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dimanche 15 septembre 2024

16.20 - MON AVIS SUR LE FILM LES PASSAGERS DE LA NUIT DE DELMER DAVES (1947)


 Vu le film Les Passagers de la Nuit de Delmer Daves (1947) avec Humphrey Bogart Lauren Bacall   Agnès Moorehead Bruce Bennett Tom d’Andrea Clifton Young Rory Mallinson Douglas Kennedy Housely Stevenson Tom Fadden Mary Field Patrick McVey 

Vincent Parry, condamné à perpétuité pour le meurtre de sa femme, s'évade de prison. Sur son chemin, il croise Irene Jansen, qui l'aide à passer un barrage de police. La jeune artiste peintre qui a suivi le procès est convaincue que Vincent est innocent. Recherché, Vincent décide dans un premier temps de fuir la ville avant d'avoir recours à la chirurgie esthétique. Muni d'un nouveau visage, il entreprend de retrouver le coupable, mais les événements vont encore lui échapper.

Les Passagers de la nuit (Dark Passage, 1947) est un modèle du film noir des années 40, réalisé par Delmer Daves, un cinéaste qui a su marquer le genre avec des œuvres sombres et atmosphériques. Ce polar captivant met en scène le duo mythique Humphrey Bogart et Lauren Bacall, dont la complicité et l'alchimie à l'écran atteignent ici un sommet. Leur jeu, en noir et blanc, cristallise parfaitement l'esprit du film noir d'après-guerre, marqué par la fatalité, le doute et la méfiance.

L’une des grandes originalités de ce film réside dans son approche visuelle, notamment dans la première partie, où le personnage principal, Vincent Parry (incarné par Bogart), n’apparaît pas à l'écran. Ce choix audacieux de la part de Daves nous immerge immédiatement dans l’intrigue. Nous suivons Vincent Parry à la première personne, à travers sa perspective subjective. Cela crée une tension particulière, renforçant le mystère autour de cet homme en fuite, évadé de prison après une condamnation pour un crime qu'il nie avoir commis. Le spectateur partage son angoisse, ne voyant pas son visage, et ne sachant pas s'il pourra échapper à ceux qui le traquent.

L’atmosphère oppressante du film est magnifiquement servie par le noir et blanc, qui accentue les contrastes entre lumière et ombre, un élément clé du film noir. Les rues de San Francisco, avec leurs ruelles sombres, leurs ponts et leurs panoramas inquiétants, deviennent presque un personnage à part entière, enveloppant Parry dans un labyrinthe urbain sans issue apparente. C’est un décor parfait pour ce jeu de cache-cache avec la police et ceux qui cherchent à lui nuire.

Le moment où Parry décide de subir une opération chirurgicale pour changer de visage est un tournant essentiel dans le film. C'est à ce moment qu'il "devient" Humphrey Bogart, et l'apparition de l'acteur à l'écran après cette transformation marque une nouvelle phase de l'intrigue. Le choix de ne montrer le visage de Bogart qu'à partir de ce moment renforce le mystère et la fascination qu’il suscite. Il incarne ici parfaitement le rôle du héros noir, un homme traqué, déterminé à prouver son innocence dans un monde où la justice semble inaccessible.

Lauren Bacall, dans le rôle d’Irene Jansen, est tout simplement éblouissante. Elle incarne une femme forte et indépendante, un archétype de la femme fatale du film noir, bien que son personnage soit plus empathique et moins manipulateur que dans d'autres films du genre. Elle croit en l'innocence de Parry et l’aide tout au long de son périple, devenant à la fois son soutien moral et son alliée la plus précieuse. La relation entre Bacall et Bogart est évidemment l’un des points forts du film. Leur alchimie, déjà éprouvée dans des films comme Le Port de l'angoisse (To Have and Have Not, 1944) et Le Grand Sommeil (The Big Sleep, 1946), atteint ici un nouveau degré de complicité. Leur dialogue subtil et leur connexion palpable sont emblématiques du genre et offrent des moments de répit dans l'intrigue tendue.

Le film de Delmer Daves est également remarquable par sa galerie de personnages secondaires. Chaque figure semble avoir ses propres intentions, troubles et ambiguës, ce qui renforce l'atmosphère paranoïaque du récit. Le spectateur, comme Parry, ne sait jamais à qui faire confiance. Cette ambiguïté est typique des grands films noirs, où le bien et le mal ne sont jamais clairement définis et où chaque personnage peut basculer à tout moment.

