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lundi 18 mai 2015

REFUGIADO de DIEGO LERMAN par Critique Chonchon

Refugiado.
Laura (Julieta Diaz), avec son fils Matias (Sebastian Molinaro) âgé de 7 ans quitte précipitamment son appartement de Buenos Aires pour échapper à l'emprise d'un époux menaçant.
Les deux fugitifs, harcelés au téléphone par cet homme violent qui ne cesse de jouer le repenti et de demander pardon, s'engagent alors dans une course contre la montre à la recherche d'un refuge, qui va les conduire d'abord à l'hôpital pour constater les coups reçus, puis dans une institution pour femmes battues pour se rétablir, puis d'hôtel en hôtel...
Leur fuite qui se terminera chez Antonia (Marta Lubos), la mère de Laura, qui vit seule au calme en pleine forêt.
Laura et Matias peuvent alors commencer une nouvelle vie.
Le réalisateur Diego Lerman m'a fait une très grande impression il y a maintenant plus de 10 ans, avec "Tan de repende", un film remarquable, chronique de la vie d'une adolescente boulotte dans un noir et blanc superbe. Pour ce que j'en ai vu, ses films suivants ("Mientra tento" et "L'oeil invisible"), bien que sélectionnés dans de nombreux festivals, y compris à Cannes, n'ont pas confirmé les espoirs que portait son premier opus. "Refugiado", dont j'attends la sortie depuis un an, présenté à Cannes l'an dernier à la Quinzaine des Réalisateurs, même s'il n'a pas selon moi le niveau de "Tan de repente", est un bon film.
Il s'agit d'une co-production de plusieurs pays, Argentine, Colombie, France, Pologne, Allemagne, via leur Ministère des Affaires Étrangères respectif. À partir d'un fait divers auquel il a assisté - une femme se faisant battre par son époux en pleine rue - Diego Lerman propose une fiction réaliste, qui sur un sujet délicat, évite beaucoup de clichés.
Il faut savoir que dans son enfance, le réalisateur a du fuir, avec sa famille, la dictature argentine. Et cela explique probablement la raison pour laquelle il parvient à filmer cette fuite du danger avec finesse, du point de vue de l'enfant, qui n'en comprend pas tous les enjeux. Ce point de vue enfantin dans des situations dramatiques a donné quelques excellents films, au coeur de la guerre par exemple.
La violence conjugale, même s'il s'agit d'une problématique universelle, est particulièrement fréquente en Argentine. Raison pour laquelle Diego Lerman y a été particulèrement sensible, et a choisi, comme d'autres réalisateurs, certes une fiction, mais nourrie d'une sorte de documentaire. Cette prégnance du réalisme apporte beaucoup au film, d'autant que le réalisateur fait un pari audacieux : on ne voit pas la violence - on ne voit même pas l'homme qui la commet ! - puisque le film commence devant le corps de Laura étendu par terre, après avoir subi cette violence.
La partie la plus réussie du film est certainement celle qui se place à l'intérieur du foyer pour femmes battues, dans lequel Laura se remet peu à peu, tandis que Matias, s'étant trouvé une copine, joue avec elle. Ces jeux, ces dessins, ces courses dans les couloirs, ces cache-cache dans les sanitaires sont filmé avec brio. C'est toute la résilience de certains gamins - que décrit très bien Boris Cyrulnik - qui est filmée ici, avec beaucoup de sensibilité.
Après ce foyer, puis un hôtel, puis un autre, Laura n'a pas d'autre choix que de retourner vite fait chez elle, récupérer ses papiers, de l'argent caché au fond d'une armoire, quelques vêtements, quelques jouets... avant de quitter définitivement Buenos Aires. La scène est très réussie, très hitchkockienne, dès lors que Matias refuse de quitter l'appartement, et qu'on comprend que l'époux rentre du travail plus tôt que prévu. Un suspense particulièrement bien mis en scène qui vous tient collé à votre siège.
Grâce à une retenue pudique et un refus du manichéisme, Diego Lerman touche en profondeur et en émotion à ce thème difficile de la violence conjugale. Il n'en résulte pas un "grand film", mais celui-ci a quand même plusieurs mérites : réussir le pari de ne jamais montrer le mari, filmer à hauteur d'enfant (même si ce n'est pas nouveau), réussir une fuite haletante, diriger brillamment ses acteurs, porter un regard inattendu sur Buenos Aires, offrir un beau rôle à la grande Marta Lubos.
Le film n'est pas long (1h33), mais, pari pour pari, sur un sujet comme celui-là et avec le point de vue pour lequel il a opté (celui de l'enfant), Diego Lerman aurait du oser le dégraisser encore, l'assécher, et lui ôter une bonne quinzaine de minutes.

Critique Chonchon 

Réfugiado de Diego Lerman avec Julietta Diaz, Sebastien Molinaro et Marta Lubos

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