Le jury de la section
Un certain regard, présidé par l’acteur Benicio Del Toro, a remis,
vendredi 18 mai, son palmarès, qui récompense un cinéma ambitieux, engagé
et pointu.
A commencer par Border (Gräns), lauréat du prix Un certain
regard : un film suédois d’Ali Abbasi, qui convoque le fantastique
sous les traits, entre autres, de son héroïne, Tina – faciès de Neandertal,
corps épais et difforme –, pour interroger la notion de frontière entre
animalité et humanité, de politique d’accueil des réfugiés. Border inquiète,
déroute et émerveille.
Le prix spécial du jury, attribué au long-métrage Les
Morts et les autres, du Portugais João Salaviza et de la Brésilienne Renée
Nader Messora, gratifie une œuvre qui conduit, elle aussi, au
questionnement. Elle concerne cette fois la disparition qui menace les
indigènes du Brésil, mise en scène sous la forme d’un entre-deux-mondes – les
vivants et les âmes, un village et la ville, les traditions et la modernité. Ce
long-métrage où l’ethnographie côtoie l’expérimental, a la beauté d’un songe
qu’il est nécessaire d’inscrire sur la pellicule pour ne pas qu’il s’évapore.
Au même titre que les
peuples en danger.
Quant au prix du meilleur réalisateur, attribué à l’Ukrainien
Sergei Loznitsa pour Donbass, il prend le parti de mettre en lumière
un film qui, en une douzaine d’histoires et sur un ton virulent, raconte les
deux premières années de la révolution ukrainienne (2014 et 2015), dans une
zone de non-droit passée sous le contrôle de séparatistes soutenus par Moscou.
Un tableau à charge sur l’enfer postsoviétique, à travers lequel Loznitsa
laisse libre cours à sa colère. Avec une rage qui n’a d’équivalent que son
pessimisme.
Sur les dix-huit longs-métrages présentés dans cette
section, six étaient des premiers films, dont deux ont été distingués. L’un par
le prix du meilleur scénario : Sofia, de Meryem Benm’Barek,
très beau film mettant en scène crûment une jeune femme de 20 ans vivant à
Casablanca et qui, à la suite d’un déni de grossesse, se retrouve dans
l’illégalité en accouchant d’un bébé hors mariage.
L’autre par le prix de la meilleure interprétation,
attribué à Victor
Polster pour son rôle dans Girl, l’histoire d’une
jeune fille transgenre qui rêve de devenir danseuse
étoile. Adolescent de 16 ans, le jeune acteur avait convaincu le
réalisateur Lukas Dhont, après de longues recherches. Cette récompense
vient conforter l’accueil
triomphal reçu par le film lors de sa projection.
En ouverture de cette remise des prix, Benicio Del Toro a déclaré
que « parmi les 2 000 films proposés cette année au Festival,
les dix-huit sélectionnés à Un certain regard, depuis l’Argentine jusqu’à la
Chine, [étaient] tous à leur manière des vainqueurs »,
précisant aussi que son jury, « extrêmement impressionné par la
grande qualité du travail présenté » avait gardé les cinq
longs-métrages qui les avaient « particulièrement émus ».
Parmi ceux-là, aucun des trois films français
présents : A genoux les gars, d’Antoine Desrosières, Gueule
d’ange, de Vanessa Filho, et Les Chatouilles, d’Andréa Bescond
et Eric Metayer, trois œuvres qui ont en commun d’épaissir le trait avec une
telle insistance que le défaut paraît relever du
trouble
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