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mardi 5 novembre 2024

15.10 - MON AVIS SUR LE FILM LA TRAVERSEE DE PARIS DE CLAUDE AUTANT LARA (1956)

 


Vu le film la Traversée de Paris de Claude Autant-Lara (1956) avec Jean Gabin Bourvil Louis de Funès Jeannette Batti Robert Arnoux Georgette Anys Myno Burney Laurence Badie Germaine Delbat Jacques Marin Hubert de Lapparent

Paris en 1942, lors de l'Occupation pendant la Seconde Guerre mondiale. L'armée allemande réquisitionne les immeubles, véhicules, biens et même les vivres. La vie quotidienne des Français est donc difficile, car ceux-ci doivent non seulement subir les conséquences de la défaite mais aussi la présence de l'armée d'occupation.

Marcel Martin, un chauffeur de taxi au chômage, gagne sa vie en livrant clandestinement des colis de nourriture de contrebande au marché noir. Un soir, il est engagé pour transporter à pied et à l'autre bout de la ville (plus précisément, de la rue Poliveau à la rue Lepic) quatre valises contenant les morceaux d'un cochon. Se rendant dans la cave de son commanditaire, l'épicier Jambier, Martin y joue de l’accordéon pendant que l’on débite l’animal.

*pour le défi les protagonistes passent par la Rue Lepic

La Traversée de Paris, réalisé par Claude Autant-Lara en 1956, est une œuvre marquante du cinéma français, qui parvient avec virtuosité à traiter une période sombre : l’Occupation allemande et ses réalités, comme la pénurie, la délation et le marché noir. Inspiré de la nouvelle de Marcel Aymé, le film s'aventure sur un terrain glissant pour l'époque, risquant de raviver des souvenirs encore douloureux. Pourtant, Autant-Lara, armé de la plume acérée d’Aurenche et Bost, réussit à transposer ces dilemmes moraux dans une comédie dramatique poignante.

La mise en scène d'Autant-Lara révèle un Paris nocturne, quasi désert, où chaque ruelle devient un potentiel piège . Le voyage clandestin du duo formé par Grandgil (Jean Gabin) et Martin (Bourvil) à travers les rues sombres et pavées de la ville capture à merveille l'ambiance étouffante de la période, le danger omniprésent d’être surpris ou dénoncé. La photographie en noir et blanc accentue le poids des ombres et rend Paris inquiétant et intime à la fois. Ce décor authentique de la rue Poliveau jusqu’à la rue Lepic devient ainsi un personnage à part entière, renforçant l’impression d’un Paris cerné par l’oppression.

Les dialogues signés Aurenche et Bost incarnent à eux seuls la force du film. À travers des répliques mordantes et des monologues cinglants, ils dressent un portrait à la fois ironique et amer de la société française sous l’Occupation. Gabin, Bourvil et un jeune Louis de Funès livrent des performances inoubliables. Gabin incarne un Grandgil cynique, presque aristocrate dans sa rébellion discrète, tandis que Bourvil, avec sa candeur et son innocence, apporte une touche d'humanité qui émeut profondément. Le contraste entre ces personnages dépeint subtilement le tiraillement entre survie et morale, collaboration et résistance, où chacun tente de sauver sa peau sans pour autant sombrer totalement dans l’ignominie.

L’ironie acérée d'Autant-Lara, manifestée à travers le célèbre “C’est du cochon, mais pas de l’art,” sous-entend une critique acerbe de la société prête à vendre son âme pour quelques tranches de viande. Le film met en lumière les failles humaines sans jugement ni simplification, offrant un équilibre rare entre humour noir et gravité. La Traversée de Paris transcende ainsi son époque pour offrir un chef-d’œuvre intemporel, où chaque scène et chaque mot révèlent une compréhension aiguë de la complexité de la nature humaine en temps de crise.

NOTE : 15.10

FICHE TECHNIQUE


DISTRIBUTION

Réalisation : Claude Autant-Lara
Assistante réalisateur : Ghislaine Autant-Lara
Scénario et dialogue : Jean Aurenche et Pierre Bost, d'après la nouvelle éponyme de Marcel Aymé parue dans Le Vin de Paris
Musique : René Cloërec
Décors : Max Douy
Costumes : André Brun (fourrures)
Maquillage : Yvonne Fortuna
Photographie : Jacques Natteau
Son : René-Christian Forget
Montage : Madeleine Gug
Cadreur : Gilbert Chain
Production : Henry Deutschmeister
Direction de production : Yves Laplanche
Sociétés de production : Franco London Films (France) ; Continentale Produzione (Italie)
Société de distribution : Gaumont Distribution (France)

14.20 - MON AVIS SUR LA SERIE DANS L'OMBRE DE PIERRE SCHOELLER (2024) SUR FRANCE 2

 


Vu la série sur (France2 ) Dans l’Ombre de Pierre Schoeller (2024) avec Karin Viard Melvil Poupaud Swann Arlaud Evelyne Brochu Philippe Uchan Sofian Khammes Eric Paradisi Baptiste Carrion-Weiss Maud Wyler Clara Antoons Boris Terral Muriel Combeau Catherine Salée

Adaptée d’un livre de Édouard Philippe et Gilles Boyer

Paul Francœur vient de remporter les primaires de son parti. Cette victoire lui permet de se lancer dans la campagne présidentielle. César Casalonga, son principal conseiller, doit éviter les attaques des autres candidats tout en gérant les tensions au sein de sa famille politique.

