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mardi 12 janvier 2016

LA SEMAINE CINEMA DE CRITIQUE CHONCHON


Ce week-end au cinéma :
- "Beijing Stories" (Chine, France) de Pengfei Song, au coeur de la mégapole qu'est Pékin et de ses 23 millions d'habitants, le film propose une chronique urbaine sur les mutations de la ville, mutations violentes, architecturales, économiques, sociales, générant des solitudes. Le traitement de la verticalité de la ville, rêver de hauteur, travailler en surface, habiter dans les sous-sols, à travers 3 portraits, celui Xiao Yun (Ying Ze) jeune femme qui danse dans un bar mais qui rêve d'être secrétaire, celui de Yong Le (Luo Wenjie) qui ramasse les meubles des maisons des quartiers qui ont été rasés pour les revendre, celui de Lao Jin (Zhao Fuyu) qui refuse de vendre sa maison et son terrain aux promoteurs immobiliers... Sans pathos, très gracieux, empreint de mélancolie. La mutation du monde, une fois encore, décrite avec finesse.
- "Mistress of America" (USA) de Noah Baumbach ("Les Berkmam se séparent" en 2005, "Frances Ha" en 2012, "When we're young" en 2014), qui sur les traces de Cassavetes et Allen de cesse d'étudier l'immaturité d'une société étasunienne (à New York), film emporté par des dialogues dynamités, rythmés par l'abattage d'une Brooke "so hype !", trentenaire aussi drôle qu'agaçante (Greta Gerwig) en mentor de la jeune Tracy (Lola Kirk) qui vient d'entrer à l'université, toutes deux devant devenir demi-soeurs si leurs parents se marient. Film touffu sur les peurs d'une génération, désenchanté, mais pas pessimiste. Le film m'a paru inabouti, parfois brouillon, mais il n'en traite pas moins de sujets actuels intéressants.
- "Janis" (USA) de Amy Berg. Documentaire sur Janis Joplin, avec l'incroyable sourire, la mélancolie, les souffrances passées, la présence sur scène, et surtout la voix unique de cette chanteuse hors normes. Outre l'icône, ce sont les stigmates de l'adolescence qui sont intéressantes chez Janis Joplin : en effet, elles ne sont pas familiales (jamais ses parents aimants n'ont entravé ses désirs de devenir chanteuse), mais liées au fait que plutôt moche, "différente", marginale, elle fut moquée, isolée, parfois brimée, et donc solitaire. Les images d'archives du festival de Monterey, où Janis Joplin dans une tenue en laine pailletée chante devant Mama Cass sont magnifiques.
- "Arrêtez-moi là" (France) de Gilles Bannier (surtout connu par son travail de réalisateur de séries TV : "Reporters", "Engrenages", "Les beaux-mecs", "Paris"). Chronique d'une erreur judiciaire. Le film "ne fait pas semblant", c'est à dire qu'on connaît l'issue dès le début (romance incluse), ce qui a le mérite d'être honnête. D'un point de vue strictement cinématographique, rien de nouveau. Toutefois, il y a la façon dont est écrit (et joué par Reda Kateb) le personnage de la victime de cette erreur : il est aux antipodes de celui incarné par Philippe Torreton dans "Présumé coupable" de Vincent Garenq (2011), à savoir placide, presque froid, tout en colère rentrée à l'exception de quelques éclats de rage. En conséquence, le spectateur ne "s'identifie" pas, ce dont il a horreur en général, et qui est intéressant, distillant comme une gène insaisissable. Dans le rôle de son avocat, le choix de Gilles Cohen m'apparaît contestable, car il n'y a pas besoin d'un mauvais acteur pour jouer un mauvais avocat. Léa Drucker est très bien en mère de gamine kidnappée taiseuse. Erika Sainte est charmante mais fade. À la fin du film, point intéressant, arrive une sorte de "marchandisation" de la Justice, à la mode des USA, puisqu'il faudra indemniser la victime de l'erreur judiciaire. Arrive alors de Paris la spécialiste incarnée par une Stéphanie Murat qui joue très bien la tornade avide. Au final, ça reste un téléfilm, mais un téléfilm honorable.
- "Les 8 Salopards" (USA) de Quentin Tarantino. Sont ici convoqués Robert Aldrich, John Carpenter, Don Siegel, Sergio Corbucci & Ennio Morricone... Bien sûr aussi, Dostoïevski et son "Idiot" que Tarantino n'a pas tort de faire son livre de chevet pour essayer, film après film, de comprendre "l'identité" des USA. Pour le reste, je préfère m'en remettre à la passionnante Célia Sauvage et son nécessaire "Critiquer Tarantino est-il raisonnable ?". "Au fond, le véritable sujet d'intérêt des films de Tarantino est moins leur contenu et leur forme que Tarantino lui-même. Le réalisateur étasunien est son propre fonds de commerce, son propre acteur, son propre critique."

Par Critique Chonchon

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