Vu le film Les Barbares de Julie Delpy (2024) avec Julie Delpy Albert Delpy Sandrine Kiberlain Laurent Laffite India Hair Ziad Bakri Rita Hayek Fares Helou Mathieu Demy Emile Gavois-Kahn Monsieur Fraize
À Paimpont,
en Bretagne,
on prépare l'accueil d’une famille de réfugiés ukrainiens. Toutefois la
personne à l'origine de ce projet doit bientôt expliquer au maire qu'en raison
de la « pénurie » d’Ukrainiens parmi les réfugiés, la préfecture a
pris sur elle de leur envoyer une famille originaire de Syrie
Avec Les Barbares, Julie Delpy semble vouloir
s’aventurer hors de son terrain habituel, celui du cinéma romantique et
introspectif, pour aborder un sujet brûlant : les fractures sociales et
politiques de la société contemporaine. Malheureusement, cette tentative
ambitieuse tombe rapidement dans les travers qu’elle semble vouloir dénoncer,
en accumulant plus de clichés que de nuances, au point de désespérer même les
admirateurs de son talent.
L’histoire suit un groupe hétéroclite de personnages,
dont des migrants fraîchement arrivés, une famille française dysfonctionnelle
et une jeune femme lesbienne cherchant sa place dans ce chaos. Delpy semble
vouloir conjuguer satire sociale et réflexion sur les stéréotypes, mais le film
échoue à trouver son équilibre. Loin de proposer un regard acéré et original
sur ces thématiques, Les Barbares enchaîne des scènes où chaque
personnage est réduit à une caricature : les Français sont presque uniformément
racistes et obtus, les migrants sont des victimes idéalisées, et la
"lesbienne de service" semble n’être là que pour cocher une case dans
un scénario trop calculé.
Le problème principal réside dans l’écriture. Les
dialogues, souvent trop explicites et moralisateurs, manquent de subtilité, ce
qui alourdit le propos et empêche toute véritable immersion. Plutôt que de
laisser les situations parler d’elles-mêmes ou de faire confiance à
l’intelligence du spectateur, le film martèle son discours jusqu’à
l’épuisement. Il devient rapidement difficile de distinguer si Delpy cherche à réaliser
un film politique sérieux ou une parodie grinçante des œuvres engagées, tant
les préjugés qu’elle aligne finissent par desservir son intention.
Malgré ces défauts, le film n’est pas entièrement
dépourvu de qualités. Julie Delpy reste une réalisatrice talentueuse, et
certains moments laissent entrevoir ce qu’aurait pu être Les Barbares
avec un traitement plus nuancé. La mise en scène est soignée, et quelques
scènes parviennent à capturer un certain réalisme dans les tensions sociales
qu’elles décrivent. Mais ce sont des éclairs dans une œuvre globalement
maladroite.
Albert Delpy, père de la réalisatrice, apporte une
bouffée d’air frais dans un film par ailleurs pesant. Bien que son rôle soit
mineur, ses répliques cyniques et pleines de mordant sur la société moderne
font mouche. Il incarne une sorte de contrepoint au reste du film, rappelant
que l’humour noir et le second degré peuvent parfois exprimer plus de vérités
que les discours trop appuyés. Ses apparitions donnent au spectateur un répit
bienvenu et laissent entrevoir le talent de Julie Delpy pour écrire des personnages
plus complexes et ambivalents.
Les Barbares
déçoit, non pas parce qu’il s’attaque à des sujets difficiles, mais parce qu’il
les traite avec une lourdeur qui étouffe l’émotion et la réflexion. Ce n’est ni
un film politique percutant ni une satire pleinement assumée, mais un mélange
bancal des deux. Ceux qui aiment Julie Delpy pour sa sensibilité et son regard
incisif sur les relations humaines risquent de regretter qu’elle se soit
éloignée de ce qui fait sa force pour livrer une œuvre aussi brouillonne.
Peut-être qu’avec un scénario retravaillé, laissant
davantage de place à la subtilité et à la complexité des personnages, Les
Barbares aurait pu être une belle réussite. En l’état, c’est une œuvre
frustrante, mais qui rappelle tout de même que Delpy reste une réalisatrice
avec des idées et une voix, même si cette fois, elle n’a pas su les exprimer
pleinement.
NOTE : 8.10
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Julie Delpy
- Scénario : Julie Delpy, Matthieu Rumani et Nicolas Slomka, en collaboration avec Léa Doménach
- Musique : Philippe Jakko
- Décors : Quentin Millot
- Costumes : Amandine Cros
- Photographie : Georges Lechaptois
- Son : Victor Praud, Julien Sicart et Tristan Pontécaille
- Montage : Camille Delprat
- Production : Michaël Gentile
- Sociétés de production : The Film, en coproduction avec Le Pacte, en association avec 6 SOFICA
- Sociétés de distribution : Le Pacte (France) ; Athena Films (Belgique)
- Pays de production : France
- Julie Delpy : Joëlle
- Sandrine Kiberlain : Anne Poudoulec
- Laurent Lafitte : Hervé Riou
- Ziad Bakri : Marwan
- Jean-Charles Clichet : Sébastien Lejeune
- India Hair : Géraldine Riou
- Dalia Naous : Louna
- Mathieu Demy : Philippe Poudoulec
- Monsieur Fraize : Johnny Jannou
- Émilie Gavois-Kahn : Marylin Legall
- Albert Delpy : Yves Auteuil
- Brigitte Roüan : Jacqueline Moulin
- Rita Hayek : Alma Fayad
- Fares Helou : Hassan Fayad
- Ninar : Dina Fayad
- Adam : Wael Fayad
- Daniel Morin : Didier Legall
- Maxime Bergeron : Théo Legall
- Franc Bruneau : Le réalisateur reportage
- Dimitris Birbilis : Elias
- Walid Ben Mabrouk : Madjid
- Nathaël Cheminel : Bertrand
- Louis Bellec]: Gwendal Riou
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