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mercredi 5 février 2025

14.10 - MON AVIS SUR LE FILM JOKER DE TODD PHILIPPS (2019)


Vu le film Joker de Todd Philipps (2019 ) avec Joaquin Phoenix Robert de Niro Zazie Beetz France Conroy Hannah Gross Shea Whigam Bill Camp Brett Cullen Frank Wood Douglas Hodge Brian Tyree Henry Justin Theroux

Arthur Fleck souffre de troubles mentaux le poussant, notamment, à rire involontairement et souvent à des moments inopportuns. Il rêve de devenir humoriste, sa mère Penny lui ayant assigné depuis toujours pour mission de « donner le sourire et de faire rire les gens dans ce monde sombre et froid ». En fait, il ne ressent que tristesse, même lorsqu'il travaille en tant que clown pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa mère. Gotham City est au bord du chaos, en proie au chômage, à la criminalité et à la crise financière, laissant une bonne partie de la population dans la misère.

Todd Phillips livre avec Joker (2019) une œuvre à la fois fascinante et dérangeante, qui déconstruit le mythe du clown criminel en plongeant dans la psyché d’Arthur Fleck, un homme broyé par la société. Si la folie est présente tout au long du film, elle n’est pas une explosion soudaine, mais une lente dérive, une érosion progressive de la raison qui nous enferme dans le point de vue de son protagoniste.

Le film est sublimé par une mise en scène froide et méticuleuse, qui contraste avec la performance explosive de Joaquin Phoenix. La photographie de Lawrence Sher baigne Gotham dans des teintes jaunâtres et verdâtres, évoquant un monde malade, en décomposition. Chaque plan est pensé pour accentuer l’isolement du personnage : les cadres souvent étouffants, les espaces vides qui l’écrasent, et ces longs couloirs sombres où Arthur semble toujours en décalage. La caméra, souvent à l’épaule, épouse ses mouvements erratiques, renforçant l’impression d’instabilité. Le travail sonore est tout aussi essentiel : la musique de Hildur Guðnadóttir, avec ses violoncelles lancinants, pèse comme un fardeau sur l’ensemble du film, amplifiant la tension et le désespoir du personnage.

Mais si Joaquin Phoenix livre une performance hallucinée, captant à la perfection la fragilité et la rage d’Arthur, il ne faut pas pour autant éclipser Robert De Niro. Son interprétation de Murray Franklin, un animateur cynique et condescendant, est d’une justesse remarquable. Contrairement à certaines de ses comédies où il tend à tomber dans la caricature, il offre ici une prestation sobre, jouant sur la retenue et l’ambiguïté. En incarnant une figure de la télévision qui humilie Arthur avant de se retrouver face à lui, il boucle une boucle symbolique avec The King of Comedy de Scorsese, où il tenait le rôle d’un comique raté cherchant la reconnaissance.

Toute cette maîtrise technique, du cadre à la musique en passant par le jeu d’acteurs, fait de Joker un film puissant, mais profondément troublant dans son message. En peignant Gotham comme une poudrière où la violence naît de l’injustice sociale, Todd Phillips efface les repères moraux habituels de l’univers de Batman. Là où Christopher Nolan faisait du Joker un agent du chaos absolu, Phillips en fait une victime qui devient bourreau, troublant ainsi la frontière entre tragédie et apologie de la violence.

Le film est-il un chef-d’œuvre ? Probablement. Mais il laisse une sensation amère, comme si, au lieu de nous offrir une réflexion, il nous forçait à accepter l’inévitable basculement d’Arthur Fleck, sans jamais nous donner d’alternative.

NOTE : 14.10

FICHE TECHNIQUE


DISTRIBUTION


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