L'Arnaque est un des films que j'ai découvert à sa sortie en France en 1974 et qui venait de remporter 7 Oscars à Hollywood, et tous mérités, tellement le film est le summum de l'intelligence de la mise en scène et de scénario.
Dès la première scène du film ou Robert Redford (Hooke) aidé de son complice Coleman, on suit avec plaisir ses agapes de suspens, en se demandant à quel niveau de l'arnaque on aura le droit, l'arrivée de Gandorf (Paul Newman) va encore accentuer se principe de manipulation que j'adore. Aujourd'hui je connais les scènes par coeur, mais j'essaie encore de deviner ce que je n'avais pas vu auparavant et je suis toujours autant surpris par sa maîtrise, ou tout est logique.
Tous les personnages secondaires qui vont arriver les uns après les autres sont tous du précision diabolique et notamment Robert Shaw, dans la continuités des films policiers de l'époque comme Serpico sortit la même année.
On se rappellera aussi de la musique enjouée de Scott Joplin, qui accompagne chez tableaux de cette arnaque et qui encore aujourd'hui nous enjoue nos oreilles avec plaisir.
Sans compter cette partie de carte arnaqueuse qui est dans toutes les mémoires.
SYNOPSIS
Johnny Hooker (Robert Redford) et son complice,
Luther Coleman (Robert Earl Jones), dérobent dix mille dollars à l'affidé d'un
bookmaker nommé Doyle Lonnegan (Robert Shaw). Ce dernier, ancien coupe-jarret
du quartier New-Yorkais des Five Points devenu banquier à la lame du couteau,
lance ses hommes de main à la poursuite des deux voleurs qui ont osé s'en
prendre à ses intérêts. Les tueurs à gage retrouvent Coleman et le défenestrent
pour l'exemple. Bouleversé, Hooker se jure de faire rendre gorge au
commanditaire de l'assassinat. Le jeune aigrefin ne souhaite cependant pas se
risquer dans un duel à l'arme à feu qui signerait son arrêt de mort. Il veut
abattre l'ennemi sur son terrain de prédilection : l'Escroquerie. L'ombre du
Septième Art plane sur la périlleuse entreprise. Comme un film, une arnaque
naît d'abord d'une idée originale.
Johnny Hooker n'est malheureusement pas de taille pour
piéger seul un adversaire à la mesure du redoutable Doyle Lonnegan. Il lui faut
le soutien d'un faisan expérimenté. Le candidat idéal, pense-t-il, est Henry
Gondorff (Paul Newman). L'homme, Docteur ès Enfumages de l'Université des
Crimes et Délits, consent de bonne grâce à épauler le petit monte-en-l'air qui
sollicite son aide. Feu Luther Coleman comptait parmi ses meilleurs amis et de
surcroît, le pigeon visé par Hooker est un gibier de premier choix. Le
sulfureux Maître se met donc au travail avec son improbable élève. Il imagine
un stratagème intitulé "le court-circuit". Le tour de passe-passe à
la lumineuse simplicité des coups de génie. Il consiste à pousser le vénal
Lonnegan à miser une forte somme d'argent dans une fausse officine de paris. Si
l'intrigue est bien menée, la victime perdra tout son argent sans pouvoir se
venger de ses bourreaux. Hooker applaudit le scénario. Il lui faut maintenant
collecter des fonds pour passer du texte à l'image.
La Pègre bruisse de rumeurs. Doyle Lonnegan serait hanté par
la passion du Poker. Henry Gondorff profite de ce travers providentiel pour
avancer ses pions. Il s'invite à la table de l'assassin de Luther Coleman et,
feignant d'être un bookmaker aussi riche que porté sur la dive bouteille,
s'engage dans une partie de cartes dont tout indique qu'il la perdra
lamentablement. Son adversaire jubile et joue gros tant la victoire lui semble
promise. L'arrogant personnage ignore cependant que son vis-à-vis est un
prestidigitateur de haut vol et que rien, pas même les tricheries les plus
éhontées, ne saurait l'empêcher de gagner. Lonnegan enrage. Il doit se délester
de plusieurs milliers de dollars. Quelle aurait été sa colère s'il avait su
qu'en une soirée de jeux imprudents, il avait financé une fiction destinée à le
ruiner...
