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mercredi 12 février 2025

17.40 - MON AVIS SUR LE FILM UN PARFAIT INCONNU DE JAMES MANGOLD (2025)


 Vu le film Un Parfait Inconnu de James Mangold (2025) avec Timothée Chalamet Edward Norton Elle Fanning Monica Barbaro Boyd Holbrook Dan Fogler Nobert Léo Butz Eriko Hatsune Will Harrison Charlie Tahan P.J Byrne Michael Chermus David Alan Bashe Joe Tippett

En 1961, âgé de 19 ans, Robert Zimmerman — qui a pris un peu plus tôt le pseudonyme de Bob Dylan — se rend à New York, au chevet du chanteur et guitariste folk Woody Guthrie, très malade. Le jeune homme est ensuite adopté par la scène folk new-yorkaise, principalement basée à Greenwich Village, avec notamment Pete Seeger et Joan Baez. Dylan se produit lors de concerts dans les clubs du centre-ville et devient vite une sensation, sous contrat chez Columbia Records. Véritable phénomène culturel, il va — dans la seconde partie des années 1960 — dérouter certains de ses fans et décevoir la communauté musicale qui l’a accueilli en utilisant des instruments amplifiés de manière électrique.

Dans un paysage cinématographique où le biopic semble parfois n’être qu’une répétition convenue d’un schéma classique, James Mangold prouve une fois de plus qu’il est un cinéaste qui sait capturer l’essence d’un personnage hors du commun. Un Parfait Inconnu n’est pas simplement une évocation de Bob Dylan, c’est une immersion dans une époque, un mouvement, une révolution musicale en train de s’écrire sous nos yeux.

Plutôt que d’embrasser toute la carrière tentaculaire de Dylan, Mangold fait un choix audacieux et judicieux : s’arrêter aux années fondatrices de l’artiste, celles où il passe du jeune homme timide venu du Minnesota à l’icône musicale controversée qui électrifie le Newport Folk Festival en 1965. C’est une période charnière, non seulement pour Dylan lui-même, mais pour toute la scène musicale américaine.

L’histoire débute en 1961 avec l’arrivée d’un Dylan (Timothée Chalamet, époustouflant) à New York, guitare en main et idées plein la tête, rêvant de marcher dans les pas de son idole, Woody Guthrie. Hospitalisé et malade, Guthrie (campé par un Scoot McNairy (méconnaissable) devient une figure paternelle pour Dylan, une relation marquée par un respect mutuel et une transmission symbolique du flambeau.

C’est dans les clubs de Greenwich Village que la magie opère : un gamin encore inconnu, chantant d’une voix nasillarde et écorchée, capture l’attention de toute une génération. Ses premiers liens avec Pete Seeger (Edward Norton, magistral) et Joan Baez (Monica Barbaro, une révélation) sont dépeints avec finesse. Si Seeger incarne la tradition du folk pur et dur, enthousiaste mais inquiet face aux audaces de Dylan, Baez est le miroir, la muse et la complice qui devine avant tout le monde que ce garçon est destiné à bouleverser la musique.

Impossible de parler du film sans évoquer la prestation magistrale de Timothée Chalamet. Il ne joue pas Dylan, il l’incarne. Il adopte son phrasé hésitant, ses silences pensifs, son regard fuyant qui dissimule une intelligence acérée. Il ne se contente pas de singer l’icône, il en capte l’essence. Le plus impressionnant reste qu’il interprète lui-même les chansons, et le résultat est stupéfiant. Plutôt que d’imiter la voix de Dylan, il en propose une réinterprétation subtile qui respecte l’original tout en y apportant sa propre sensibilité.

À ses côtés, Monica Barbaro brille dans le rôle de Joan Baez. Plus qu’un simple intérêt amoureux, leur relation est complexe, marquée par une admiration mutuelle et une rivalité implicite. Le film met en lumière ce moment où Baez, déjà une star, pousse Dylan sous le feu des projecteurs avant de voir celui-ci la dépasser et s’éloigner (Avec des faux airs de Natalie Wood)

Edward Norton en Pete Seeger est une autre grande réussite. Mentor bienveillant, il regarde avec fierté et inquiétude ce prodige qui veut tout chambouler. La scène où il assiste, impuissant, au passage à l’électrique de Dylan est l’un des moments les plus forts du film : son regard, partagé entre admiration et déception, résume tout le choc de cette époque.

Et puis il y a Johnny Cash, campé avec charisme par Boyd Holbrook. Son amitié avec Dylan, faite de respect et d’émulation, est magnifiquement illustrée, notamment lors d’une session d’enregistrement où les deux artistes se défient en toute complicité.

James Mangold (Logan et LeMans 66)orchestre cette fresque avec une maîtrise remarquable. Loin de la linéarité pesante de certains biopics, Un Parfait Inconnu épouse le rythme de son sujet. On passe d’une chambre d’hôtel enfumée à une cave new-yorkaise en un battement de cil, d’un concert sous tension à une rencontre déterminante en studio avec une fluidité exemplaire.

Phedon Papamichael, son directeur de la photographie, sublime New York, rendant hommage à ses ruelles sombres, ses clubs enfumés, ses néons tremblotants. Chaque plan est une lettre d’amour à cette époque où tout semblait possible, où la musique était un combat, un cri, une révolution.

La grande force du film réside dans sa manière de rendre compte de la révolution que représente Dylan sans jamais le déifier. Un Parfait Inconnu montre un artiste en construction, un jeune homme à la fois sûr de son talent et habité par le doute, tiraillé entre son respect pour la tradition folk et son envie irrépressible d’aller plus loin.

Le point culminant du film, ce moment où Dylan ose brancher une guitare électrique et se fait huer par son propre public, est un moment de cinéma d’une puissance rare. Chalamet y est bouleversant, capturant cet instant où un artiste comprend qu’il est seul face à sa propre vision, prêt à tout sacrifier pour rester fidèle à lui-même.

Un Parfait Inconnu n’est pas juste un biopic réussi, c’est un grand film de cinéma. Il raconte une époque, une musique, une mutation culturelle, mais surtout, il raconte un homme, insaisissable, insoumis, dont l’ombre plane encore sur la musique et la littérature d’aujourd’hui.

Timothée Chalamet y trouve son rôle le plus marquant, James Mangold livre l’un de ses films les plus personnels et vibrants, et le spectateur ressort avec l’impression d’avoir assisté à quelque chose d’unique. Un chef-d’œuvre, tout simplement.

NOTE : 17.40

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