La réalisation de Daves est exemplaire. Il maîtrise parfaitement le rythme du film, alternant moments de suspense, de calme et de tensions soudaines. Les séquences dans les rues de San Francisco, filmées avec un sens aigu du détail et du réalisme, offrent un cadre idéal pour cette course contre la montre. Le jeu des ombres, les éclairages expressionnistes et les cadrages serrés contribuent à créer une atmosphère oppressante, où chaque coin de rue, chaque visage croisé, peut représenter une menace.

NOTE : 16.20

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Et, parmi les acteurs non crédités :

12.90 - MON AVIS SUR LE FILM LA TETE CONTRE LES MURS DE GEORGES FRANJU


Vu le film (redécouverte) La Tête contre les Murs de Georges Franju (1959) avec Jean Pierre Mocky Pierre Brasseur Anouk Aimée Charles Aznavour Jean Galland Paul Meurisse Roger Legris Edith Scob Henri Poirier Jacques Seiler

Fils désœuvré d'un ténor du barreau, François Gérane tente, pour rembourser des dettes, de voler son père qui décide de le faire interner dans un asile à la campagne, où prévalent des méthodes hors d’âge. Seulement visité par Stéphanie, qu’il venait de rencontrer, François partage ses projets d’évasion avec Heurtevent. Une crise d’épilepsie de celui-ci met fin à leur tentative commune, mais son suicide donne à François l’occasion de s’évader au cours de l’enterrement. Bien qu’ayant trouvé un travail et une possibilité de logement à Paris, il se rend chez Stéphanie avec qui il passe la nuit, avant d’y être retrouvé par les infirmiers qui le ramènent à l’asile.

La tête contre les murs (1959), réalisé par Georges Franju, est une œuvre captivante qui plonge dans l'univers sombre de la folie et des institutions psychiatriques. Le film se distingue non seulement par sa mise en scène inquiétante, mais aussi par la force de ses personnages, magistralement incarnés par un casting de choix, dont Jean-Pierre Mocky, qui a également coécrit le scénario.

Mocky, dans le rôle de François, jeune homme révolté contre l'autorité paternelle, est un anti-héros complexe. Il se retrouve interné dans un asile psychiatrique après avoir défié son père, un homme rigide et conformiste. Ce lieu d'enfermement devient alors le théâtre d'une exploration fascinante de la folie, où la question de savoir qui est réellement fou — les pensionnaires ou ceux qui dirigent l'institution — est constamment posée. Franju joue subtilement avec cette ambiguïté, dépeignant les administrateurs et les médecins comme des figures inquiétantes, parfois plus dérangées que les patients qu'ils sont censés soigner.

Visuellement, La tête contre les murs est marqué par l’esthétique singulière de Franju, mélange de réalisme brut et de stylisation onirique. Les décors de l'asile, austères et oppressants, renforcent l'atmosphère de tension constante. On retrouve cette veine poétique et macabre qui traversait déjà ses œuvres précédentes comme Le Sang des bêtes (1949), où il dépeignait l'inhumanité dans des lieux clos. Ici, la folie est traitée avec une certaine distance, presque clinique, mais sans jamais perdre de vue l'humanité des personnages.

Le casting est irréprochable. Mocky, à la fois touchant et imprévisible, est soutenu par de grands noms du cinéma français. Charles Aznavour, dans le rôle d'un camarade interné, apporte une sensibilité délicate à son personnage, tandis que Anouk Aimée incarne une figure féminine énigmatique, accentuant la dimension poétique du film. Leurs performances apportent une intensité rare, brisant le confort habituel de ces acteurs et dévoilant une part plus brute de leur talent.

Franju parvient à instaurer une tension palpable tout au long du film, notamment grâce à sa mise en scène précise et ses cadrages soignés. L’asile devient presque un personnage à part entière, enfermant les protagonistes dans une prison mentale dont il semble impossible de s’échapper.

Le film soulève également des questions profondes sur la normalité, le libre arbitre et l'exercice du pouvoir. Qui a le droit de juger de la santé mentale d'un individu ? Cette interrogation résonne avec force tout au long du film, où les pensionnaires semblent parfois plus lucides que les médecins eux-mêmes.

