Le chanteur soul, compositeur du tube Across 110th street, est mort hier
C’est d’abord une légende de la soul qui s’est éteinte hier. Moins célèbre que Sam Cooke, moins électrique que James Brown, Bobby Womack est mort hier à l'age de 70 ans. Womack avait pourtant enfilé les tubes (It's all over now, If you think you're lonely now), travailla avec Sly Stone et Janis Joplin, épousa la veuve de Sam Cooke quelques mois après sa mort - ce qui fit jaser. Et vécut les 70’s comme une star du rock. Womack aura surtout écrit la bande-son d'une époque avec sa voix de miel, sucrée et caverneuse, une voix au vibrato alourdi par les battles mythiques (il a chanté avec Elvis, Janis, Marvin, les Stones…) ou les stupéfiants.
Mais Womack avait aussi signé l’une des musiques les plus célèbres du cinéma. Célèbre d’abord grâce à Tarantino. Souvenez vous de l’ouverture démente de Jackie Brown : Pam Grier de profil, s'invite dans le cadre. Travelling sur le tapis roulant. Puis la caméra bouge au rythme de la marche de l'héroïne et se met au ras du sol (comme si elle était au pied d’une déesse), suit l’hotesse qui accélère le pas et se met à courir, poursuivie ou dopée par les cuivres moites et la voix sensuelle de Womack. La chanson ? Across 110th Street, un classique que Womack n’avait pas écrit pour QT mais pour un autre film, vingt-cinq ans auparavant, signé Barry Shear: Meurtres dans la 110eme rue, un des meilleurs films blaxploitation, sec et hyper réaliste, porté par un Anthony Quinn génial en flic raciste. Womack raconte qu'il devait jouer dans le film avant qu'il ne se retrouve finalement à composer toute la musique du film. C'est sans doute mieux comme ca : en 72, le tube de Womack était une déclaration d’intention, un portrait du ghetto (la 110ème rue à New York marque la frontière de Harlem) et un cri de rage.
Chez Tarantino c’était plus que ça :
"I’m not saying what I did was alright
Trying to break out of the ghetto is a day to day fight".
Ce n’est plus seulement l’histoire du ghetto, ce n'est pas que de la nostalgie pop, c’est l'histoire de Jackie que la chanson raconte. Et Tarantino refait couler le morceau dans la dernière séquence du film, plan fixe de Jackie au volant, laissant derrière elle la violence, les écarts de conduite et son amour rêvé, en route vers une deuxième chance.
Ridley Scott utilisera aussi la chanson dans son American Gangster dans un souci plus réaliste. Et pour compléter l'histoire, c'est au son des tubes de Womack que Mia, l'héroïne de Fish Tank, s'émancipe. Ce matin, ce n'est pas la seule musique noire qui est en deuil. C'est aussi, un peu, le cinéma.
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