Récemment éjecté du conseil d'administration du Festival de Cannes, dont il fut l'emblématique Président avant Pierre Lescure, Gilles Jacob demeure un témoin privilégié de l'Histoire et du devenir de la Croisette.
Après s'être vu curieusement évincer il y à quelques mois, l'auteur d'un récent et passionnant Dictionnaire Amoureux du Festival de Cannes a livré dans les colonnes de Vanity Fair ses impressions sur l'édition 2018, qui vient de s'achever.
Année d'interrogations, de transformations et de mutations, Cannes fait face à quantité de défis, que la remise d'une Palme d'Or à Hirokazu Kore-eda n'efface pas. Avec une compétition qui aura été critiquée de toute part, une année marquée par la chute d'Harvey Weinstein et l'avènement de #MeToo, la manifestation était scrutée. Et Gilles Jacob, connu pour être un fin observateur, a su au cours des semaines passées, adresser quelques piques bien senties à l'équipe actuellement en charge de l'évènement.
Dans son interview à Vanity Fair, il indique ainsi à demi-mots que la Croisette ne pourra faire l'économie d'une écoute renouvelée de ses partenaires ainsi que d'une appréhension en profondeur des problématiques liées au sexisme de l'industrie. Ainsi que l'explique Jacob, le Festival devrait tendre l'oreille en direction de ceux qui se sont offusqués de l'invitation de Lars von Trier, récemment mis en cause par des accusations visant son comportement vis-à-vis des femmes, ainsi que celui de son producteur.
"Ce sont des signaux envoyés par des gens qui aiment Cannes et qui viennent malgré les difficultés. C’est sûr que trois femmes en compétition ce n’est pas assez et que c’est dans cette sélection que ça se joue. Mais la charte de parité me semble une très bonne chose. Et je tiens à dire qu’à la Cinéfondation nous avions 12 femmes sur 22 réalisateurs."
Au sujet des difficultés rencontrées par Cannes, notamment pour attirer le cinéma Hollywoodien, qui a historiquement toujours eu sa place sur le Tapis Rouge, l'ancien Président évoque une éventuelle réforme, qui pourrait bouleverser le landernau des Festivals.
"Sinon, la seule solution sera de passer en septembre. Mais ça mettrait un tel bordel entre les festivals et il faut bien soupeser tous les enjeux."
Une révolution qui placerait Cannes à quelques semaines seulement de Venise, obligée d'engager un bras de fer sanglant, ou de changer à son tour de dates.
On savait Gilles Jacob assez clairement opposé à l'ostracisation de la presse, qui est désormais la dernière à découvrir les films. Un changement d'organisation pensé pour protéger l'égo des artistes, mais qui pourrait avoir de fâcheuses répercutions sur la couverture médiatique du festival. Pour l'intéressé, il existe une solution évidente. Présenter de meilleurs films.
"Mais si on met des bons films, ce n’est pas un problème il me semble. Quitte à n’en mettre que 18 d’ailleurs… Quitte à supprimer un jour. Au début le festival durait trois semaines. Quand je suis arrivé, je l’ai réduit à 16 jours, puis 12 jours. Il serait à 10 jours, franchement ça ne serait pas un drame."
Bien que courtois, le ton est à l'évidence malicieux, et assez impitoyable avec l'actuelle direction du Festival. En guise d'ultime pirouette ou fion cosmique adressé aux organisateurs, Jacob précise, l'air de rien, que la concurrence se porte pour le mieux.
"Le directeur de Venise était là et il avait l’air très souriant… Si, sur 10 films disponibles, on en a trois, c’est bien. Mais si on n’en a aucun, c’est grave."
Source : Ecran Large
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