La tête contre les murs est une œuvre essentielle du cinéma français des années 50. C'est un film qui interroge et bouscule, à travers une esthétique unique et des performances d’acteurs inoubliables. Franju, en mettant en lumière l'absurdité des systèmes institutionnels, signe ici un film à la fois profond, oppressant et terriblement humain. Un chef-d’œuvre qui continue de marquer les esprits.

NOTE : 12.90

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13.90 6 MON AVIS SUR LE FILM WEEK-END A ZUYDCOOTE (1964)


 Vu le film   Week-end à Zuydcoote de Henri Verneuil (1964) avec Jean Paul Belmondo Pierre Mondy Jean Pierre Marielle François Périer Catherine Spaak Georges Geret Ronald Howard Gérard Darrieu Pierre Collet

Du 28 mai au 3 juin durant la bataille de Dunkerque, sous les bombardements allemands, les troupes françaises et britanniques sont massées sur les plages de Zuydcoote en attendant leur embarquement pour l'Angleterre. Julien Maillat, jeune sergent-chef français, rencontre Jeanne, jeune femme retranchée dans sa maison.

Julien Maillat et sa bande : l’abbé Pierson, Dhéry et Alexandre partagent leur quotidien dans une ambulance abandonnée en attendant les ordres.

Week-end à Zuydcoote (1964) de Henri Verneuil est un film de guerre qui, bien qu’il ait été éclipsé par des œuvres plus récentes comme Dunkerque (2017) de Christopher Nolan, mérite d’être redécouvert pour son regard unique sur un épisode crucial de la Seconde Guerre mondiale : la bataille de Dunkerque. Là où Nolan s’est concentré sur la dimension épique et l’urgence de l’évacuation des troupes britanniques, Verneuil, lui, s’attache à montrer la désillusion des soldats français, souvent laissés pour compte dans les récits de cet événement historique.

Adapté du roman de Robert Merle, Week-end à Zuydcoote propose une perspective française sur l’évacuation de Dunkerque en 1940, en se concentrant sur la confusion, le chaos et l’abandon ressenti par les troupes françaises. Jean-Paul Belmondo incarne Julien Maillat, un soldat français bloqué sur les plages de Zuydcoote, qui tente désespérément de s’échapper tout en conservant un semblant de légèreté dans un contexte sombre et désespéré. Belmondo, avec son charisme et son naturel, injecte dans le film un ton plus léger et humain, contrastant avec l’horreur de la guerre qui l’entoure.

Le film de Verneuil excelle dans la mise en scène de ces moments de tension et d’attente entre les bombardements. Les décors, magnifiquement reconstitués, plongent le spectateur dans une ambiance oppressante où les plages, loin d’être un lieu de détente, deviennent un terrain de mort et de désespoir. La photographie est soignée, avec des plans larges qui capturent à la fois la beauté désolée des côtes françaises et la tragédie qui s’y joue. Les scènes de combat, bien que moins spectaculaires que celles de Dunkerque, sont marquées par un réalisme brut, soulignant la vulnérabilité des hommes face à la guerre.

Verneuil adopte un ton différent de Nolan, moins centré sur l’action mais plus introspectif. Il met en avant des personnages ordinaires, avec leurs doutes, leurs peurs et leurs moments d’humanité, plutôt que de se concentrer sur une dynamique purement héroïque. Le personnage de Maillat, interprété par Belmondo, symbolise cette humanité face à l’absurdité de la guerre. Il ne cherche pas à être un héros, mais simplement à survivre, tout en montrant parfois une touche d’insouciance qui allège la gravité des événements.

Là où Nolan a omis de véritablement montrer la résistance française, Week-end à Zuydcoote remet les soldats français au centre du récit. Il montre leur courage, mais aussi leur sentiment d’abandon par les Britanniques, qui se concentrent sur l’évacuation de leurs propres troupes. Cette différence de point de vue est cruciale, car elle apporte une nuance à la façon dont la bataille de Dunkerque est perçue dans l'imaginaire collectif. Si Nolan se focalise sur la solidarité britannique, Verneuil choisit de montrer les Français livrés à eux-mêmes, dans une lutte plus individuelle et souvent solitaire.

