Vu le film Un Parfait Inconnu de James Mangold (2025) avec Timothée Chalamet Edward Norton Elle Fanning Monica Barbaro Boyd Holbrook Dan Fogler Nobert Léo Butz Eriko Hatsune Will Harrison Charlie Tahan P.J Byrne Michael Chermus David Alan Bashe Joe Tippett
En
1961, âgé de 19 ans, Robert Zimmerman — qui a pris un peu plus tôt le
pseudonyme de Bob Dylan —
se rend à New York,
au chevet du chanteur et guitariste folk Woody
Guthrie, très malade.
Le jeune homme est ensuite adopté par la scène folk new-yorkaise,
principalement basée à Greenwich
Village, avec
notamment Pete Seeger et Joan Baez. Dylan se produit lors de
concerts dans les clubs du centre-ville et devient vite une sensation, sous
contrat chez Columbia
Records. Véritable
phénomène culturel, il va — dans la seconde partie des années
1960 — dérouter
certains de ses fans et décevoir la communauté musicale qui l’a accueilli en
utilisant des instruments amplifiés de manière électrique.
Dans un
paysage cinématographique où le biopic semble parfois n’être qu’une répétition
convenue d’un schéma classique, James Mangold prouve une fois de plus qu’il est
un cinéaste qui sait capturer l’essence d’un personnage hors du commun. Un
Parfait Inconnu n’est pas simplement une évocation de Bob Dylan, c’est une
immersion dans une époque, un mouvement, une révolution musicale en train de
s’écrire sous nos yeux.
Plutôt
que d’embrasser toute la carrière tentaculaire de Dylan, Mangold fait un choix
audacieux et judicieux : s’arrêter aux années fondatrices de l’artiste, celles
où il passe du jeune homme timide venu du Minnesota à l’icône musicale
controversée qui électrifie le Newport Folk Festival en 1965. C’est une période
charnière, non seulement pour Dylan lui-même, mais pour toute la scène musicale
américaine.
L’histoire
débute en 1961 avec l’arrivée d’un Dylan (Timothée Chalamet, époustouflant) à
New York, guitare en main et idées plein la tête, rêvant de marcher dans les
pas de son idole, Woody Guthrie. Hospitalisé et malade, Guthrie (campé par un Scoot
McNairy (méconnaissable)
devient une figure paternelle pour Dylan, une relation marquée par un respect
mutuel et une transmission symbolique du flambeau.
C’est
dans les clubs de Greenwich Village que la magie opère : un gamin encore
inconnu, chantant d’une voix nasillarde et écorchée, capture l’attention de
toute une génération. Ses premiers liens avec Pete Seeger (Edward Norton,
magistral) et Joan Baez (Monica Barbaro, une révélation) sont dépeints avec
finesse. Si Seeger incarne la tradition du folk pur et dur, enthousiaste mais
inquiet face aux audaces de Dylan, Baez est le miroir, la muse et la complice
qui devine avant tout le monde que ce garçon est destiné à bouleverser la
musique.
Impossible
de parler du film sans évoquer la prestation magistrale de Timothée Chalamet.
Il ne joue pas Dylan, il l’incarne. Il adopte son phrasé hésitant, ses silences
pensifs, son regard fuyant qui dissimule une intelligence acérée. Il ne se
contente pas de singer l’icône, il en capte l’essence. Le plus impressionnant
reste qu’il interprète lui-même les chansons, et le résultat est stupéfiant.
Plutôt que d’imiter la voix de Dylan, il en propose une réinterprétation
subtile qui respecte l’original tout en y apportant sa propre sensibilité.
À ses
côtés, Monica Barbaro brille dans le rôle de Joan Baez. Plus qu’un simple
intérêt amoureux, leur relation est complexe, marquée par une admiration
mutuelle et une rivalité implicite. Le film met en lumière ce moment où Baez,
déjà une star, pousse Dylan sous le feu des projecteurs avant de voir celui-ci
la dépasser et s’éloigner (Avec des faux airs de Natalie Wood)
Edward
Norton en Pete Seeger est une autre grande réussite. Mentor bienveillant, il
regarde avec fierté et inquiétude ce prodige qui veut tout chambouler. La scène
où il assiste, impuissant, au passage à l’électrique de Dylan est l’un des
moments les plus forts du film : son regard, partagé entre admiration et
déception, résume tout le choc de cette époque.