Dans l'Ombre, la série politique signée Pierre Schoeller et diffusée sur France 2, est une plongée en six épisodes dans les coulisses d’une élection présidentielle française, où manipulations et alliances se tissent dans l’ombre. Inspirée par un roman écrit par un homme politique de droite – un détail non négligeable pour l’ambiance de la série – Dans l'Ombre vise à montrer la course au pouvoir de l’intérieur, avec ses stratégies, ses intrigues et la férocité de ses acteurs. Cependant, bien qu’elle s’appuie sur une mise en scène soignée et d’excellents acteurs, elle laisse quelque peu le spectateur sur sa faim.

En effet, malgré la qualité de la réalisation de Schoeller, qui avait brillamment signé L’Exercice de l’Etat, et le talent indéniable de Swann Arlaud, Karin Viard, et Melvil Poupaud, la série manque de cette touche de férocité, de « trash », qui rendrait les personnages et les situations encore plus vraisemblables. Les séquences en coulisses sont parmi les meilleures du récit, mais l’intrigue reste un peu trop lisse et aseptisée, presque « bisounours » par moments, ce qui atténue le suspense et l’intensité de cette course au sommet.

Schoeller parvient à dresser un portrait intrigant des rouages de la politique française, avec des personnages souvent ambivalents, tiraillés entre leurs idéaux et leurs ambitions. Cependant, l’intrigue ne va pas assez loin dans la cruauté et les sacrifices, des éléments que l’on sait omniprésents dans les campagnes présidentielles réelles. On ressent une retenue qui, si elle peut séduire certains spectateurs, risque de laisser les amateurs de récits politiques un peu plus sombres et réalistes sur leur faim. Les meilleures séries politiques, comme Borgen ou House of Cards, sont celles qui n’hésitent pas à explorer sans concession l’avidité, la corruption et la trahison, éléments qui semblent ici plus nuancés qu’ils ne le seraient sans doute dans la réalité.

Dans l'Ombre accumule des éléments dramatiques qui finissent par alourdir l’intrigue sans lui permettre de creuser pleinement chaque arc narratif. Entre un candidat en fauteuil roulant, suite à un accident tragique, et la mort soudaine du président en exercice, la série semble vouloir jouer sur les émotions à travers des situations extrêmes. Cependant, ce choix de mélodrame multiple nuit à la crédibilité et à la cohérence de l’histoire. Cela disperse l’attention du spectateur et dilue l’impact émotionnel de chaque événement.

L’arc narratif du candidat handicapé aurait pu, à lui seul, ouvrir des perspectives fascinantes et rares dans le monde de la politique télévisée, en explorant, par exemple, les préjugés, les obstacles et la résilience d'un personnage en quête de pouvoir malgré son handicap. De même, la disparition du président en exercice offre un contexte riche pour une analyse des luttes de succession, des jeux d’influence et des rivalités brutales qui surgissent lors d’une vacance inattendue au sommet de l’État. Malheureusement, en tentant de cumuler ces deux pistes, la série ne parvient à rendre ni l’une ni l’autre pleinement convaincante.

Ce choix de narration paraît plus focalisé sur l’effet dramatique que sur une véritable exploration des enjeux de pouvoir. L’émotion, au lieu de servir le propos, devient parfois un artifice, ce qui rend plus difficile l’immersion dans l’univers politique. En fin de compte, ces éléments, au lieu de renforcer la tension de la série, semblent diluer son potentiel narratif et l'empêchent d’atteindre la profondeur souhaitée.

Avec seulement six épisodes, Dans l'Ombre peine également à approfondir les arcs narratifs et les relations complexes entre les personnages, ce qui limite leur impact. Si les interprétations de Swann Arlaud et de Melvil Poupaud sont impeccables et confèrent de la crédibilité aux enjeux politiques du récit, l’écriture semble contrainte par le format, compressée, sans le souffle nécessaire pour développer toutes les nuances des relations de pouvoir.

 Dans l'Ombre est une série bien réalisée, avec des acteurs convaincants et une mise en scène élégante, mais elle manque d’audace et d’authenticité pour véritablement captiver et immerger le spectateur dans l’âpreté du monde politique. Elle reste un exercice stylisé et réussi, mais en retrait par rapport aux réalités, parfois plus sordides et captivantes, de la politique française. Pour une série inspirée de la « vraie vie », la fiction semble ici moins prenante que la réalité.

