DOUCE FRANCE
Habituel dilemme des producteurs et réalisateurs français : vaut-il mieux attendre une éventuelle sélection à Cannes, quitte à risquer d’être recalé, ou alors prendre les devants en se rendant directement à la Berlinale? Si on imagine plutôt Maïwenn viser la croisette pour son Rien ne sert de courir, sa collaboratrice Emmanuelle Bercot pourrait bien revenir à Berlin, deux ans après Elle s’en va, avec La Tête haute dans lequel elle dirige à nouveau Catherine Deneuve. La Berlinale, très attachée aux représentations LGBT, pourrait également réserver une place à l’utopie lesbienne bucolique de Catherine Corsini avec Cécile de France, La Belle saison. Chez les autres réalisatrices, on guette impatiemmentEvolution, le forcément mystérieux nouveau film de Lucile Hadzihalilovic, et Je vous souhaite d’être follement aimée de Ounie Lecomte (Une vie toute neuve). Du coté des réalisateurs, on retrouve dans notre viseur des valeurs sures, pour certains déjà passés par la compétition allemande. Benoît Jacquot vient de faire tourner Léa Seydoux et Vincent Lindon dans l’adaptation du Journal d’une femme de chambre de Mirabeau, et Jean-Paul Rappeneau assemble un casting de stars (Amalric, Viard, Dussolier, Lellouche) dans Belles Familles. Pour Une Enfance, Philippe Claudel réunit deux des acteurs deL’inconnu du lac, tandis que Robert Guédiguian retrouve sa troupe habituelle dans Une Histoire de fous. Dans un registre sans doute plus proche de la comédie, Emmanuel Mouret dirige Virgine Efira et Anaïs Demoustier dans Caprices, et Pascal Thomas adapte une intrigue policière de Ruth Rendell avec Geraldine Chaplin et Arielle Dombasle dans Valentin Valentin. Le casting international de La dame dans l'auto avec des lunettes et un fusil permettra-t-il à Joann Sfar de venir présenter sa version de roman réputé inadaptable de Japrisot? Enfin, Le Dernier loup, production sino-française de Jean-Jacques Annaud, devrait sortir dans les deux pays courant février... avec un détour par la capitale allemande?
ALLEMAGNE & EUROPE
L’Allemagne est évidemment chez elle à la Berlinale. Et comme l’on n’est jamais mieux servi que par soi-même, on peut compter sur le festival pour représenter l’un des cinémas les plus passionnants d’Europe. Il faut dire que lorsque les Allemands proposent des choses à Cannes, ils sont soit refusés (Phoenix), soit relégués à Un Certain Regard (Sous toi la ville). Le (presque) seul à y avoir été rarement refusé par le passé, c’est Wim Wenders. Or, celui-ci reçoit justement un hommage de la Berlinale cette année, l’occasion de présenter son dernier film en anglais, Every Thing Will be Fine, avec Charlotte Gainsbourg et James Franco ? Tom Tykwer a lui aussi un projet américain dans les tuyaux : A Hologram for the King, avec Tom Hanks. Mais on espère surtout retrouver en compétition deux talents sûrs du festival : Andreas Dresen (Pour lui, Septième ciel) avec Als wir Traumten, et Maren Ade (Grand prix du jury en 2009 pour l’excellent Everyone Else) avec sa comédie névrosée Toni Erdmann. A guetter également, dans un registre peut-être un brin plus scolaire: le retour des réalisateurs des films historiques Goodbye Lenin(Ich und Kaminski), Sophie Scholl (Da Muss mann durch) et La Chute (Elser).
