Vu le film The Player de Robert Altman (1992) avec Tim Robbins Greta Scacchi Whoopi Goldberg Fred Ward Peter Gallagher Brian James Vincent d’Onofrio Dean Stockwell Lyle Lovett Sydney Pollack
Griffin Mill, directeur de
production à Hollywood, reçoit des cartes postales anonymes menaçantes. Il semble qu’elles
émanent d’un auteur, dont le scénario aurait été recalé. Par ailleurs, il
craint pour son emploi, d’autant qu’un transfuge de la concurrence est
embauché, à ses côtés.
Après une brève enquête, le nom de
David Kahane s’impose comme celui de l’auteur des menaces. Mill se rend à son
domicile à Pasadena,
où il a un entretien téléphonique avec la compagne de Kahane, June. Il apprend
que l'auteur est au cinéma pour voir Le Voleur de bicyclette de Vittorio De Sica.
Après la projection, ils se rencontrent et dans un bar, Mill lui propose une
collaboration. Dans la rue, la discussion s’envenime, ils en viennent aux
mains ; Kahane est tué.
Avec The Player, Robert Altman
livre une satire mordante d'Hollywood, dévoilant avec un humour noir acéré les
dessus chics et les dessous chocs de l'industrie du cinéma. Maître incontesté
du film choral, Altman orchestre ici un ballet virtuose de personnages et de
situations, jouant avec les conventions du thriller policier tout en offrant
une réflexion cinglante sur le pouvoir, l'ambition et l'hypocrisie du système
hollywoodien.
The Player
commence par un plan-séquence de huit minutes d'une fluidité époustouflante, un
hommage à La Soif du mal d'Orson Welles, mais aussi une démonstration de
maîtrise technique qui plonge le spectateur au cœur des studios hollywoodiens.
Dès ce début magistral, le ton est donné : on est dans les coulisses de
l'industrie du rêve, là où tout est faux-semblant, manipulations et jeux de
pouvoir. Altman nous invite à suivre Griffin Mill, un producteur cynique
interprété avec brio par Tim Robbins, en pleine crise existentielle. Mill
reçoit des lettres de menaces anonymes, écrites par un scénariste qu'il a
éconduit sans ménagement, comme tant d'autres dans cette machine à broyer les
rêves.
Griffin Mill n'est pas seulement un
personnage ; il est l'incarnation même du système hollywoodien. Arrogant,
calculateur, obsédé par son statut, il est prêt à tout pour conserver son
pouvoir, y compris à commettre un meurtre. La scène où il confronte David
Kahane (interprété par Vincent D'Onofrio) est magistrale : un échange tendu qui
vire à la tragédie absurde. En tuant Kahane, Mill croit s'être débarrassé de
son problème, mais c'est le début d'une spirale infernale de paranoïa et de
culpabilité.
Altman utilise cette intrigue policière
pour construire une satire caustique d'Hollywood, où le crime passe inaperçu
tant qu'il ne menace pas le profit. La véritable obsession des personnages
n'est pas la morale, mais le box-office. C'est un univers où tout le monde
trahit tout le monde, où l'art est sacrifié sur l'autel du succès commercial.
Le portrait est cruel, mais hilarant tant Altman pousse l'absurde à son
paroxysme.
Ce cynisme est renforcé par le choix de
Tim Robbins, parfait en producteur froid et manipulateur. Robbins joue Mill
avec une subtilité remarquable, alternant entre assurance glaciale et
vulnérabilité paranoïaque. Greta Scacchi est également excellente en June
Gudmundsdottir, amante énigmatique dont le détachement accentue l'isolement de
Mill. Quant à Whoopi Goldberg, elle apporte une touche d'humour grinçant en
détective désinvolte qui semble plus intéressée par les ragots hollywoodiens
que par l'enquête criminelle.
Là où The Player frappe fort,
c'est dans son incroyable galerie de caméos. Altman convoque un casting
impressionnant de stars jouant leur propre rôle : Bruce Willis, Julia Roberts,
Cher, John Cusack, Anjelica Huston... La liste est longue, et le générique
devient un jeu de piste réjouissant pour les cinéphiles. Voir ces icônes du
cinéma se parodier elles-mêmes ajoute une dimension méta au film, renforçant
l'idée que tout n'est qu'illusion à Hollywood, y compris les stars.
Altman s'en donne à cœur joie en
multipliant les clins d'œil au travers de l'industrie : les pitchs absurdes qui
fusionnent deux succès passés pour garantir un "blockbuster" (comme
ce Rencontre du troisième type croisé avec Love Story), les
réunions hypocrites où personne n'ose dire ce qu'il pense vraiment, les
scénaristes réduits à l'état de mendiants implorant une chance... La satire est
sans pitié. C'est une revanche sous extasy pour Altman, qui n'a jamais été en
odeur de sainteté à Hollywood, lui le franc-tireur qui a toujours préféré
suivre son instinct artistique plutôt que de se plier aux diktats des studios.
