Vu le film la Traversée de Paris de Claude Autant-Lara (1956) avec Jean Gabin Bourvil Louis de Funès Jeannette Batti Robert Arnoux Georgette Anys Myno Burney Laurence Badie Germaine Delbat Jacques Marin Hubert de Lapparent
Paris en
1942, lors de l'Occupation pendant
la Seconde Guerre mondiale. L'armée
allemande réquisitionne les immeubles, véhicules, biens et même
les vivres. La vie quotidienne des Français est donc difficile, car ceux-ci
doivent non seulement subir les conséquences de la défaite mais aussi la
présence de l'armée d'occupation.
Marcel Martin, un chauffeur de taxi au chômage, gagne sa
vie en livrant clandestinement des colis de nourriture de contrebande au marché
noir. Un soir, il est engagé pour transporter à pied et à l'autre
bout de la ville (plus précisément, de la rue
Poliveau à la rue Lepic)
quatre valises contenant les morceaux d'un cochon. Se
rendant dans la cave de son commanditaire, l'épicier Jambier, Martin y joue de
l’accordéon pendant que l’on débite l’animal.
*pour le défi les protagonistes passent par la Rue Lepic
La Traversée de Paris, réalisé par Claude Autant-Lara
en 1956, est une œuvre marquante du cinéma français, qui parvient avec
virtuosité à traiter une période sombre : l’Occupation allemande et ses
réalités, comme la pénurie, la délation et le marché noir. Inspiré de la nouvelle
de Marcel Aymé, le film s'aventure sur un terrain glissant pour l'époque,
risquant de raviver des souvenirs encore douloureux. Pourtant, Autant-Lara,
armé de la plume acérée d’Aurenche et Bost, réussit à transposer ces dilemmes
moraux dans une comédie dramatique poignante.
La mise en scène d'Autant-Lara révèle un Paris nocturne,
quasi désert, où chaque ruelle devient un potentiel piège . Le voyage
clandestin du duo formé par Grandgil (Jean Gabin) et Martin (Bourvil) à travers
les rues sombres et pavées de la ville capture à merveille l'ambiance
étouffante de la période, le danger omniprésent d’être surpris ou dénoncé. La
photographie en noir et blanc accentue le poids des ombres et rend Paris
inquiétant et intime à la fois. Ce décor authentique de la rue Poliveau jusqu’à
la rue Lepic devient ainsi un personnage à part entière, renforçant
l’impression d’un Paris cerné par l’oppression.
Les dialogues signés Aurenche et Bost incarnent à eux seuls
la force du film. À travers des répliques mordantes et des monologues
cinglants, ils dressent un portrait à la fois ironique et amer de la société
française sous l’Occupation. Gabin, Bourvil et un jeune Louis de Funès livrent
des performances inoubliables. Gabin incarne un Grandgil cynique, presque
aristocrate dans sa rébellion discrète, tandis que Bourvil, avec sa candeur et
son innocence, apporte une touche d'humanité qui émeut profondément. Le contraste
entre ces personnages dépeint subtilement le tiraillement entre survie et
morale, collaboration et résistance, où chacun tente de sauver sa peau sans
pour autant sombrer totalement dans l’ignominie.
L’ironie acérée d'Autant-Lara, manifestée à travers le
célèbre “C’est du cochon, mais pas de l’art,” sous-entend une critique acerbe
de la société prête à vendre son âme pour quelques tranches de viande. Le film
met en lumière les failles humaines sans jugement ni simplification, offrant un
équilibre rare entre humour noir et gravité. La Traversée de Paris
transcende ainsi son époque pour offrir un chef-d’œuvre intemporel, où chaque
scène et chaque mot révèlent une compréhension aiguë de la complexité de la
nature humaine en temps de crise.
NOTE : 15.10
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Claude Autant-Lara
- Assistante réalisateur : Ghislaine Autant-Lara
- Scénario et dialogue : Jean Aurenche et Pierre Bost, d'après la nouvelle éponyme de Marcel Aymé parue dans Le Vin de Paris
- Musique : René Cloërec
- Décors : Max Douy
- Costumes : André Brun (fourrures)
- Maquillage : Yvonne Fortuna
- Photographie : Jacques Natteau
- Son : René-Christian Forget
- Montage : Madeleine Gug
- Cadreur : Gilbert Chain
- Production : Henry Deutschmeister
- Direction de production : Yves Laplanche
- Sociétés de production : Franco London Films (France) ; Continentale Produzione (Italie)
- Société de distribution : Gaumont Distribution (France)
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