Vu le film Le Privé de Robert Altman (1973) avec Elliot Gould Sterling Hayden Nina Van Pallandt Jon Ann Brody Mark Rydell Henry Gibson Jim Bouton Pepe Callahan David Carradine
En pleine nuit, Terry Lennox
demande à son ami Philip Marlowe, un détective privé, de le conduire de toute
urgence au Mexique. Ce dernier accepte, mais à son retour il est fraîchement
accueilli par la police. Sylvia, l'épouse de Lennox, a en effet été retrouvée
assassinée et Marlowe est inculpé pour meurtre.
Sorti en 1973, Le Privé (The
Long Goodbye) de Robert Altman est une relecture audacieuse et
irrévérencieuse du polar classique. Adapté du roman éponyme de Raymond
Chandler, ce film revisite le mythe du détective Philip Marlowe en le
transposant dans le Los Angeles désenchanté des années 70, loin de l’univers
sombre et stylisé du film noir classique.
Ici, Marlowe est incarné par
Elliott Gould, bien moins glamour que Humphrey Bogart dans Le Grand Sommeil
(1946). Avec son allure négligée, sa dégaine nonchalante et son air
perpétuellement désabusé, il campe un détective perdu dans un monde qui a
changé sans lui. Son quotidien est rythmé par des détails absurdes : nourrir
son chat difficile, croiser ses voisines hippies pratiquant le yoga dans le
plus simple appareil, ou se traîner dans un Los Angeles ensoleillé mais
poisseux.
Altman joue avec les codes du
polar traditionnel pour mieux les déconstruire. Contrairement au Marlowe sûr de
lui des années 40, celui de Gould est dépassé par les événements, toujours un
pas derrière une vérité qui semble lui échapper. Il fume comme un pompier,
marmonne dans sa barbe et enchaîne les mésaventures avec un fatalisme teinté
d’humour. Son monde est peuplé de personnages excentriques, du gangster sadique
incarné par Mark Rydell à l’écrivain alcoolique Terry Lennox, qui l’entraîne
malgré lui dans une sombre affaire de meurtre.
L’écriture du film est typique des
années 70 : labyrinthique, décousue, imprévisible. Altman, fidèle à son style,
filme en plans longs et utilise un zoom flottant qui donne au film une
sensation de flottement permanent, comme si Marlowe évoluait dans un rêve
brisé. La bande-son, avec le thème de The Long Goodbye décliné sous
différentes variations, renforce cette ambiance à la fois mélancolique et
ironique.
Plus qu’un polar, Le Privé
est une critique désabusée d’un monde où le cynisme a remplacé la morale.
Marlowe, vestige d’une époque révolue, est un homme trop intègre pour une ville
où tout n’est que compromission. Loin du détective à l’ancienne, il est le
reflet d’une Amérique post-Watergate en perte de repères.
Ceux qui aiment le polar classique
pourraient être déconcertés par ce film décalé, où la violence et le burlesque
cohabitent sans transition. Mais pour les amateurs d’Altman, des années 70 et
d’un certain esprit libre et désenchanté, Le Privé est un chef-d'œuvre.
NOTE: 14.80
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Robert Altman
- Scénario : Leigh Brackett, d'après le roman de Raymond Chandler
- Musique : John Williams
- Image : Vilmos Zsigmond
- Montage : Lou Lombardo
- Assistant réalisateur : Tommy Thompson
- Second assistant réalisateur : Alan Rudolph
- Maquillage : Bill Miller
- Elliott Gould (VF : Claude Joseph) : Philip Marlowe
- Nina van Pallandt (en) (VF : Marion Loran) : Ellen Wade
- Sterling Hayden (VF : Jacques Berthier) : Roger Wade alias Billy Joe Smith
- Mark Rydell (VF : Maurice Sarfati) : Marty Augustine
- Henry Gibson (VF : Roger Crouzet) : le docteur Verringer
- David Arkin (VF : Jacques Bernard) : Harry
- David Carradine (VF : Philippe Dumat) : Dave, dit Socrate
- Arnold Schwarzenegger : Hood (non crédité)
- Jim Bouton (VF : Francis Lax) : Terry Lennox
- Steve Coit (VF : Alain Dorval) : le lieutenant Farmer
- Warren Berlinger (VF : Roger Lumont) : Morgan
- Sally Field (VF : Monique Thierry) : Sybille Tucsley
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