Comme toute comédie qui se respecte, l'Arnaque implique une
distribution préalable des rôles. Gondorff et Hooker désignent par conséquent
les acteurs qui se produiront dans leur prétendu bureau de paris. Le premier
des deux intrigants patentés reprendra son personnage de bookmaker fort en
gueule et faible en morale. L'aventureux Johnny jouera son bras droit. Il fera
mine de planifier, par ambition, la perte de son patron. A cette fin, le requin
de pacotille incitera Lonnegan à parier une très forte somme dans
l'établissement de son "rival". Le banquier corrompu sera d'autant
plus alléché par la proposition qu'elle lui offrira, outre l'assurance de profits
gigantesques, la délectable occasion de laver l'affront que le rusé Gondorff
lui a fait subir à la table de Poker. Les autres membres de l'équipe sont
promptement recrutés parmi les margoulins qui prolifèrent dans le Chicago des
années 1930. Un faux speaker est ainsi engagé pour commenter de fausses courses
hippiques. De faux turfistes vibreront à ses fausses annonces. Avec de tels
comédiens, tout paraîtra plus vrai que nature. Le tournage du film peut
débuter.
Gondorff orchestre son arnaque comme un réalisateur met en
scène un long-métrage. Il plante le décor de l'histoire, réplique d'un repaire
de parieurs qui tromperait l'œil le plus averti. Il supervise les émissions de
radio factices et tous les trucages qui lui permettront de berner sa proie. Il
veille à ce que chaque élément de l'action porte l'estampille de la
crédibilité. Un policier nommé Snyder (Charles Durning) pourchasse Hooker, le
rançonne et remet en question la viabilité de l’escroquerie ? L'argousin véreux
est convoqué par Polk (Dana Elcar), faux officier du FBI qui le convainc, par
son art consommé de la comédie, de mettre immédiatement un terme à ses
poursuites. Diriger les acteurs pour faire croire aux spectateurs que le récit
est authentique, telle est l'obsession de Gondorff. Le détrousseur aux méthodes
de cinéaste est si imprégné de ce mot d'ordre qu'il l'applique au-delà de son
plateau. Il fait ainsi surveiller Hooker quand ce dernier, séduit par une
serveuse, menace de sortir de son rôle. Bien lui en prend : la barmaid, connue
dans la Mafia sous le nom de Salino (Dimitra Arliss), est en vérité une tueuse
professionnelle qu'il convient d'abattre sans pitié. Gondorff tient fermement
la barre de son navire à mi-chemin du Crime et de l'Esthétique.
Son défi est immense
: traverser une mer de dangers pour que son arnaque au long cours arrive à bon
port, conformément au carnet de route qu'il a rédigé. Chaque épisode du périple
en eaux troubles se déroule néanmoins à merveille. Hooker persuade ainsi le
meurtrier de son ami Coleman qu'un employé de la Western Union est à sa solde
et que l'homme, acheté comme il se doit, retiendra les résultats des courses
hippiques assez longtemps pour que ses complices aient le loisir de parier
avant la proclamation des résultats. Sûr de sa force, Lonnegan mise sans compter
mais victime d'une information savamment erronée, il perd l'intégralité de son
bien. Jamais il n'aura la possibilité de le reprendre. Polk, le faux agent du
FBI, procède en effet à la plus opportune des descentes de Police. Il vient
appréhender Gondorff pour escroquerie en bande organisée. En laissant partir
Hooker, l'officier d'opérette indique au chef des prévenus le responsable de
l'arrestation de masse. Gondorff affecte la fureur et tire à blanc sur le
sinistre individu qui l'a manifestement trahi. Polk feint à son tour d'abattre
le tireur. Lonnegan n'a plus d'autre choix que de fuir afin d'éviter scandale
et poursuites judiciaires. Le scénario du "court-circuit" s'est
magistralement réalisé. Le clap de fin peut retentir.
ANALYSE DU SCENARIO (Site L'écran Miroir)
Retour aux grands classiques pour cette édition du Ciné-Club Sensation. Après un bon repas (arrosé d’un bon Bourgogne), il était temps de se mesurer à cette œuvre faisant partie intégrante de la culture populaire, dont le schéma narratif ou les séquences-clefs ont été reprises ou citées d’innombrables fois. Oscar du meilleur film, il doit aussi sa renommée à un casting impeccable, bourré de gueules connues dans les seconds rôles et illuminé par le duo de l’extraordinaire Butch Cassidy & the Sundance Kid (déjà deGeorge Roy Hill).