La dimension tragique du film est renforcée par l’interprétation de Belmondo, qui, malgré son charme naturel, ne peut échapper à la brutalité de la guerre. Le personnage de Maillat ne connaît pas une évolution héroïque, mais plutôt une lente désillusion, reflétant la réalité des soldats français qui ont dû faire face à un ennemi implacable tout en étant conscients que leur propre nation les abandonnait.

NOTE : 13.90

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Par ordre d'apparition dans le film

12.80 - MON AVIS SUR LE FILM DOGVILLE DE LARS VON TRIER (2003)


 Vu le film Dogville de Lars Von Trier (2003) avec Nicole Kidman James Caan Lauren Bacall Stellan Skarsgård Harriett Anderson Paul Bettany Jean Marc Barr Blair Brown Patricia Clarkson Jeremie Davis Ben Gazzara Philip Baker Gall Željko Ivanek John Hurt Chloée Sevigny Siobhan Fallon Hogan Udo Kier John Hurt

Dogville est un petit bourg américain d'une vingtaine d'habitants, dont quinze adultes, située dans les montagnes Rocheuses avec comme voie d'accès une unique route. Le film débute par un prologue dans lequel les habitants sont présentés comme des gens chaleureux dont les petits défauts sont faciles à pardonner.

La minuscule bourgade est présentée du point de vue de Tom (Paul Bettany), un écrivain en herbe qui tergiverse en essayant de réunir ses concitoyens à des réunions périodiques. Il est évident que Tom veut succéder à son père en tant que guide moral et spirituel de la ville.

Dogville (2003) de Lars von Trier est un film qui déroute et divise, mais qui ne laisse personne indifférent. Situé dans une petite ville américaine fictive, l’histoire se déroule dans un décor minimaliste qui s’apparente presque à une pièce de théâtre filmée, avec des lignes tracées à la craie pour délimiter les maisons et les rues, donnant l’impression que le film se joue sur une scène nue. Ce choix audacieux de mise en scène renforce l’idée que l’essentiel de Dogville ne réside pas dans l’esthétique, mais dans les dynamiques sociales et les tensions humaines qui animent le récit.

Le film suit Grace (incarnée par Nicole Kidman), une jeune femme en fuite qui cherche refuge dans la petite communauté isolée de Dogville. Elle se trouve vite confrontée à l’hypocrisie, l’oppression et la cruauté des habitants qui, sous couvert de bienveillance, abusent d’elle de manière progressive et brutale. Ce crescendo d’exploitation culminant dans le viol et la servitude fait écho à des thématiques sombres et universelles : l’abus de pouvoir, la soumission et la vengeance.

Ce qui rend Dogville particulièrement troublant, c’est la façon dont von Trier explore la nature humaine dans toute sa complexité et sa laideur. Les chapitres du film, qui fragmentent la narration en neuf parties, apportent une structure quasi-littéraire, presque froide, à un récit qui devient de plus en plus oppressant. Les spectateurs sont entraînés dans une spirale où l'injustice devient intolérable, ce qui contribue à un sentiment de malaise croissant tout au long du film.

Lars von Trier est un cinéaste controversé, connu pour ses déclarations polémiques et son comportement souvent déroutant. Cependant, son style provocateur se retrouve pleinement dans Dogville. Il évite les conventions cinématographiques traditionnelles, se servant de l’absence de décor comme d’une manière de révéler la brutalité de la situation humaine sans les distractions du superflu. Cette épuration visuelle rappelle le "Dogme 95", un mouvement dont il est cofondateur, et qui prône un cinéma dépouillé d’artifices.

Nicole Kidman, dans le rôle principal, livre une performance magistrale, tout en retenue et en douleur, symbolisant l’innocence sacrifiée et la femme en quête de justice. Sa présence lumineuse contraste violemment avec la noirceur des événements qu’elle endure. Le casting secondaire, notamment Paul Bettany, Stellan Skarsgård et Lauren Bacall, est tout aussi impressionnant, chaque personnage reflétant un aspect de l’oppression collective.

Il est difficile de ne pas envisager ce film sous le prisme des mouvements sociaux actuels, tels que #MeToo. Les abus subis par Grace, et la complicité passive de la communauté, résonnent avec les récits d’oppression et de silence forcé qui ont été révélés ces dernières années. Bien que Dogville ait été réalisé bien avant la montée de ce mouvement, il met en lumière des dynamiques de pouvoir et de soumission qui restent tristement d’actualité.

