Vu le film Section Spéciale de Costa Gavras (1975) avec Michel Galabru Jacques Perrin Louis Seigner Claude Pièplu Jean Bouise Roland Bertin Bruno Crémer François Maistre Michael Lonsdale Pierre Dux Romain Bouteille Yves Robert Thérèse Liotard Yves Montand
Avec Section spéciale (1975),
Costa-Gavras livre une nouvelle œuvre magistrale, poursuivant son exploration
des mécanismes du pouvoir et de l'injustice après le succès retentissant de Z
(1969). Si ce dernier dénonçait la dictature militaire en Grèce, son pays
d’origine, Section spéciale s’attaque cette fois à une page sombre de
l’histoire française : la collaboration judiciaire sous le régime de Vichy.
Gavras plonge dans les arcanes d’une justice dévoyée, cyniquement mise en place
pour répondre aux exigences de l’occupant nazi.
Le film raconte comment, après un
attentat contre des soldats allemands, le gouvernement de Vichy, sous pression
de l’occupant, organise une parodie de justice à travers une "section
spéciale", composée de magistrats français issus des plus hautes sphères
de la magistrature. Ceux-ci, sous couvert de légalité, vont condamner à mort
des innocents pris au hasard parmi des détenus politiques, des résistants et
même de simples citoyens, pour satisfaire la soif de vengeance des nazis et
préserver leur position au sein de l’appareil d’État.
Costa-Gavras adopte un style froid,
rigoureux et clinique, évitant toute forme de pathos ou d’emphase inutile. La
mise en scène est austère mais d’une précision implacable, à l’image des procès
expéditifs et absurdes qui s Se déroulent sous nos yeux. Cette sobriété renforce
l’impact émotionnel du film, car la monstruosité de la situation découle
précisément de sa banalité administrative et bureaucratique. Il ne s’agit pas
d’un déchaînement de violence physique, mais d’une violence institutionnelle
glaciale, perpétrée par des hommes qui se considèrent comme des serviteurs
zélés de la loi.
Là où Costa-Gavras excelle, c’est dans
sa capacité à nous immerger dans cet univers étouffant, où chaque décision
semble dictée par la peur et l’opportunisme. Les dialogues ciselés et les
scènes de débat entre magistrats montrent la lâcheté morale qui prévaut sous
couvert de légalité. Ce n’est pas la barbarie brute qui effraie ici, mais bien
la manière dont des hommes "respectables" justifient l’injustifiable,
drapés dans leur fonction.
Le choix du casting contribue
grandement à la puissance du film. Costa-Gavras a rassemblé une véritable
constellation de seconds rôles du cinéma français des années 70 : Michel
Galabru, impressionnant en prétendant à la plus haute marche en magistrat
désabusé ; Jacques Perrin, dans un rôle de jeune avocat idéaliste ; Claude
Piéplu, parfait dans son interprétation d’un bureaucrate rigide et servile ;
Bruno Cremer, tout en retenue et en ambiguïté ; sans oublier François Maistre
et Michael Lonsdale, qui incarnent avec brio la froide mécanique
administrative. Aucun de ces acteurs n’éclipse les autres, car ici, l’important
n’est pas l’individu, mais le collectif. Il s’agit d’un chœur tragique, où
chacun joue sa partition au service d’un système impitoyable.
Ce qui donne le tournis, c’est la
manière dont Gavras met en lumière cette logique implacable et glaçante d’une
justice dévoyée. Loin de tout manichéisme, il ne présente pas ces magistrats
comme des monstres, mais comme des hommes ordinaires, incapables de résister au
poids des circonstances. La grande force de Section spéciale réside dans
cette vision nuancée et complexe des personnages, qui reflète une réalité
historique tragique : la collaboration n’a pas été le fait de marginaux ou de
psychopathes, mais de citoyens ordinaires, mus par la peur, l’ambition ou la
simple volonté de maintenir un semblant d’ordre.
Section spéciale
est une claque monumentale, un film politique d’une rare intensité, servi par
une mise en scène implacable et un casting exceptionnel. Costa-Gavras nous
rappelle ici, avec une pertinence toujours actuelle, que l’injustice la plus
terrible peut se draper des habits de la légalité. Un chef-d’œuvre du cinéma
engagé, qui mérite d’être redécouvert et médité.