On est ici devant une arnaque, un coup monté et tout l’intérêt du film repose non seulement sur l’objectif (plumer un caïd pour venger la mort d’un « respectable » arnaqueur) mais aussi et surtout sur la mise en place du dispositif. Construit en quelques tableaux comme autant d’actes théâtraux annoncés par un lever de rideau, le scénario malin et millimétré s’élabore progressivement, prenant son temps pour présenter les protagonistes, annoncer le plan et recruter les membres d’une organisation ambitieuse, qui devra également tenir compte des problèmes de Johnny Hooker, harcelé par un flic véreux et par les enquêteurs du caïd en question. Le tout avec une volonté très simple, clairement avouée : nous rouler. Ce qui se passe à l’écran est tout autant l’agencement d’une escroquerie impressionnante par sa taille et ses enjeux que l’établissement d’un décor de cinéma, avec force costumes et accessoires. Le parallèle entre la truanderie et les métiers du VIIe Art est clairement annoncé. Le seul effort à fournir pour le spectateur est ainsi d’être dupe, de jouer le jeu de la mise en scène, un jeu sain et salvateur qui agrémente les enjeux (Hooker est arrêté par le FBI : mise en scène ou réalité ? La femme qui l’héberge : amie ou ennemie ? Et cet homme ganté qui le suit, pour qui travaille-t-il ?). Accessoirement, c’est aussi l’occasion d’apprécier le passage en revue d’une grande partie du vocabulaire cinématographique : George Roy Hill revisite (et rend hommage) avec une élégance classieuse le film noir, stimulant sa mise en scène par des plans dynamiques, des panoramiques harmonieux et deux ou trois zooms judicieux qui mettent en valeur ces comédiens semblant prendre plaisir devant la caméra.
De fait, malgré la mort de Coleman (l’acolyte de Hooker au début du film, un vieux de la vieille qui désirait se ranger) et les menaces constantes qui pèsent sur lui, la gravité n’est pas de mise dans ce film, à l’image de ce Johnny Hooker, jeune homme doué mais flambeur ayant un faible pour les femmes faciles, parfaitement incarné par un Robert Redford lumineux, au jeu naturel et au sourire malicieux. Paul Newman, en mode un brin paternaliste mais brillant de self-control, est un partenaire de choix face à l’arrogance animale de Shaw.
L’un d’entre nous a néanmoins jugé le rythme trop lent pour être agréable, malgré un dosage qui est apparu plutôt équilibré pour les autres. Il faut dire que la bande originale (des morceaux de Scott Joplin adaptés pour la circonstance) ne se prête pas à un tempo plus élevé et qu’il est nécessaire d’en passer par une phase d’introduction exhaustive pour ce genre de scripts.
Néanmoins, l’heure tardive n’aidant pas, le débat n’a pas été très enlevé : le film plaît, ou ne plaît pas. Ceux qui ont aimé ont été séduits par la réalisation très riche et le jeu d’acteurs, même si certains trouvaient la direction artistique un peu trop datée seventies. D’autres ont eu du mal à entrer dans l’histoire. On a glosé sur la suite (non officielle ?) de 1983, que personne n’a vu, et rectifié une confusion avec l’Arnaqueur, ce film deRobert Rossen avec déjà Paul Newman en artiste du billard. Le film aujourd’hui n’a plus la capacité de surprendre, tant ses codes ont été repris à l’envi, et sa résolution n’est plus aussi spectaculaire qu’auparavant (je me souviens qu’elle m’avait laissé « sur le cul » la première fois que je l’ai vue), mais il continue à séduire par sa classe incontestable et la précision de sa mise en scène. Sa constante bonne humeur se retrouve dans des productions comme Ocean’s eleven ou, en plus cynique, dans les Arnaqueurs de Stephen Frears, des films choraux à la distribution tout aussi impressionnante. A moins de rechercher l’aspect « machination » comme dans Engrenages de David Mamet (pas vu celui-là, mais il me branche bien).
