Quatre ans après « Under The Skin », on commence à en apprendre plus sur le prochain projet du virtuose Jonathan Glazer.
Jonathan Glazer est de la trempe des réalisateurs aussi rares que talentueux. Faiseur de clips et de publicités, il se tourne de temps en temps vers le cinéma. Avec seulement trois films à son actif, il a réussi à chaque fois à livrer une proposition qui marque le public.
Son premier essai, Sexy Beast reste le plus mineur tout en étant recommandable. En revanche, les deux autres, Birthet Under The Skin sont d’une beauté renversante. Ils allient avec un incroyable équilibre une mise en scène fascinante et l’expression de forts sentiments douloureux nous impliquant humainement – la mélancolie, le trouble identitaire. On en ressort avec l’impression d’avoir assisté à quelque chose que l’on n’avait jamais vu, à la frontière de l’expérimental.
10 ans séparent Birth d’Under The Skin. Heureusement pour nous, il ne faudra pas attendre aussi longtemps pour avoir le droit de voir son nouveau film. Il y a déjà un an, Glazer avouait avoir terminé un nouveau scénario, sans donner le moindre détail sur le sujet.
Interrogé dernièrement dans le podcast A Dash of Drash, il a daigné livrer des informations concrètes. Son prochain film, encore sans titre, parlera de la Shoah. Un sujet monumental qu’il compte traiter avec un point de vue bien précis. Contrairement au Fils de Saul, la dernière claque cinématographique sur le sujet, Glazer veut parler des gens qui assistent à ce massacre, les « allemands ordinaires » comme il les appelle.
Je me souviens avoir été interpellé par les visages des citoyens, des spectateurs, des complices… Vous voyez ce que je veux dire ? Les Allemands ordinaires. J’ai commencé à me demander comment il serait possible de rester là et de regarder ça. Certains des visages appréciaient réellement. Le spectacle que c’était. Une sorte de cirque.
Au cinéma, tout est question de point de vue. Celui que veut adopter Glazer semble particulièrement intéressant. Les films sur ce sujet ont tendance à se placer uniquement du côté des victimes, en allant voir parfois aussi du côté des bourreaux. Là, il vise le milieu, les autres. Ceux que l’on ne voit que comme figurants partout ailleurs, les responsables passifs. Une note d’intention maline.
L’autre point sur lequel il insiste est le camp de concentration d’Auschwitz. Il a remarqué que dans les autres films, ce lieu n’était qu’un contexte, un décor, un point de départ. Il ambitionne d’en faire un personnage à part entière. On ne sait pas par quel moyen et comment sa mise en scène va s’articuler mais là aussi l’idée est alléchante sur le papier :
Beaucoup d’histoires que j’ai vues, je pense qu’elles pourraient se passer n’importe où. Dès que vous définissez un complot, vous êtes en quelque sorte en train de reléguer Auschwitz à l’état de contexte. Pour moi, je ne veux pas faire ça. Je sentais que c’était faux.
En lisant entre les lignes, on comprend qu’il veut, comme dans Under The Skin, réduire l’armature scénaristique au strict minimum. Il vise une sorte d’épure dans son histoire, pour faire passer autre chose par la forme. Est-ce que sur un sujet aussi imposant, la formule remarchera ? Toute la question est là.
Soyez certains que l’expérience vaudra le coup, parce que Jonathan Glazer travaille dessus depuis qu’Under The Skin est sorti – il y a quatre ans. Il avoue avoir passé beaucoup de temps à faire des recherches mais aussi à réfléchir sur la question de l’éthique demandée par un tel sujet. Étant juif lui-même, il s’est demandé ce que cela voulait dire de filmer la Shoah et surtout comment la filmer.
Bien embarqué, il espère pouvoir commencer le tournage l’été prochain afin de sortir le film durant l’année 2020.
Source : Ciné Séries
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