Vu le film Les 12 Salopards de Robert Aldrich (1967) avec Lee Marvin John Cassavetes Charles Bronson Telly Savalas Robert Ryan Ernest Borgnine Clint Walker Richard Jaeckel Jim Brown Ben Caruthers Trini Lopez
Alors que le débarquement allié en
Normandie se prépare, le major américain John Reisman est chargé de recruter
dans une prison militaire 12 condamnés - déserteurs, violeurs ou meurtriers -
pour mener une dangereuse mission sur le sol français. En échange d'une grâce
potentielle, ils doivent faire sauter un château des environs de Rennes, où de
hauts dignitaires nazis ont installé leur quartier général.
Robert Aldrich, réalisateur connu pour
son style brut et sans compromis, signe avec Les 12 Salopards un
classique du film de guerre, mêlant action explosive, humour caustique et une
analyse fascinante de l’humanité dans ses zones les plus grises. L’histoire,
inspirée d’un roman d’E.M. Nathanson, rassemble un groupe improbable de
criminels militaires, condamnés à mort ou à de lourdes peines, pour une
mission-suicide derrière les lignes ennemies pendant la Seconde Guerre
mondiale.
Ce qui distingue Les 12 Salopards
des autres films de guerre de son époque, c’est son mélange d’irrévérence et de
noirceur. Là où la guerre est souvent glorifiée, Aldrich préfère mettre en
avant des personnages moralement ambigus, des parias qui incarnent l’antithèse
des héros traditionnels. Ces douze hommes ne sont ni patriotes, ni altruistes :
ils participent à cette mission uniquement pour obtenir une éventuelle grâce.
Et pourtant, au fil du récit, ils gagnent un certain respect – voire de
l’affection – de la part du spectateur, à mesure que leurs motivations et leurs
failles se dévoilent.
Le casting, l’un des points forts du
film, réunit des acteurs qui, pour beaucoup, étaient encore en marge des
grandes productions hollywoodiennes. Lee Marvin, dans le rôle du major Reisman,
est magistral en meneur cynique mais déterminé, un homme aussi dur que les
criminels qu’il commande. Donald Sutherland, alors relativement inconnu, se
distingue par son excentricité et son humour décalé, tandis que Charles Bronson
et John Cassavetes apportent une intensité dramatique saisissante. Bronson, à
l’image de son rôle dans La Grande Évasion, incarne une résilience
presque stoïque, tandis que Cassavetes, dans son rôle de Franko, un rebelle
insubordonné, vole presque la vedette avec une performance féroce et
imprévisible.
Aldrich, fidèle à son style, ne mâche
pas ses coups. La violence, qu’elle soit physique ou verbale, est omniprésente
et brutale. Les dialogues cinglants et parfois corrosifs renforcent le ton
irrévérencieux du film, tandis que les scènes de combat, filmées avec une
intensité nerveuse, capturent toute l’horreur et le chaos de la guerre. La
mission finale, qui constitue le point culminant du film, est une opération
sanglante et impitoyable qui reflète l’absence de romantisme dans la vision
d’Aldrich : la guerre n’a rien de noble, et même les "héros" sont
marqués par leur propre sauvagerie.
L’une des grandes réussites du film
réside dans sa capacité à équilibrer des tonalités disparates. Les moments
d’humour noir et les interactions souvent absurdes entre les personnages
permettent de relâcher la tension, tout en mettant en lumière les dynamiques
complexes du groupe. Ces moments de légèreté contrastent avec la dureté de leur
mission, rendant le drame final d’autant plus poignant.
L’aspect symbolique des personnages –
des marginaux sacrifiés pour une cause qu’ils ne comprennent pas ou ne
respectent pas – confère au film une dimension subversive. Aldrich semble poser
une question provocante : ces hommes, criminels et antihéros, sont-ils si
différents des soldats ordinaires, eux aussi utilisés comme pions dans une
guerre impitoyable ?
Les 12 Salopards
est bien plus qu’un simple film de guerre. C’est une œuvre corrosive et
audacieuse, portée par des performances inoubliables et une mise en scène qui
ne fait jamais de compromis. Aldrich, en embrassant l’ambiguïté morale de ses
personnages, livre une réflexion amère sur la guerre, le sacrifice et
l’humanité. Ce mélange d’action, de drame et de comédie noire en fait un
classique intemporel, encore admiré pour son audace et son originalité.
NOTE / 15.20
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Robert Aldrich
- Scénario : Nunnally Johnson et Lukas Heller (en), d'après le roman éponyme de E. M. Nathanson (en) paru en 1965
- Musique : Frank De Vol
- Photographie : Edward Scaife
- Montage : Michael Luciano
- Production : Kenneth Hyman (en)
- Sociétés de production : Metro-Goldwyn-Mayer, MKH et Seven Arts Productions
- Société de distribution : Metro-Goldwyn-Mayer
- Pays de production : États-Unis
- Lee Marvin (VF : René Arrieu) : le commandant John Reisman
- Ernest Borgnine (VF : André Valmy) : le général Sam Worden
- Charles Bronson (VF : Marcel Bozzuffi) : Joseph T. Wladislaw
- Jim Brown (VF : Sady Rebbot) : Robert T. Jefferson
- John Cassavetes (VF : Jacques Thébault) : Victor P. Franko
- Richard Jaeckel (VF : Jacques Richard) : le sergent Clyde Bowren
- George Kennedy (VF : Claude D'Yd) : le major Max Armbruster
- Trini Lopez (VF : Claude Mercutio) : Pedro Jimenez
- Ralph Meeker (VF : Michel Gudin) : le capitaine Stuart Kinder
- Robert Ryan (VF : Jacques Berthier) : le colonel Everett Dasher-Breed
- Telly Savalas (VF : Jacques Marin) : Archer (Arthur en VF) J. Maggott
- Donald Sutherland (VF : Jacques Balutin) : Vernon L. Pinkley
- Clint Walker (VF : Henri Gillabert) : Samson Posey
- Robert Webber (VF : Roland Ménard) : le général Denton
- Tom Busby : Milo Vladek
- Ben Carruthers : Glenn Gilpin
- Stuart Cooper : Roscoe Lever
- Colin Maitland : Seth K. Sawyer
- Al Mancini (VF : Henri Gillabert) : Tassos R. Bravos
- Robert Phillips (VF : Bernard Musson) : le caporal Carl Morgan
- George Roubicek : Arthur James Gardner
- Thick Wilson : l'aide de camp du général Worden
- Dora Reisser : la femme de l'officier allemand
- John Hollis : l'adjudant allemand au château (non crédité)
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