NOTE : 12.80

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7.20 - MON AVIS SUR LE FILM REBEL RIDGE DE JEREMY SAULNIER (2023)


 Vu le film (sur Netflix)  Rebel Ridge de Jeremy Saulnier (2023) avec Aaron Pierre AnnaSophia Robb David Dennam Don Johnson James Cromwell Emory Cohen James Badge Matthew Rimmer Terence Rosemore Steve Zissis Dana Lee

Un ancien Marine, se rendant dans la ville de Shelby Springs pour y déposer une caution pour faire libérer son cousin. Mais toutes les économies de Terry sont injustement saisies par la police locale dirigée par le chef corrompu, Sandy Burnne. Terry va cependant pouvoir compter sur l'aide de la greffière Summer McBride. Ils vont mettre à jour une vaste conspiration généralisée au sein de Shelby Springs. Terry va tout tenter pour récupérer l'argent de la caution

"Rebel Ridge" de Jeremy Saulnier se présente comme un film d'action solide, mais sans véritable profondeur, marquant une certaine déception pour les amateurs de son cinéma de genre habituellement plus audacieux. Saulnier, connu pour ses films comme "Green Room" et "Blue Ruin", a souvent su mêler violence brutale et tension palpable, tout en offrant une réelle réflexion sur ses personnages. Dans "Rebel Ridge", bien que les scènes d'action soient bien exécutées, le film semble manquer de la substance émotionnelle et narrative qui caractérise ses précédentes œuvres.

Le personnage principal, Terry Richmond, interprété par Aaron Pierre, se révèle particulièrement décevant sur le plan du charisme. Bien qu’il soit physiquement impressionnant et que sa présence visuelle soit indéniable, le personnage manque cruellement de profondeur émotionnelle ou de complexité psychologique. Son jeu se résume souvent à une expression stoïque qui, au lieu de traduire un silence lourd de sens, laisse plutôt une impression de vide. Ce manque de relief empêche le spectateur de s’investir pleinement dans son parcours, un point particulièrement frustrant dans un film où le protagoniste doit porter une grande partie de la tension.

L'absence de John Boyega, qui a quitté le film à la dernière minute, est ressentie comme une véritable perte. Boyega, avec sa présence magnétique et son intensité, aurait pu apporter la profondeur émotionnelle que Pierre ne parvient pas à insuffler. Boyega aurait probablement enrichi le personnage de Richmond, lui donnant une humanité plus tangible et des motivations plus nuancées. Sa capacité à exprimer des conflits internes aurait pu élever l'intrigue au-delà d'un simple film d'action.

Côté réalisation, Jeremy Saulnier reste un maître dans l’art de filmer la violence et de créer une atmosphère tendue. Les scènes d’action sont chorégraphiées avec précision, et Saulnier maintient une certaine maîtrise de la tension. Pourtant, malgré cela, "Rebel Ridge" manque de l'originalité et de la subversion qui faisaient la force de ses films précédents. Dans "Green Room, par exemple, il utilisait la violence comme un outil pour explorer des dynamiques de survie et de peur viscérale, tandis que dans "Rebel Ridge", elle apparaît parfois comme une fin en soi, sans réelle exploration sous-jacente des enjeux émotionnels ou moraux.

Le scénario, quant à lui, n’offre pas grand-chose de neuf. Les thèmes de la justice personnelle et de la corruption sont familiers, mais ici, ils ne sont pas traités avec l’intensité ou la profondeur qu’on aurait pu espérer. Le film reste fonctionnel en tant que thriller d’action, mais peine à se démarquer dans un genre saturé. On regrette également l’absence d’une réelle complexité dans les relations entre les personnages ou de dilemmes moraux marquants.

NOTE : 7.20

FICHE TECHNIQUE

  • Réalisation et scénario : Jeremy Saulnier
  • Musique : Brooke et Will Blair
  • Photographie : David Gallego
  • Décors : Ryan Warren Smith
  • Montage : Jeremy Saulnier
  • Direction artistique : Chris Craine et Jeremy Woosley
  • Production : Neil Kopp, Jeremy Saulnier, Vincent Savino et Anish Savjani
    • Production exécutive : Macon Blair et Louise Lovegrove
  • Sociétés de production : Bonneville Pictures et Film Science
  • Société de distribution : Netflix

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vendredi 13 septembre 2024

14.30 - MON AVIS SUR LE. FILM KEY LARGO DE JOHN HUSTON (1948)

Vu le film Key Largo de John Huston (1948) avec Humphrey Bogart Lauren Bacall Edward G.Robinson Claire Trevor Lionel Barrymore Thomas Gomez Harry Lewis John Rodney Marc Lawrence Dan Seymour Monte Blue

Frank McCloud se rend dans un hôtel vétuste de l'archipel des îles Keys en Floride que gère un vieil homme, James Temple, aidé par sa belle-fille Nora, veuve d'un ami de guerre de Frank.