A la Libération aucun de ses
magistrats ne sera poursuivis
Toujours la raison d’Etat
NOTE : 16.10
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Costa-Gavras, assisté de Denys Granier-Deferre et Jean-Michel Lacor
- Scénario : Costa-Gavras et Jorge Semprún, d'après L'Affaire de la Section Spéciale de Hervé Villeré
- Décors : Max Douy
- Costumes : Hélène Nourry
- Photographie : Andréas Winding
- Son : Harald Maury et Jacques Maumont
- Montage : Françoise Bonnot
- Musique : Éric Demarsan
- Production : Gérard Crosnier (exécutif), Jacques Perrin, Giorgio Silvagni (producteurs) et Claude Heymann (associé)
- Sociétés de production : Reggane Films, Les Productions Artistes Associés, Goriz Films et Janus Film
- Société de distribution : Les Artistes Associés (France)
- Pays de production : France, Italie et Allemagne de l'Ouest
- Langues originales : français, anglais et allemand
- Format : couleur (Eastmancolor) - 35 mm - 1,66:1 - son mono
- Genre : drame historique
- Durée : 110 minutes
Hommes politiques et hauts fonctionnaires
- Michael Lonsdale : Pierre Pucheu, le ministre de l'Intérieur
- Louis Seigner : Joseph Barthélemy, le garde des Sceaux
- François Maistre : Fernand de Brinon, le délégué général du gouvernement français dans les territoires occupés
- Roland Bertin : Georges Dayras, le secrétaire général du ministère de la Justice
- Ivo Garrani : l'amiral François Darlan, vice-président du Conseil
- Henri Serre : le préfet Jean-Pierre Ingrand, délégué du ministère de l'Intérieur en zone occupée
- Pierre Risch : Lucien Romier, un ministre d'État
- Hugh Morton : l'amiral William Leahy, l'ambassadeur des États-Unis
- Rick Neilan : l'assistant de l'ambassadeur des États-Unis
- René Eyrouk : José Félix de Lequerica, l'ambassadeur d'Espagne
- Jean-Marie Robain : le général Jean Bergeret, secrétaire d'État à l'Aviation
- Henri Marteau : Henry du Moulin de Labarthète, le directeur du cabinet civil du maréchal Pétain
Magistrats et avocats
- Pierre Dux : Raoul Cavarroc, le procureur général
- Jacques François : Maurice Gabolde, le procureur de l'État français
- Claudio Gora : Francis Villette, le premier président de la cour d'appel
- Claude Piéplu : Michel Benon, le président de la Section spéciale
- Jacques Perrin : Me Roger Lafarge, l'avocat d'Abraham Trzebrucki
- Michel Galabru : le président Jean CournetNote 3
- Julien Guiomar : le substitut général Maurice Tetaud, le « réfractaire »
- Jean Bouise : René Linais, le conseiller
- Hubert Gignoux : Maurice Cottin, le juge « en noir »
- Julien Bertheau : l'avocat général Victor Dupuich, chef du Service central du Parquet
- Jacques Ouvrier : Robert Baffos, le conseiller
- Alain Nobis : Paul Larricq, le conseiller
- Jean Champion : l'avocat général Léon Guyenot
- Maurice Teynac : le substitut général Lucien Guillet
- Robert Benoit Me Jacquinot, l'avocat de Léon Redondeau
- Gilbert Brandini : Me Yung, l'avocat de Lucien Sampaix
- Jean-François Gobbi : Me Roger Hild, l'avocat de Bernard Friedmann
- Patrick Lancelot : Me Girbouille, l'avocat d'André Bréchet
- Jean-Pierre Miquel : MeAlec Mellor, l'avocat d'Émile Bastard
- Louis Daquin : le bâtonnier Étienne Carpentier du Barreau de Paris
- Claude Vernier : le président Baudry de la douzième Chambre du Tribunal de la Seine
- Jacques MathouNote 4 : Me Montillot, l'avocat d'Octave Lamand
- Patrick FeigelsonNote 4 : un avocat
Les Allemands
- Heinz Bennent : le major Boemelburg
- Hans Richter : le général Otto von Stülpnagel, Militärbefehlshaber
- Romain Bouteille : le sergent Hans Gerecht, tankiste allemand dans le métro
- Daniel Breton : l'aspirant auxiliaire de la Marine Alfons Moser
- Dagmar Heller : la secrétaire du major Boemelburg
- Willy Schultes : Dr Jonathan Schmid, chef de l'état-major d'administration
Les Résistants
- Jacques Spiesser : Pierre Georges, dit Frédo (plus tard le colonel Fabien)
- Patrick Raynal : Pierre, le résistant porte-drapeau
- Michel Caccia : un résistant
- Denis Le Guillou : Henri Gautherot, un des deux manifestants exécutés
- Jean-Gabriel Nordmann : Robert Gueusquin, le résistant citant Engels et accompagnant Frédo au métro
- Pierre-François Pistorio : un résistant
- Nathalie Roussel : une résistante
- Gilles Tamiz : Samuel Tyszelman, un des deux manifestants exécutés
- Yves Wecker : Fernand Zalkinow, un résistant accompagnant Frédo au métro
- Éric Laborey : Gilbert Brustlein, le résistant qui aide Frédo au métro
- Didier Albert : un résistant
- Carole Lange : une résistante
Les prévenus
[modifier | modifier le code]- Bruno Cremer : Lucien Sampaix, le journaliste ancien secrétaire général de L'Humanité
- Yves Robert : Émile Bastard, l'un des condamnés à mort
- Jean-Denis Robert : Émile Bastard jeune
- Guy Rétoré : André Bréchet, l'un des condamnés à mort
- Jacques Rispal : Abraham Trzebrucki, l'un des condamnés à mort
- Éric Rouleau : Bernard Friedmann
- Guy Mairesse : Léon Redondeau
Autres rôles
[modifier | modifier le code]- Yvon Leenart : le chef d'orchestre
- Vincent Darconat : un chanteur d'opéra
- André Simon : un chanteur d'opéra
- Jacques Mars : un chanteur d'opéra
- Jacques Monnet : l'annonceur de l'opéra
- Eva Simonet : Marguerite-Marie, la fille et secrétaire du garde des Sceaux
- Claude-Emile Rosen : le vieux monsieur en fauteuil roulant lors de la manifestation
- Nicole Desailly : la compagne du bourreau
- Serge Marquand : André Obrecht, le premier adjoint de l'Exécuteur
- Maurice Dorléac : Jules-Henri Desfourneaux, l'Exécuteur en chef des arrêts criminels
- Maurice Baquet : Marcel Parinet, un secrétaire du Parquet général
- Bernard Zacharias
- William Sabatier : le fonctionnaire de la préfecture
- Rachel Salik : la mère de Me Lafarge
- János Gönczöl : le père de Me Lafarge
- Thérèse Liotard : la sœur de Me Lafarge
- Fanny Delbrice : la compagne du président Benon
- Roland Monod : le commissaire René de la Brigade Spéciale No 2 procédant à l'interrogatoire de Bréchet
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