Vu le film La Chatte à Deux Têtes de Jacques Nolot (2002) avec Jacques Nolot Vittoria Scognamiglio Sébastien Viala Olivier Torres Lionel Goldstein Frédéric Longbois Jean Louis Coquery Fouad Zeraoui et quelques anonymes courageux (Interdit au moins de 18 ans)
Dans un cinéma pornographique de
Pigalle, une histoire d'amour alambiquée commence entre la caissière, le jeune
projectionniste et un homme d'une cinquantaine d'années
Le tournage a duré trois semaines, il
s'est déroulé dans l'ancien cinéma porno Le
Méry, situé place de Clichy1.
Plusieurs scènes diffusées sur l'écran de cinéma dans le film sont des extraits
de films pornographiques préexistants
La Chatte à deux têtes
(2002) de Jacques Nolot est une œuvre singulière et audacieuse qui explore des
zones rarement abordées au cinéma. Situé presque exclusivement dans un cinéma
porno gay de la place Clichy, le film brouille les frontières entre fiction,
autobiographie et documentaire. Nolot, à travers sa caméra crue et souvent
impitoyable, nous plonge dans un microcosme marginal et clandestin où les
spectateurs viennent chercher bien plus que des images érotiques : une
échappatoire temporaire à la solitude et à la vacuité de leur existence.
Ce lieu, presque un personnage à part
entière, devient le théâtre d’interactions brèves mais intenses, souvent
dénuées de véritable humanité. Les dialogues, minimalistes et parfois brutaux,
révèlent des personnages abîmés par la vie. Chacun vient ici pour des raisons
propres, mais un sentiment commun d'isolement et de désespoir les unit. Les
relations se limitent souvent à des échanges charnels sans lendemain, et les
rares conversations sont empreintes d’une mélancolie palpable.
Le choix de Nolot de montrer les corps
sans fard, dans leur vérité et parfois leur disgrâce, s’inscrit dans une
démarche artistique qui refuse l’embellissement ou l’artifice. Ce cinéma est un
espace de mise à nu, au propre comme au figuré, où l’on entrevoit des fragments
de vies souvent invisibles ou taboues. La mise en scène, quasi naturaliste, et
l’éclairage sombre participent à l’atmosphère oppressante et claustrophobique
du film.
En arrière-plan, le film questionne
subtilement le rapport des hommes à leur sexualité, à leur corps, et à la
vieillesse, un sujet particulièrement rare dans le cinéma contemporain. À
travers des détails épars, Nolot convoque ses souvenirs et ses propres
expériences en tant qu'habitué de ces lieux. Le spectateur est invité à devenir
témoin de ces instants de vérité brute, sans jugement ni filtre.
Cependant, La Chatte à deux têtes
n’est pas un film facile d’accès. Certains pourraient être rebutés par sa
frontalité ou par l’absence de véritable intrigue narrative. Nolot ne cherche
pas à séduire, mais à montrer. Le rythme, volontairement lent, amplifie le
sentiment de répétition et de vide, ce qui peut parfois créer une certaine
lassitude. Pourtant, c’est précisément dans cette monotonie et cette
authenticité que réside la force du film : il offre une fenêtre sur des
existences en marge, souvent ignorées ou méprisées.
L’une des particularités du film réside
dans l’absence quasi totale de femmes biologiques, bien qu’une présence féminine
transgenre soit suggérée à travers des personnages incarnant une autre forme de
féminité. Cela accentue l’idée d’un monde à part, un univers presque
exclusivement masculin, où les émotions sont cachées sous une façade de
virilité ou de détachement.
La Chatte à deux têtes
est une œuvre rare, à la fois crue et mélancolique, qui transcende le cadre du
cinéma porno pour devenir une méditation sur la solitude, le désir, et
l’humanité des marginaux. Nolot ne cherche pas à faire plaisir ni à adoucir son
propos, mais il réussit à capturer une vérité qui, pour certains, peut résonner
profondément. Un film exigeant, mais d’une sincérité désarmante.
NOTE : 11.10
FICHE TECHNIQUE
- Productrice : Pauline Duhault
- Scénario et Réalisatio,: Jacques Nolot
- Directeur de la photographie : Germain Desmoulins
- Chef décorateur : Patrick Durand
- Compositeur : Nino
- Monteuse : Sophie Reine
- Distributeur France : Mars Distribution
- Production : Elia Films
- Exportation/Distribution internationale : Mercure Distribution
- Vittoria Scognamiglio : la caissière
- Jacques Nolot : l'homme de 50 ans
- Sébastien Viala : le projectionniste
- Olivier Torres : l'homme à la robe jaune
- Lionel Goldstein : l'homme à l'imper noir / l'androgyne
- Frédéric Longbois : Yeux de braise / l'homme à l'éventail
- Fouad Zeraoui : le travesti/ l'homme qui a eu sa dose
- Jean-Louis Coquery : l'homme nu
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