L'hôtel est investi par Johnny Rocco et son gang en vue d'une transaction avec d'autres bandits (livraison de fausse monnaie). Très vite, Rocco et ses comparses prennent Frank, Temple et Nora en otage ; le huis-clos devient oppressant, avec un ouragan qui se déchaîne et provoque la nervosité de Rocco.

Rocco et les autres bandits qui ont été appelés par téléphone avant l'ouragan, et qui sont arrivés juste après l'ouragan dévastateur, ont accepté le marché des fausses monnaies. Rocco et tous les bandits ont appris ensuite qu'ils sont poursuivis par le shérif comme trafiquants. Rocco répond après au shérif-adjoint Rodney qui vient les voir à l'hôtel qu'il est un touriste qui s'appelle Martin et qui vient à l'hôtel pour une semaine de pèche. Rocco et les bandits qui sont poursuivis veulent fuir et prendre le seul bateau de l'île pour rejoindre Cuba, mais ils ont besoin de l'ancien commandant McCloud pour piloter et conduire le bateau.

Key Largo (1948) est un film noir inoubliable réalisé par John Huston, un véritable maître du genre. Il nous plonge dans un huis clos oppressant, un hôtel isolé sur une île de Floride, où la menace d’un ouragan à l’horizon vient renforcer la tension dramatique qui monte tout au long du film. Dès le début, on ressent l’isolement géographique des personnages, coincés dans cet espace restreint alors qu’une tempête approche, symbolisant la menace imminente qui plane non seulement sur la nature mais aussi sur les relations humaines.

L’intrigue prend une tournure sombre avec l’arrivée du gangster Johnny Rocco, interprété brillamment par Edward G. Robinson. Rocco et ses hommes prennent en otage les occupants de l'hôtel, dont Frank McCloud (joué par Humphrey Bogart) et Nora Temple (Lauren Bacall). Ce face-à-face entre Bogart et Robinson est saisissant : Bogart campe un homme au passé douloureux, un vétéran de guerre désabusé qui doit choisir entre se soumettre ou agir, tandis que Robinson incarne un criminel arrogant, magnétique et terrifiant. La tension entre les deux hommes ne cesse de croître, Huston orchestrant chaque échange avec une habileté remarquable.

La force de Key Largo réside aussi dans sa maîtrise du suspense psychologique. Huston n'a pas besoin de beaucoup d’action pour captiver le spectateur. Il utilise l’espace clos de l’hôtel, la menace de l’ouragan et surtout l’ambiance suffocante de la prise d'otages pour faire monter la pression. À travers un jeu de regards et de dialogues ciselés, Huston construit une atmosphère tendue où la violence, bien que souvent implicite, semble toujours prête à éclater.

Humphrey Bogart et Lauren Bacall, à la fin de leur mythique collaboration cinématographique, affichent une alchimie impeccable, bien que plus discrète que dans leurs films précédents. Bacall est particulièrement émouvante dans le rôle de Nora, une femme forte, marquée par la perte et cherchant à survivre dans ce contexte angoissant. Quant à Bogart, il incarne avec brio la retenue et la résilience, ce qui contraste magnifiquement avec l'exubérance brutale de Robinson.

Key Largo est une œuvre magistrale qui joue avec les codes du film noir en enfermant ses personnages dans un lieu où les enjeux moraux et psychologiques sont exacerbés. John Huston, en utilisant l'ouragan comme métaphore de la tourmente intérieure des protagonistes, signe un film d'une grande finesse, où chaque détail compte. Ce huis clos tendu est un joyau de cinéma qui illustre à la perfection l’âge d’or du film noir et la puissance de la mise en scène de Huston.

NOTE : 14.30

FICHE TECHNIQUE


DISTRIBUTION

Et, parmi les acteurs non crédités :