Note : 19.10
FICHE TECHNIQUE
Réalisation ; George Roy Hill
Scénario ; David S.Ward
Musique ; Marvin Hamlisch et Scott Joplin
Direction Artistique ; Henry Bumstead
Décors : James Payne
Costumes ; Edith Head
Photographie ; Robert Surtees
Son : Robert Bertrand et Ronald Pierce
Effets Spéciaux , Albert Whitlock
Générique ; Jaroslav Gebr
Montage : William Reynolds
Producteur ; Tony Bill, Michael Philips, Richard D.Zanuck, David Brown et Robert L.Crawford pour Universal Pictures
Budget : 7 000 000 $
RÉCOMPENSES
- Oscars 1974 :
- Meilleur film
- Meilleur réalisateur pour George Roy Hill
- Meilleur scénario original pour David S. Ward
- Meilleur direction artistique pour Henry Bumstead et James Payne
- Meilleurs costumes pour Edith Head
- Meilleur montage pour William Reynolds
- Meilleure partition de chansons et adaptation musicale pour Marvin Hamlisch
- L'association des réalisateurs américains (Directors Guild of America) décerne à George Roy Hill le prix du meilleur réalisateur en 1973.
- Le film intègre le National Film Registry en 2005
DISTRIBUTION
- Ray Walston (VF : Jacques Marin) : J. J. Singleton
- Eileen Brennan (VF : Paule Emanuele) : Billie
- Harold Gould (VF : René Bériard) : Kid Twist
- John Heffernan (VF : André Falcon) : Eddie Niles
- Dana Elcar (VF : Pierre Leproux) : l'agent Polk
- Dimitra Arliss (VF : Arlette Thomas) : Loretta Salino
- Ed Bakey (VF : Georges Atlas) : Granger
- Jack Kehoe : Erie Kid
- Robert Earl Jones (VF : Bachir Touré) : Luther Coleman
- Charles Dierkop (VF : Georges Aubert) : Floyd
- James J. Sloyan (VF : Jacques Richard) : Mottola
- John Quade (VF : Jacques Ferrière) : Riley
- Jack Collins (VF : Jacques Dynam) : Duke « Douky » Boudreau
- Arch Johnson : Combs
ANECDOTES
- David S. Ward a eu l'idée de ce scénario alors qu'il écrivait le script de Steelyard Blues. Il l'a montré à Tony Bill qui a aussitôt décidé de produire le film avec Michael et Julia Phillips. Lorsque George Roy Hill a lu le scénario, il a aussitôt demandé à réaliser le film. C'est lui qui a offert à Paul Newman de se joindre au projet. Robert Redford a écrit une partie du scénario avec David S. Ward, il participait au projet depuis ses débuts.
- Le nom du personnage de Robert Redford (Johnny Hooker) aurait été donné afin de rendre hommage au chanteur de blues John Lee Hooker. Les personnages de Henry Gondorf, J. J. Singleton, Kid Twist et Eddie Niles sont ceux de véritables escrocs américains du premier quart du XXe siècle : le film est en fait basé sur la vie des frères Charles et Fred Gondorf qui ont tenté une escroquerie similaire à celle montrée dans le film en 1914 mais qui, elle, a échoué.
- Le rôle de Johnny Hooker a d'abord été offert à Jack Nicholson, qui l'a refusé, et il a finalement été confié à Robert Redford. Le rôle de Lonnegan devait être donné à Richard Boone qui a décidé de se retirer du projet.
- Le tournage s'est déroulé du 22 janvier à avril 1973. Le maire de Chicago de l'époque, Richard J. Daley, a refusé le tournage du film dans sa ville, car il trouvait qu'il lui donnait mauvaise réputation. Il a permis plus tard un tournage de trois jours. Celui-ci a principalement eu lieu sur les terrains de la Universal Pictures à Los Angeles.
- Robert Shaw qui devait jouer le rôle de Lonnegan s'était foulé une cheville peu avant le tournage. Il renonça au rôle mais on lui demanda de rester et sa boiterie fut finalement intégrée au scénario.
- Le célèbre morceau musical, The Entertainer, de Scott Joplin est depuis resté attaché au souvenir du film et déclencha la redécouverte du ragtime. Il a été écrit entre 1900 et1910, soit 25 ans avant l'histoire du film. Marie Laforêt le reprendra dans une chanson originale.
- Le film connaîtra une suite sortie en 1983 : L'Arnaque 2 (The Sting II) de Jeremy Kagan avec Jackie Gleason, Mac Davis et Oliver Reed qui reprennent les rôles respectifs de Paul Newman, Robert Redford et Robert Shaw.
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