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dimanche 7 septembre 2014

MOSTRA DE VENISE 2014 : LE PALMARES


En décernant, samedi soir, le Lion d'or à A Pigeon Sat on a Branch Reflecting on Existence de Roy Andersson (un pigeon s'assit sur une branche pourréfléchir à l'existence), et le prix du meilleur réalisateur à Andreï Kontchalovski pour The Postman's White Nights (les nuits blanches du postier), le jury présidé par le compositeur Alexandre Desplat, a primé à Venise un cinéma de la maîtrise.

Auteurs d'œuvres qui leur ont valu par le passé honneurs des festivals et de la critique, le suédois Andersson et le russe Kontchalovski ont présenté, à cette 71e Mostra, des films plastiquement impressionnants, mais dont les scénarios, sans véritable tension, à la limite de l'encéphalogramme plat, ne traduisaient pas la moindre nécessité, pas la moindre inscription ni dans le présent, ni même quelque chose de plus intime qui relèverait d'une vision personnelle. Récompensé par le prix spécial du jury, Sivas, premier film du turc Kaan Müdjeci, relève de la même catégorie, à ceci près que l'auteur n'a pas encore une œuvre derrière lui.
ERRANCE A TÉHÉRAN
Aux échelons intermédiaires du palmarès, le jury a visiblement privilégié les sujets sur la forme. Prix du scénario, Ghesseha (Tales), de Rakhshan Banietemad, se présente comme une errance en forme de marabout de ficelle dans les rues de Téhéran, qui tisse en pointillé un portrait de la société iranienne d'aujourd'hui. La réalisatrice la met en scène en collant aux canons du cinéma de Panahi et de Kiarostami, mais sans jamais approcher la rigueur formelle de ses maîtres.
En gratifiant le jeune Romain Paul du prix Marcello Mastroianni de la révélation masculine, le jury a mis un coup de projecteur sur Le Dernier Coup de Marteau, deuxième long-métrage de la française Alix Delaporte (la réalisatrice d'Angèle et Tony), qui relate sur un mode naturaliste, dégoulinant de bons sentiments, mais cadré par un scénario terriblement scolaire, l'histoire d'un garçon qui vit avec sa mère, atteinte d'un cancer, dans une caravane, et qui voit arriver en ville son père, un chef d'orchestre qu'il n'a jamais connu.
NIVEAU FAIBLE
Deuxième volet du travail du documentariste américain Joshua Oppenheimer sur les massacres des sympathisants communistes par l'armée indonésienne en 1965, The Look of Silence est par la force des choses lui aussi un film « àsujet », bien que sa mise en scène, sobre et intelligente, soit parfaitement irréprochable. En lui remettant le grand prix du jury, Tim Roth a pris la parole pour évoquer, d'un ton exalté, l'expérience unique que constitue selon lui la vision de ce film, en la comparant avec le fait de voir naître son enfant…
Et puis il y a eu le doublé Adam Driver et Alba Rochwacher, respectivement prix d'interprétation masculine et féminine pour Hungry Hearts, film italien tourné à New York par Saverio Constanzo. Ces prix sont les seuls à distinguer un cinéma en quête d'une forme d'expression un peu nouvelle, un peu contemporaine.
Le niveau de la compétition était certes faible, et le palmarès a au moins eu le mérite d'ignorer ses plus indignes représentants - The Cut, la fresque historique de Fatih Akin sur le génocide arménien, Fires on the plain, le film de guerre hystérique de Shinya Tsukamoto, Manglehorn de David Gordon Green ou le lamentable The Good Kill de Andrew Niccol. On regrette qu'elle n'a pas intégré, au lieu de ceux-là, des films comme Hill of Freedom, délicate variation sentimentale de Hong Sang-soo dont la légèreté, la drôlerie, le suspense ont ravi, comme toujours avec ce Coréen obsessionnel, ou le formidable Olive Kitteridge, mini-série de quatre heures produite pour la chaîne HBO.
La faiblesse du cru vénitien 2014 est-elle le signe d'un recul de la place de la Mostra dans la géopolitique festivalière, ou celui d'une relative faiblesse du niveau des films cette année ? L'avenir le dira. Le jury avait en tout cas la possibilité de défendre d'autres options que celles qu'il a choisies, de raconterune autre histoire. En occultant totalement le Pasolini d'Abel Ferrara, leLeopardi de Mario Martone, les Trois Cœurs de Benoit Jacquot, La rançon de la gloire de Xavier Beauvois, 99 Homes de Ramin Bahrani, il a tourné le dos à la frange la plus romanesque, la plus vibrante, la plus habitée de la compétition.


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