Vu le film Le Verdict de Sidney Lumet (1982) avec Paul Newman Charlotte Rampling James Mason Jack Warden Burt Harris James Handy Roxanne Hart Ed Binns
Frank Galvin, un avocat américain
déchu à la suite d'une affaire judiciaire qui a mal tourné, a trouvé refuge
dans l'alcool faute de clients. Jusqu'au jour où son vieil ami et partenaire,
Mickey Morrissey, lui propose de briser cette mauvaise passe en s'occupant d'un
dossier pénal facile, qui s'oriente vers une transaction à l'amiable.
Sidney Lumet, maître incontesté du film
de procès, revient ici à son domaine de prédilection avec Le Verdict (1982), un
drame judiciaire intense porté par une prestation magistrale de Paul Newman.
Contrairement à son chef-d’œuvre précédent, 12 Angry Men, où l’intrigue se
concentrait sur les jurés enfermés dans une pièce, Lumet adopte cette fois-ci
un angle différent : il nous plonge au cœur d’un procès complexe à travers le
regard d’un avocat brisé, Frank Galvin, qui lutte non seulement contre le
système judiciaire corrompu, mais aussi contre ses propres démons.
Paul Newman incarne Frank Galvin, un
avocat autrefois brillant mais désormais miné par l’alcoolisme et la solitude.
Dès les premières scènes, on découvre un homme au fond du gouffre, acceptant
des petites affaires sans envergure pour survivre. Galvin n’a plus rien à
perdre, et lorsqu’une affaire apparemment simple lui est confiée — celle d’une
femme dans le coma à la suite d’une erreur médicale —, il voit là une chance de
se racheter, non seulement aux yeux de la société, mais surtout envers
lui-même. Newman livre une performance d’une rare intensité, jouant avec une
sobriété remarquable, oscillant entre vulnérabilité et détermination.
Si le début du film peut sembler lent,
c’est une lenteur calculée, servant à établir l’état d’esprit du personnage
principal et à poser les bases d’un procès qui va progressivement se
transformer en un véritable champ de bataille. Dès que le procès commence,
Lumet nous entraîne dans un affrontement où les coups bas fusent des deux côtés
: la défense, représentée par un cabinet d’avocats puissant et retors, use de
toutes les manœuvres possibles pour discréditer Galvin et ses témoins. Mais
Galvin, loin de se laisser abattre, s’accroche avec une ténacité admirable.
Le juge, incarné par Milo O’Shea, est
un obstacle supplémentaire. Partisan évident de la défense, il multiplie les
décisions partiales et les remarques méprisantes à l’encontre de Galvin,
rendant son combat encore plus difficile. Lumet, fidèle à son style réaliste et
direct, filme ces affrontements avec une grande sobriété, mettant l’accent sur
les dialogues et les regards, plutôt que sur des effets spectaculaires. Le
spectateur se retrouve ainsi immergé dans l’ambiance tendue et oppressante de
la salle d’audience, où chaque témoignage, chaque objection, peut changer
l’issue du procès.
Le véritable enjeu du film n’est pas
seulement de savoir si Galvin va gagner ou perdre, mais de voir jusqu’où il est
prêt à aller pour défendre la vérité. Lumet explore ici des thèmes profonds :
la corruption, la rédemption, et la quête de justice dans un monde où celle-ci
semble inaccessible. Le personnage de Galvin devient peu à peu une figure
tragique et héroïque, luttant contre un système bien trop puissant pour lui.
L’intensité dramatique culmine dans les
scènes de plaidoirie finale, où Galvin, malgré l’épuisement et les échecs
accumulés, parvient à toucher quelque chose d’essentiel : l’humanité des jurés.
Sa voix tremblante, son regard fatigué, et son discours sincère forcent le
respect et suscitent l’émotion. On comprend alors que, pour Galvin, il ne
s’agit plus seulement de gagner un procès, mais de retrouver sa dignité.
Lumet, fidèle à son style, adopte une
mise en scène discrète, presque invisible, qui sert toujours l’histoire et les
personnages. Les décors sont minimalistes, et la caméra, souvent statique, se
concentre sur les visages, captant chaque nuance d’émotion. Cette sobriété
confère au film une puissance rare : pas de musique emphatique ni de scènes
inutiles, seulement la vérité crue d’un combat judiciaire.
Outre Paul Newman, dont la performance
fut saluée par une nomination aux Oscars, le reste du casting est également
impeccable. Jack Warden, dans le rôle de l’ami et mentor de Galvin, apporte une
touche de chaleur et de soutien, tandis que James Mason, en avocat de la
défense implacable, incarne à merveille l’arrogance et la froideur d’un système
qui ne recule devant rien pour gagner. Charlotte Rampling, quant à elle, joue
un rôle ambigu et crucial, symbolisant la trahison et la manipulation dans un
monde où les alliances sont fragiles.
Le Verdict est bien plus qu’un simple
film de procès. C’est une œuvre introspective sur la chute et la rédemption
d’un homme, un plaidoyer pour une justice humaine dans un univers impitoyable.
Malgré un début lent, l’intrigue s’intensifie progressivement pour offrir une
expérience captivante, où la tension ne cesse de croître jusqu’à un dénouement
poignant.
Sidney Lumet prouve une fois de plus
qu’il maîtrise l’art de transformer une simple affaire judiciaire en un drame
humain universel. Le Verdict est une œuvre grandiose, portée par un scénario
intelligent, une mise en scène épurée, et une performance inoubliable de Paul
Newman. Un film qui laisse une empreinte durable, nous rappelant que la quête
de justice est un combat personnel autant que collectif.
NOTE : 15.10
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Sidney Lumet
- Scénario : David Mamet et Barry Reed (en), d'après le roman du même nom de Barry Reed (en)
- Musique : Johnny Mandel
- Photographie : Andrzej Bartkowiak
- Montage : Peter C. Frank (de)
- Décors : Edward Pisoni
- Costumes : Anna Hill Johnstone
- Production : Richard D. Zanuck et David Brown
- Société de production : Twentieth Century Fox
- Paul Newman (VF : Marc Cassot) : Frank Galvin
- Charlotte Rampling (VF : elle-même) : Laura Fisher
- Jack Warden (VF : Philippe Dumat) : Michael Morrisset
- James Mason (VF : Georges Aminel) : Ed Concannon
- Milo O'Shea (VF : Roger Carel) : le juge Hoyle
- Lindsay Crouse (VF : Marie-Christine Darah) : Kathleen Costello
- Ed Binns (VF : Jean-Claude Michel) : l'évêque Brody
- Julie Bovasso (VF : Paule Emanuele) : Maureen Rooney
- Roxanne Hart (VF : Catherine Lafond) : Sally Doughney
- James Handy (VF : Bernard Murat) : Kevin Doughney
- Wesley Addy (VF : Roland Ménard) : le docteur Towler
- Joe Seneca (VF : Robert Liensol) : le docteur Thompson
- Lewis J. Stadlen (en) (VF : Mario Santini) : le docteur Grubber
- Kent Broadhurst (VF : Jean-Pierre Leroux) : Joseph Alito
- Bruce Willis : un spectateur du procès
- Tobin Bell : un spectateur du procès
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire