiré par tout ce
qui bouge : une boulangère veuve, un curé, le fils de la boulangère, l’ami du
fils… Guiraudie joue avec cette obsession du désir sous-jacent, mais
contrairement à L’Inconnu du lac, il mise ici sur la suggestion plutôt
que l’exposition frontale (même si quelques plans rappellent son goût pour la
provocation). Son plaisir, on le sent, c’est d’ébranler les normes tout en
faisant rire avec son humour absurde et décalé.
L’intrigue autour d’une quête de
champignons (hallucinogènes ?) et d’un cadavre caché rappelle fortement Mais
qui a tué Harry ? d’Hitchcock, et il est difficile de ne pas voir un
parallèle avec le dernier film de François Ozon. Mais Guiraudie a son style
bien à lui : il aime perdre le spectateur dans un village de l’Aveyron où
pulsions sexuelles et instincts meurtriers se croisent sans logique apparente.
Si le film amuse et intrigue, en faire
un chef-d’œuvre serait peut-être exagéré. Il y a de beaux moments, un ton
singulier et un vrai savoir-faire dans l’écriture des dialogues, mais le film
repose avant tout sur son ambiance et son absurdité, sans atteindre la
puissance dramatique de L’Inconnu du lac.
Côté casting, belle révélation de Félix
Kysil, qui a une vraie "gueule" et capte bien la naïveté étrange de
Vincent. Jean-Baptiste Durand, réalisateur de Chien de la casse, est
parfait en fils protecteur, et on pourrait presque imaginer un crossover avec
Dog et Mirales, tant les univers se rejoignent.
Miséricorde
joue clairement sur cette idée d’ébranler les certitudes, les conventions, et
même la morale. Guiraudie aime secouer son monde sans en avoir l’air, avec ce
mélange de naïveté et de perversité qui lui est propre.
Le film marche aussi bien pour son
approche du désir que pour sa manière de tordre le genre du thriller rural. On
croit suivre une enquête, mais au final, c’est plus une errance existentielle,
un grand jeu de cache-cache entre pulsions et culpabilité.
Guiraudie nous embarque dans un faux
polar, avec cette histoire de cadavre et de champignons, mais au lieu de nous
offrir une vraie enquête, il transforme tout en une sorte de dérive où le désir
prend le pas sur la logique. On s’attend à du suspense, à des révélations, mais
ce qu’on obtient, c’est une série de rencontres improbables et de dialogues
absurdes qui brouillent les pistes.
C’est un peu comme s’il disait : Vous
voulez un thriller ? Très bien, mais je vais le démonter pièce par pièce et
vous forcer à vous concentrer sur autre chose : les corps, les regards, les
tensions sous-jacentes. Et à la fin, ce n’est pas tant qui a tué ?
qui compte, mais qui désire qui ? et jusqu’où ça peut aller ?
Un film intrigant, parfois déroutant,
mais à prendre pour ce qu’il est : un jeu de pistes entre désir et macabre,
avec ce petit plaisir malicieux qu’a Guiraudie de titiller la bourgeoisie
bien-pensante.
NOTE : 13.40
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation et scénario: Alain Guiraudie
- Musique : Marc Verdaguer
- Photographie : Claire Mathon
- Montage : Jean-Christophe Hym
- Direction artistique : Laurent Lunetta
- Décors : Emmanuelle Duplay
- Costumes : Khadija Zeggaï
- Production : Charles Gilibert
- Production associée : Romain Blondeau
- Coproduction : Charles Gillibert, Olivier Père, Joaquim Sapinho, Albert Serra, Montse Triola et Marta Vieira Alves
- Sociétés de production : CG Cinéma et Scala Films, en coproduction avec Andergraun Films, Rosa Filmes et Arte France Cinéma, en association avec les SOFICA Cinéaxe 5 et Cinécap 7
- Société de distribution : Les Films du losange
- Pays de production :
France
- Félix Kysyl : Jérémie Pastor
- Catherine Frot : Martine Rigal
- Jacques Develay : l'abbé Philippe Griseul
- Jean-Baptiste Durand : Vincent Rigal
- David Ayala : Walter Bonchamp
- Sébastien Faglain : le gendarme
- Salomé Lopes : la gendarme
- Tatiana Spivakova : Annie, femme de Vincent
- Serge Richard : Jean-Pierre Rigal (le mort)
- Elio Lunetta : Kilian, le fils de Vincent et Annie
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