Enfin un hommage au plus discret compositeur d’Hollywood. Sa musique, souvent minimaliste chez les frères Coen, trouve toujours le ton juste. Lorsqu’on lui demande comment il adapte son style protéiforme au long-métrage pour lequel il compose, il répond que c’est le film lui même qui lui dicte sa conduite. Pour Miller’s Crossing par exemple, la version sans musique était d’une extrême violence, alors que le rôle de sa musique a été de l’adoucir, dans la mesure du possible. Pour 3 Bilboards les panneaux de la vengeance (3 Bilboards Outside Ebbing, Missouri), les images projetées en accompagnement sont un montage qui résume le film, comme une bande annonce musicale chronologique. Mais seules quelques notes de guitare suffisent instantanément à retrouver l’émotion toute entière et à nouveau les larmes montent aux yeux, pour un score subtil, d’une apparente simplicité, qui méritait un Oscar, bien plus que le démonstratif exercice d’Alexandre Desplat pour La Forme de l’Eau (The Shape Of Water). C’est intéressant de comparer les deux approches pour obtenir une émotion, la simplicité contre la surenchère.
Le dynamique compositeur new-yorkais était lauréat l’année précédente du prix de la découverte 2017, la tradition du Festival veut que le lauréat vienne présenter en live quelques-unes de ses compositions. Un court moment assez joyeux. Mais la palme de l’émotion revient à Hildur Guðnadóttir, la compositrice islandaise, venue recevoir le prix attribué à titre posthume au génial compositeur islandais, au moment où sort son ultime album, Mandy. L’occasion de dire ici à quel point l’album est magistral, Johan Jóhansson, décédé en février dernier à l’âge de 48 ans, déchaîne le diable en personne pour venir envouter, puis posséder, l’auditeur. Une musique qui rend fou, totalement démente, atroce, subjuguante, géniale, à tel point que la vision du long-métrage ne peut qu’en être très inférieure.
C’est Robert Townson, Président de Varèse-Sarabande, qui monte sur scène rendre hommage à son ami Philippe Sarde. « Quand je pense à Los Angeles, je pense à toi », lui répond Philippe Sarde, en pleine possession de son discours à l’humour très anglais mais à l’accent très français. « Après Tess, je n’ai pas voulu rester à Hollywood de peur qu’on me demande de refaire 20 fois le même thème ». Le public de la salle adore, et puis vient le temps de la performance. Le choix des oeuvres jouées ce soir est judicieux à plus d’un titre. Il montre la variété et l’étendu sans limite du compositeur français, mais aussi la complexité musicale de ses compositions. Dirk Brossé s’en sort à merveille, de la violence herrmannienne de Barocco, la subtilité en équilibre du Locataire, ou la démence instrumentale de La Guerre Du Feu. La soirée se conclut avec une suite de Tess, une forme de panache dont la soirée n’a pas manqué.
Source : Ciné Chronicle
Les lauréats
- Invité spécial : Carter Burwell
- Prix spécial pour l’ensemble de sa carrière : Philippe Sarde
- Compositeur de l’année : Jóhann Jóhansson, pour Mandy, Mary Magdalene, The Mercy
- Compositeur pour la télévision : Ramin Djawadi, pour Game of Thrones, The Strainet Westworld
- Meilleure chanson pour un film : Black Panther, de Kendrick Lamar, Kevin Gomringer, Solana I. Rowe, Matt Schaeffer, Mark Anthony Spears et Anthony Tiffith, pour le film black Panther
- Découverte de l’année : Tamar-kali, pour Mudbound
- Choix du public : Laurent Eyquem, pour Nostalgia
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