Pages

jeudi 16 janvier 2025

16.10 - MON AVIS SUR LE FILM SECTION SPECIALE (1975)


 Vu le film Section Spéciale de Costa Gavras (1975) avec  Michel Galabru Jacques Perrin Louis Seigner Claude Pièplu Jean Bouise Roland Bertin Bruno Crémer François Maistre Michael Lonsdale Pierre Dux Romain Bouteille Yves Robert Thérèse Liotard Yves Montand

Avec Section spéciale (1975), Costa-Gavras livre une nouvelle œuvre magistrale, poursuivant son exploration des mécanismes du pouvoir et de l'injustice après le succès retentissant de Z (1969). Si ce dernier dénonçait la dictature militaire en Grèce, son pays d’origine, Section spéciale s’attaque cette fois à une page sombre de l’histoire française : la collaboration judiciaire sous le régime de Vichy. Gavras plonge dans les arcanes d’une justice dévoyée, cyniquement mise en place pour répondre aux exigences de l’occupant nazi.

Le film raconte comment, après un attentat contre des soldats allemands, le gouvernement de Vichy, sous pression de l’occupant, organise une parodie de justice à travers une "section spéciale", composée de magistrats français issus des plus hautes sphères de la magistrature. Ceux-ci, sous couvert de légalité, vont condamner à mort des innocents pris au hasard parmi des détenus politiques, des résistants et même de simples citoyens, pour satisfaire la soif de vengeance des nazis et préserver leur position au sein de l’appareil d’État.

Costa-Gavras adopte un style froid, rigoureux et clinique, évitant toute forme de pathos ou d’emphase inutile. La mise en scène est austère mais d’une précision implacable, à l’image des procès expéditifs et absurdes qui s Se déroulent sous nos yeux. Cette sobriété renforce l’impact émotionnel du film, car la monstruosité de la situation découle précisément de sa banalité administrative et bureaucratique. Il ne s’agit pas d’un déchaînement de violence physique, mais d’une violence institutionnelle glaciale, perpétrée par des hommes qui se considèrent comme des serviteurs zélés de la loi.

Là où Costa-Gavras excelle, c’est dans sa capacité à nous immerger dans cet univers étouffant, où chaque décision semble dictée par la peur et l’opportunisme. Les dialogues ciselés et les scènes de débat entre magistrats montrent la lâcheté morale qui prévaut sous couvert de légalité. Ce n’est pas la barbarie brute qui effraie ici, mais bien la manière dont des hommes "respectables" justifient l’injustifiable, drapés dans leur fonction.

Le choix du casting contribue grandement à la puissance du film. Costa-Gavras a rassemblé une véritable constellation de seconds rôles du cinéma français des années 70 : Michel Galabru, impressionnant en prétendant à la plus haute marche en magistrat désabusé ; Jacques Perrin, dans un rôle de jeune avocat idéaliste ; Claude Piéplu, parfait dans son interprétation d’un bureaucrate rigide et servile ; Bruno Cremer, tout en retenue et en ambiguïté ; sans oublier François Maistre et Michael Lonsdale, qui incarnent avec brio la froide mécanique administrative. Aucun de ces acteurs n’éclipse les autres, car ici, l’important n’est pas l’individu, mais le collectif. Il s’agit d’un chœur tragique, où chacun joue sa partition au service d’un système impitoyable.

Ce qui donne le tournis, c’est la manière dont Gavras met en lumière cette logique implacable et glaçante d’une justice dévoyée. Loin de tout manichéisme, il ne présente pas ces magistrats comme des monstres, mais comme des hommes ordinaires, incapables de résister au poids des circonstances. La grande force de Section spéciale réside dans cette vision nuancée et complexe des personnages, qui reflète une réalité historique tragique : la collaboration n’a pas été le fait de marginaux ou de psychopathes, mais de citoyens ordinaires, mus par la peur, l’ambition ou la simple volonté de maintenir un semblant d’ordre.

Section spéciale est une claque monumentale, un film politique d’une rare intensité, servi par une mise en scène implacable et un casting exceptionnel. Costa-Gavras nous rappelle ici, avec une pertinence toujours actuelle, que l’injustice la plus terrible peut se draper des habits de la légalité. Un chef-d’œuvre du cinéma engagé, qui mérite d’être redécouvert et médité.

A la Libération aucun de ses magistrats ne sera poursuivis

Toujours la raison d’Etat

NOTE : 16.10 

FICHE TECHNIQUE


DISTRIBUTION

Hommes politiques et hauts fonctionnaires

Magistrats et avocats

Les Allemands

Les Résistants

Les prévenus

[modifier | modifier le code]

Autres rôles

[modifier | modifier le code]

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire