Vu le film Le Tambour de Volker Schlöndorff (1979) avec David Bennent Mario Adorf Angela Winkler Charles Aznavour Tina Engel Katharina Thalbach Berta Drews Daniel Olbrychski
L'histoire du Tambour est
racontée sous la forme d'un long monologue, dont le narrateur n'est autre que
le héros lui-même, Oskar Matzerath, un bien étrange personnage qui a
incroyablement survécu, avec sa grand-mère protectrice, à la Seconde guerre mondiale. Doté d'une
intelligence hors du commun, il reçoit en cadeau, pour son troisième
anniversaire, le 12 septembre 1927, un tambour de fer-blanc laqué rouge et
blanc. Choqué par le monde des adultes, il décide de cesser de grandir. Pour
cela, il fait exprès de tomber du haut des escaliers de la cave de sa maison et
va ainsi conserver sur le monde un regard d'enfant implacable et inflexible. Il
découvre qu'il a le talent particulier de pousser un cri strident de haute
fréquence qui casse le verre alentour.
Volker Schlöndorff signe avec Le
Tambour (Die Blechtrommel), adapté du roman éponyme de Günter Grass,
une œuvre fascinante et dérangeante, où l’enfance se mue en résistance face à
un monde en décomposition. Coécrit avec Jean-Claude Carrière, le scénario suit
le parcours d’Oskar Matzerath, un enfant qui, par un acte de refus absolu,
décide à trois ans de ne plus grandir après une chute sur la tête. Son
instrument fétiche, un petit tambour rouge et blanc, devient son unique
langage, une arme contre la médiocrité et la brutalité des adultes.
David Bennent, âgé de 11 ans au moment
du tournage, livre une performance inoubliable, incarnant ce personnage à la
fois enfantin et inquiétant. Son regard perçant, sa maturité troublante et son
cri strident – capable de briser le verre – donnent à Oskar une dimension quasi
mythologique. Il traverse l’histoire de l’Allemagne des années 1920 aux
lendemains de la Seconde Guerre mondiale avec une lucidité qui le distingue de
son entourage aveuglé par l’idéologie.
Le film ne recule devant rien pour
illustrer la montée du nazisme et la compromission générale. La scène où Oskar
interrompt un rassemblement hitlérien en détournant une marche militaire vers
une valse grotesque est l’un des moments les plus marquants du film : son
tambour devient une force subversive, un instrument de révolte contre l’ordre
établi. Mais cette rébellion ne suffit pas à arrêter la marche inexorable du
chaos.
Un des aspects les plus controversés du
film reste la relation entre Oskar et Maria, une jeune femme plus âgée. Cette
scène, jugée choquante par certains, interroge les frontières de l’enfance et
de la sexualité dans un corps resté figé à trois ans. Oskar, malgré son
apparence, est un être hybride, un esprit adolescent dans un corps d’enfant, ce
qui rend ces moments profondément troublants.
Visuellement, Schlöndorff restitue avec
brio l’atmosphère du Dantzig d’avant-guerre, ville cosmopolite où se croisent
Allemands, Polonais et Cachoubes. L’omniprésence du tambour d’Oskar rythme le
film comme une litanie funèbre, battant la mesure d’un monde qui court à sa
perte.
La Palme d’Or obtenue en 1979, partagée
avec Apocalypse Now, souligne la puissance du film : deux visions de la
guerre, l’une hallucinée et infernale chez Coppola, l’autre cruelle et
grotesque chez Schlöndorff. L’Oscar du Meilleur Film Étranger en 1980 viendra
consacrer ce chef-d’œuvre du cinéma allemand.
David Bennent, après ce rôle
emblématique, n’a jamais connu une carrière aussi marquante, bien qu’il ait
continué à tourner au cinéma et au théâtre. Mais son visage, figé dans le
temps, hante toujours ceux qui ont croisé son regard sur grand écran. Le
Tambour reste une fable tragique sur l’impossible innocence et la
déliquescence d’une époque, un film dont on ne sort pas indemne.
NOTE :15.10
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Volker Schlöndorff
- Scénario : Volker Schlöndorff, Jean-Claude Carrière, Franz Seitz, d'après le roman de Günter Grass, Le Tambour
- Photographie : Igor Luther
- Montage : Suzanne Baron
- Musique : Maurice Jarre
- Direction artistique : Níkos Perákis
- Société de production : Anatole Dauman, Franz Seitz
- David Bennent : Oskar Matzerath
- Mario Adorf (VF : Pierre Santini / Lui-même) : Alfred Matzerath
- Angela Winkler (VF : Martine Sarcey / Karine Texier) : Agnes Matzerath
- Katharina Thalbach (VF : Sylviane Margollé) : Maria Matzerath
- Daniel Olbrychski : Jan Bronski
- Tina Engel (en) : Anna Koljaiczek (jeune)
- Berta Drews : Anna Koljaiczek (âgée)
- Roland Teubner : Joseph Koljaiczek
- Tadeusz Kunikowski : Oncle Vinzenz
- Andréa Ferréol : Lina Greff
- Heinz Bennent : Greff
- Ilse Pagé : Gretchen Scheffler
- Fritz Hakl : Bebra
- Werner Rehm : Scheffler
- Käte Jaenicke (de) : la mère Truczinski
- Otto Sander : Meyn
- Charles Aznavour (VF : lui-même) : Sigismund Markus
- Henning Schlüter : Dr Hollatz
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