Ailleurs en Europe, nos projecteurs sont naturellement braqués vers des réalisateurs récemment remarqués et primés à Berlin. Le Portugais Miguel Gomes termine ses 1001 nuits, tandis que son compatriote Joao Salaviza (Ours d’or du court métrage 2012) achève son premier long, Montanha. Le Hongrois Bence Fliegauf (Just the Wind, Grand Prix du jury 2012) est attendu avec son nouveau film,Liliom Ösveny, de même que le danois Nikolaj Arcel (A Royal Affair) avec Flaskepost fra P, mais également le Roumain Florin Serban (If I Want to Whistle I Whistle, Grand Prix du jury 2010) avecBox, et le Néerlandais Boudewijn Koole (Little Bird, prix du meilleur premier film en 2012) avec Beyond Sleep. En Grèce, Athina Rachel Tsangari termine son Chevalier, et l’on espère que la post-production du forcément zinzin The Lobster de Yorgos Lanthimos (avec Léa Seydoux et Colin Farrell) lui permette d’être vu au plus tôt (à moins que le film ne vise Cannes). La réalisatrice espagnole Isabel Coixet achève Nobody Wants the Night avec Rinko Kikuchi et Juliette Binoche, tandis que son compatriote Alejandro Amenabar met fin à son absence en dirigeant Emma Watson et Ethan Hawke dans Regression. L’actrice allemande Martina Gedek, très populaire outre-Rhin, joue quant à elle dans The Girl King de Mika Kaurismaki (le frère de), et Kamen Kalev (Eastern Plays) a un nouveau projet prêt, encore sans titre. Les Belges Dominique Abel et Fiona Gordon (L’Iceberg) pourraient venir présenter Lost in Paris, et Joachim Lafosse achève Les Chevaliers Blancs avec Valérie Donzelli, Louise Bourgoin et Vincent Lindon. Aux Pays-Bas, Alex Van Warmerdam finit Schneider Vs Bax, et on attend toujours Nude Area, la romance ado lesbienne d’Urszula Antoniak (Code Blue).
Au Royaume-Uni, le biopic Lance Armstrong par Stephen Frears est dans les startingblocks, mais on parie surtout sur 45 Years, de Andrew Haigh (Week-end) dans lequel Charlotte Rampling voit ressurgir (au sens propre) le premier amour de son mari. Deux ans après leur Ours d’or quelque peu anachronique pourCésar doit mourir, les frères Taviani reviendront-ils avec Meraviglioso Boccaccio ? On est un plus curieux d’A Bigger Splash dans lequel Luca Guadagnino retrouve Tilda Swinton, cinq ans après Amore. En Italie, tout le monde semble en tout cas s’être mis d’accord pour faire un film en 2015 : Moretti, Sorrentino, Bellocchio, Garrone… Mais la fidélité (disproportionnée) de Cannes pour le cinéma transalpin va-t-elle tout rafler? Un sort similaire attend peut-être Francophonia de Sokurov et On the Milky Road de Kusturica. Et en ce qui concerne le MacBeth avec Michael Fassbender et Marion Cotillard, Justin Kurzel peut probablement se permettre d’attendre le début de la saison oscar… l’an prochain.
ASIE
Pas toujours facile de trouver des infos et des mises à jour récentes sur les projets asiatiques. De nombreux films récemment en tournage sont dans nos viseurs, mais seront-ils terminés à temps ? Deux ans après The Grandmaster, la Berlinale va-t-elle avoir l’occasion de faire un nouveau gros coup en présentant enfin The Assassin, d’Hou Hsiao Hsien ? On le souhaite. Même suspens concernant In the Room d’Eric Khoo et les Coréens Seoul Station de Yeon Sang-ho (The King of Pigs) et My Friendly Villains d’Im Sang-Soo, qui s’était d’ailleurs déclaré très refroidi par l’accueil cannois de L'Ivresse de l'argent. La Chine (très présente en 2014 avec pas moins de 3 films en compétition) a cette année des projets inattendus sous le coude : Looking for Rohmer, un documentaire sur le cinéaste de la Nouvelle Vague par Wang Chao (Voiture de luxe), et Crouching Tiger, Hidden Dragon, the Green Legend, une suite à Tigre et Dragon par Yuen Woo Ping avec Michelle Yeoh. Et on sait que la Berlinale n’est pas fermée aux cinémas de genres en provenance d’Asie. De quoi mettre la main sur The Taking of Tiger Mountain de Tsui Hark?
Habitué parmi les habitués, le vétéran japonais Yôji Yamada (La Maison au toit rouge) reviendra-t-il à la Berlinale pour la 9e fois avec sa comédie Kozaku wa Tsurai yo ? On espère bien voir également les nouveaux films nippons Shinjuku Swan de Sono Sion, Sayonara, le film catastrophe de Koji Fukada, etJouney by the Shore de Kiyoshi Kurowasa (le tournage de son film en français n’ayant pas encore débuté). Et pourquoi pas la comédie Ryuzo 7 du revenant Takeshi Kitano ? Du côté de l’Asie du sud et sud-est, si Apichatpong Weerasethakul serait encore en tournage (et probablement réservé par Cannes, tout comme le Japonais Kore-Eda), le Vietnamien Phan Dang Di (Bi, n’aie pas peur !) pourrait venir présenter Saigon Sunny Days, et l’Indien Anurag Kashyap (Gangs of Wasseypur) termine de son côté deux projets : Bombay Velvet et la mini-série Yudh. Quant à Brillante Mendoza, on espère bien voirTaklub, son long métrage sur le typhon Yolanda, actuellement en montage. Plus proche de nous géographiquement : le Turc Semih Kaplanoglu (Ours d’or 2010 pour Miel) met la dernière touche à un nouveau film/ingrédient : Grain.