Et puis
il y a Johnny Cash, campé avec charisme par Boyd Holbrook. Son amitié avec Dylan, faite
de respect et d’émulation, est magnifiquement illustrée, notamment lors d’une
session d’enregistrement où les deux artistes se défient en toute complicité.
James
Mangold (Logan et LeMans 66)orchestre cette fresque avec une maîtrise
remarquable. Loin de la linéarité pesante de certains biopics, Un Parfait
Inconnu épouse le rythme de son sujet. On passe d’une chambre d’hôtel
enfumée à une cave new-yorkaise en un battement de cil, d’un concert sous
tension à une rencontre déterminante en studio avec une fluidité exemplaire.
Phedon
Papamichael, son directeur de la photographie, sublime New York, rendant
hommage à ses ruelles sombres, ses clubs enfumés, ses néons tremblotants.
Chaque plan est une lettre d’amour à cette époque où tout semblait possible, où
la musique était un combat, un cri, une révolution.
La
grande force du film réside dans sa manière de rendre compte de la révolution
que représente Dylan sans jamais le déifier. Un Parfait Inconnu montre
un artiste en construction, un jeune homme à la fois sûr de son talent et
habité par le doute, tiraillé entre son respect pour la tradition folk et son
envie irrépressible d’aller plus loin.
Le
point culminant du film, ce moment où Dylan ose brancher une guitare électrique
et se fait huer par son propre public, est un moment de cinéma d’une puissance
rare. Chalamet y est bouleversant, capturant cet instant où un artiste comprend
qu’il est seul face à sa propre vision, prêt à tout sacrifier pour rester
fidèle à lui-même.
Un
Parfait Inconnu
n’est pas juste un biopic réussi, c’est un grand film de cinéma. Il raconte une
époque, une musique, une mutation culturelle, mais surtout, il raconte un
homme, insaisissable, insoumis, dont l’ombre plane encore sur la musique et la
littérature d’aujourd’hui.
Timothée
Chalamet y trouve son rôle le plus marquant, James Mangold livre l’un de ses
films les plus personnels et vibrants, et le spectateur ressort avec
l’impression d’avoir assisté à quelque chose d’unique. Un chef-d’œuvre, tout
simplement.
NOTE : 17.40
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : James Mangold
- Scénario : Jay Cocks et James Mangold, d'après l'ouvrage Dylan Goes Electric d'Elijah Wald
- Décors : François Audouy
- Costumes : Arianne Phillips
- Photographie : Phedon Papamichael
- Montage : Andrew Buckland et Scott Morris
- Producteurs : Michael Bederman, Fred Berger, Bob Bookman, Timothée Chalamet, Alan Gasmer, Alex Heineman, Peter Jaysen, Brian Kavanaugh-Jones, James Mangold, Andrew Rona et Jeff Rosen
- Sociétés de production : Range Media Partners, Veritas Entertainment Group et The Picture Company
- Sociétés de distribution : Searchlight Pictures (États-Unis), The Walt Disney Company France (France)
- Timothée Chalamet (VF : Gauthier Battoue) : Bob Dylan
- Edward Norton (VF : Damien Boisseau) : Pete Seeger
- Elle Fanning (VF : Rebecca Benhamour) : Sylvie Russo
- Monica Barbaro (VF : Laëtitia Coryn) : Joan Baez
- Boyd Holbrook (VF : Stéphane Pouplard) : Johnny Cash
- Dan Fogler (VF : Jérémie Bédrune) : Albert Grossman (en)
- Norbert Leo Butz (VF : Frédéric Souterelle) : Alan Lomax
- Eriko Hatsune (en) : Toshi Seeger (en)
- Big Bill Morganfield (en) : Jesse Moffette
- Will Harrison (en) (VF : Aurélien Raynal) : Bob Neuwirth (en)
- Scoot McNairy (VF : Igor Chometowski) : Woody Guthrie
- P. J. Byrne (VF : Philippe Bozo) : Harold Leventhal (en)
- Michael Chernus : Theodore Bikel
- Charlie Tahan (VF : Kévin Goffette) : Al Kooper
- Ryan Harris Brown : Mark Spoelstra (en)
- Laura Kariuki (VF : Perrine Lislet) : Mavis Staples
- Stephen Carter Carlsen : Paul Stookey
- David Alan Basche (VF : Laurent Morteau) : John Hammond
- Kayli Carter : Maria Muldaur
- Sarah King : Barbara Dane
- Michael Chernus : Theodore Bikel
- Joe Tippett (en) (VF : Laurent Morteau) : Dave Van Ronk
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