NOTE : 12.10

DISTRIBUTION

  • Swann Arlaud : César Casalonga, conseiller politique de Paul Francœur

  • 12.10 - MON AVIS SUR LE FILM UN SILENCE DE JOAQUIM LAFOSSE (2023)

     


    le film Un Silence de Joaquim Lafosse (2024) avec Daniel Auteuil Emmanuelle Devos Mathieu Galoux Jeanne Cherhal Louise Chevillote Damien Bonnard Raphaelle Bruneau Karim Barras Nicolas Buysse Laurent Bozzi Larisa Baser

    Silencieuse depuis 25 ans, Astrid la femme d'un célèbre avocat voit son équilibre familial s'effondrer lorsque ses enfants se mettent en quête de justice.

    Produit distribué par Les Films du Losange

    Un Silence de Joaquim Lafosse plonge dans une atmosphère lourde et troublante, où le réalisateur de L’Élève Libre explore, comme à son habitude, des thèmes complexes et sensibles. Cette fois, Lafosse met en scène un huis clos psychologique, où une famille se trouve confrontée à un lourd secret. À travers les rôles d'Auteuil et de Devos, les tensions s'accumulent, révélant une ambivalence qui perturbe autant les personnages que le spectateur. La performance d’Auteuil incarne un patriarche ambigu, tiraillé entre la préservation de la famille et l'inavouable. Quant à Devos, son jeu traduit une vulnérabilité qui semble s'effriter au fil du récit. Le jeune Mathieu Galoux, dans un rôle difficile, parvient à s'intégrer au milieu de ces géants, offrant une performance tout en retenue et en finesse.

    Lafosse ne cherche pas à épargner son public. Au contraire, il expose une nature humaine complexe, parfois méprisable, sans jamais chercher à donner de réponses ou de jugements. Le choix de l'absence de prise de position peut cependant être dérangeant pour certains spectateurs. En refusant de guider notre empathie ou notre colère, le réalisateur nous abandonne face à notre propre interprétation, ce qui peut laisser une impression de malaise et d’inachevé. Cette neutralité, perçue par certains comme une forme de voyeurisme, oblige le spectateur à observer l’horreur et la bassesse des comportements sans perspective morale claire.

    La mise en scène de Lafosse, souvent minimaliste, renforce cette sensation d’étouffement et de malaise. On sent l’enfermement psychologique des personnages, accentué par des plans serrés et un silence oppressant. L’absence de musique dramatique permet à chaque respiration, chaque silence, de peser lourdement sur les scènes, laissant au spectateur le soin d’assimiler chaque révélation.

    Le film culmine dans un flash-back qui, bien que révélateur, laisse néanmoins un goût amer. Ce dénouement ne procure pas réellement de soulagement mais plutôt un sentiment d'injustice et de perdition, comme si le réalisateur nous invitait à observer la faillibilité humaine dans toute sa cruauté et son impuissance. Ce final peut frustrer : loin d'offrir une résolution, il semble se désintéresser de l'impact sur le spectateur, nous laissant seuls face à un abîme de non-dits et de questions sans réponses.

    Malgré des performances magistrales et une réalisation soignée, Un Silence demeure un film difficile à recommander, non seulement pour son sujet, mais aussi pour le regard implacable qu'il porte sur les êtres humains. Si l'on en ressort remué, ce n'est pas forcément avec un sentiment de catharsis, mais plutôt de trouble profond. C’est une œuvre exigeante, qui s'adresse à un public prêt à affronter une vision de l’humanité brute et sans filtre, loin de tout manichéisme.

    NOTE : 12.10

    FICHE TECHNIQE


    DISTRIBUTION

    Daniel Auteuil : François Schaar
    Emmanuelle Devos : Astrid Schaar, l'épouse de François
    Matthieu Galoux : Raphaël Schaar, le fils adoptif
    Jeanne Cherhal : le commissaire Colin
    Louise Chevillotte : Caroline, la fille de François et d'Astrid
    Nicolas Buysse : Gillet
    Karim Barras : Barras
    Larisa Faber : Christelle Guérin, mère de victime défendue par François
    Baptiste Sornin : Étienne Guérin, père de victime défendu par François
    Shann Case : Shan, un ami de Raphaël
    Massimo Riggi : le journaliste 1
    Colette Kieffer : la journaliste 2
    Elsa Rauchs : la journaliste 3
    Jonas Wertz : le journaliste 4
    Ismaël Michiels : Ismaël
    Damien Bonnard : Pierre, victime de François
    Magali Pinglaut : l'avocate de François Schaar
    Laure Hemmer : la bâtonnière
    Raphaëlle Bruneau : Madame Sautiaux