ÉTATS-UNIS
La proximité des dates de la Berlinale avec celles de Sundance et des Oscars permet généralement une programmation américaine assez généreuse à la fois en découvertes et en castings de stars. Parmi les films attendus qui sortiront en salles en Europe en début d’année, citons avec espoir, excitation, et des points d’interrogations : Big Eyes de Tim Burton, dont la sortie initialement prévue en décembre vient justement d’être décalée à fin mars en Allemagne et en France, et également Jupiter Ascending de Lana et Andy Wachowski (qui pourtant, sort encore officiellement dans quelques pays la veille de l’ouverture, mais on y croit...). Un changement de planning est-il également envisageable pour Carol de Todd Haynes avec Cate Blanchett et Rooney Mara (le film sort pour l’instant fin janvier en Allemagne) ? Cate Blanchett sera d’ailleurs également au casting du Cendrillon de Kenneth Brannagh, de quoi faire une double venue sur le tapis rouge ? De son côté, la spectaculaire chasse à la baleine d'Au cœur de l'océan par Ron Howard sort dans le monde entier en mars 2015.
Parmi les films sans date de sortie, nos radars se tournent avant tout vers The Sea of Trees de Gus Van Sant avec Matthew McConaughey au pied du mont Fuji, le nouveau projet sans titre de Noah Baumbach avec Greta Gerwig, et Queen of the Desert de Werner Herzog avec Nicole Kidman en exploratrice, Robert Pattinson et James Franco. En tant que réalisateur, Franco a par ailleurs trois projets en post-production, de quoi augmenter ses chances de retrouver le chemin de la Berlinale. Et Teddy Bear en vue, gardons un strapontin pour Peaches goes Bananas, le doc de Marie Losier (La Ballade de Genesis et Lady Jay) sur l’icône queer Peaches. Parmi les films à gros casting, faut-il attendre Sicario de Denis Villeneuve (Benicio del Toro, Josh Brolin) ou Triple Nine de John Hillcoat (Woody Harrelson, Kate Winslet) ? Jane Got a Gun avec Natalie Portman, Focus de Glenn Ficarra et John Requa avec Will Smith, ou encoreTrainwreck de Judd Apatow avec Tilda Swinton, bénéficieraient-ils d’une présence en festival ? Même question pour Chappie de Neill Blomkamp. Et parmi les films possédant des dates de sorties plus tardives en Europe, pourquoi ne pas parier sur Pan de Joe Wright, Far From the Madding Crowd de Thomas Vinterberg, ou encore Midnight Special de Jeff Nichols ? A suivre… Ah, et quid de Terrence Malick ? Les précisions sont tellement inexistantes sur ses projets qu’on a quelque remords à l’ajouter dans cette liste…
HORIZONS LOINTAINS
Le nom de Mark Dornford-May vous rappelle-t-il quelque chose ? Le réalisateur sud-africain de Carmen(Ours d’or pour le moins inattendu de 2005) termine Breathe Umphefumlo, variation autour de La Bohème de Puccini. C’est pour l’instant notre unique prédiction concernant le continent africain, mais elles sont plus nombreuses en ce qui concerne l’Amérique latine. Le Mexicain Gerardo Naranjo (Miss Bala) achève son nouveau projet sur lequel circulent peu d’infos, tandis que son compatriote Michel Franco (Despues de Lucia) filme une assistante sociale prête à tout pour sauver son enfant de la cécité dans A los ojos. Les Brésiliens Walter Salles et Karim Ainouz (Praia do futuro) pourraient venir présenter respectivement un documentaire sur Jia Zhang-ke et sur le Centre Pompidou. Le Chilien Sebastian Silva (Magic Magic) est certes resté aux Etats-Unis pour son nouveau film très queer Nasty Baby, et on garde un œil sur Mar de Dominga Sotomayor (De Jueves a Domingo), qui a pour l’instant été présenté uniquement dans son pays. Au Canada, Guy Maddin et Charlotte Rampling, tous deux habitués du festival, seraient toujours en tournage pour Spiritisme, mais parmi les films terminés, on devrait pouvoir compter sur Chorus de François Delisle (réalisateur du curieux Météore) et surtout Ulrike’s Brain de Bruce LaBruce. Et pourquoi pas Remember d’Atom Egoyan, avec son casting en partie germanophone (Bruno Ganz, Jürgen Prochnow) ? La réponse dans quelques semaines.
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