Ce qui rend The Player encore
plus fascinant, c'est son audace narrative. En mêlant thriller et comédie
noire, Altman déconstruit les genres pour mieux les subvertir. La fin du film
est d'une ironie mordante : Griffin Mill, non seulement s'en sort impuni, mais
il est même récompensé en prenant la tête du studio. Le dernier plan, où Mill
reçoit une nouvelle lettre de menace qui se révèle être... un pitch de film
basé sur ses propres crimes, est un sommet de cynisme jubilatoire.
Pourtant, malgré son génie satirique,
le film a vieilli sur certains aspects, notamment dans son rythme parfois étiré
et sa vision d'un Hollywood des années 90 qui paraît désormais lointain. Mais
un film de Robert Altman reste comme un grand cru : il conserve toujours une
saveur unique, même avec le temps. The Player est une œuvre essentielle
dans la filmographie d'Altman, un brûlot iconoclaste qui rappelle l'importance
de conserver une vision personnelle face aux compromis de l'industrie.
The Player
est une satire brillante, un polar cynique et une comédie grinçante sur un
Hollywood qui n'a finalement pas tant changé. C'est aussi une lettre d'amour
empoisonnée au cinéma, un art qui jongle en permanence entre rêve et cynisme.
Altman dépeint un monde où même les meurtres peuvent être transformés en films
à succès, tant qu'ils respectent la sacro-sainte règle du happy end. Un
chef-d'œuvre d'humour noir à (re)découvrir, pour rire (jaune) face à
l'hypocrisie du système.
NOTE : 13.10
FICHE TECHNIQUE
- Scénario : Michael Tolkin, d'après son roman éponyme
- Musique : Thomas Newman
- Photographie : Jean Lépine
- Montage : Maysie Hoy et Geraldine Peroni
- Production : David Brown, Michael Tolkin et Nick Wechslers
- Sociétés de production : Avenue Pictures, Spelling Entertainment
- Distribution : Fine Line Features (États-Unis), Les Films Number One (France)
- Budget : 8 000 000 $ (estimation)
- Tournage : du au
- Tim Robbins (VF : Bernard Alane) : Griffin Mill
- Greta Scacchi : June Gundmundsdottir
- Whoopi Goldberg (VF : Jacqueline Cohen) : l'inspecteur Susan Avery
- Fred Ward (VF : Michel Fortin) : Walter Stuckel
- Peter Gallagher (VF : Éric Legrand) : Larry Levy
- Brion James (VF : Denis Savignat) : Joel Levison
- Cynthia Stevenson (VF : Déborah Perret) : Bonnie Sherow
- Vincent D'Onofrio (VF : Jean-François Vlérick) : David Kahane
- Dean Stockwell (VF : Michel Bedetti) : Andy Civella
- Lyle Lovett (VF : Patrick Préjean) : inspecteur DeLongpre
- Richard E. Grant (VF : Jean-Philippe Puymartin) : Tom Oakley
- Sydney Pollack (VF : Joseph Falcucci) : Dick Mellen
- Dina Merrill (VF : Anne Lefébure) : Celia Beck
- et de nombreuses stars de passage, qui jouent leur propre rôle: Steve Allen, Richard Anderson, René Auberjonois, Harry Belafonte, Shari Belafonte, Karen Black, Michael Bowen, Gary Busey, Robert Carradine, Charles Champlin, Cher, James Coburn, Cathy Lee Crosby, John Cusack, Brad Davis, Paul Dooley, Thereza Ellis, Peter Falk, Felicia Farr, Katarzyna Figura, Louise Fletcher, Dennis Franz, Teri Garr, Leeza Gibbons, Scott Glenn, Jeff Goldblum, Elliott Gould, Joel Grey, David Alan Grier, Buck Henry, Anjelica Huston, Kathy Ireland, Steve James, Maxine John-James, Sally Kellerman, Sally Kirkland, Jack Lemmon, Marlee Matlin, Andie MacDowell, Malcolm McDowell, Jayne Meadows, Martin Mull, Jennifer Nash, Nick Nolte, Alexandra Powers, Bert Remsen, Guy Remsen, Patricia Resnick, Burt Reynolds, Jack Riley, Julia Roberts, Mimi Rogers, Annie Ross, Alan Rudolph, Jill St. John, Susan Sarandon, Adam Simon, Rod Steiger, Patrick Swayze, Joan Tewkesbury, Brian Tochi, Lily Tomlin, Robert Wagner, Ray Walston, Bruce Willis, Marvin Young.
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