La légende hollywoodienne d’origine hongroise Zsa Zsa Gabor, connue autant pour sa vie sentimentale que sa carrière cinématographique, est morte dimanche à l’âge de 99 ans d’une crise cardiaque, a annoncé son neuvième mari, Frederic von Anhalt.
Le prince von Anhalt a indiqué que Zsa Zsa Gabor était décédée à son domicile de Los Angeles, entourée de sa famille et de ses amis. « Tout le monde était là. Elle n’est pas morte seule », a-t-il dit. L’actrice l’avait épousé en 1986, son plus long mariage.
En dépit de son grand âge et du semi-oubli qui l’entourait,
la flamme de l’intérêt médiatique que cette modeste actrice mais grande
mondaine et croqueuse d’hommes avait su ménager autour de sa personne n’avait
pas faibli. Jusqu’à son dernier souffle, cette femme à la vie tumultueuse,
vivant dans sa somptueuse villa de Bel Air à Los Angeles comme un papillon de
nuit sous les feux de Hollywood et de la jet-set internationale, aura donc
attiré sur elle la lumière.
Elle est née Sari Gabor, le 16 février 1917 à Budapest, en
pleine première guerre mondiale, dans ce qui était encore, plus pour très
longtemps, l’Empire austro-hongrois. Elle est la cadette d’une fratrie qui
comporte deux sœurs, l’aînée Magda et la benjamine Eva, qui deviendront comme
elles actrices de modeste envergure et inextinguibles consommatrices de
l’institution sacrée du mariage. Aucune des deux n’atteindra toutefois le degré
superlatif de renommée et de frasques mondaines conquis par la future Zsa Zsa.
Faute de conquérir par sa carrière ce statut de célébrité,
Sari Gabor, dotée d’un esprit vif et d’un pétillant cynisme, avait très tôt
compris que l’autre voie d’accès au rêve hollywoodien consistait à construire
sa propre légende, à faire de sa vie un objet de célébrité par la mise en scène
scandaleuse et feuilletonesque de son intimité. Blonde à l’accent exotique, aux
bijoux voyants et aux décolletés plongeants, elle incarna dès les années
cinquante le mythe dévoyé d’un Hollywood en perte de vitesse, où la chronique
des mœurs et l’appartenance ostentatoire au gotha se substituait à
l’inaccessible aura des stars de la belle époque. Elle est à ce titre une
devancière des icônes et du glamour contemporains.
Autant dire, à l’heure où la mort exige qu’on dise en vérité
ce qu’il en fut de sa vie, que la part des choses est difficile à faire, là où
l’affabulation, la mythomanie et le goût invétéré de la publicité tiennent lieu
de vérité. La première étape de cette ascension a lieu en 1936, lors de son
élection au titre de Miss Hongrie. Dans une Europe où la montée des périls se
fait de nouveau sentir, la reine de beauté saisit sa chance et prend son ticket
pour Hollywood. Elle y réussira moins par la nature des rôles qu’elle décroche
que par le nombre et la qualité des maris qu’elle va successivement prendre
dans ses filets.
Parmi les premiers, excepté une prestation de premier plan
chez le truculent John Houston (Moulin rouge, 1952), on note surtout une
litanie d’apparitions mineures, dans Histoire de trois amours (1953) de
Vincente Minelli ou La Soif du mal (1959) d’Orson Welles, pour ne citer que les
auteurs les plus mémorables. Assez rapidement d’ailleurs, le cinéma et la
télévision ne l’emploieront plus que pour interpréter son propre rôle. Chuk Russel
lui demandera ainsi, non sans quelque humour, de n’être qu’elle-même dans le
film d’horreur Freddy 3 (1987). La liste de ses conjoints, qui fonde avec celle
de ses divorces sa sulfureuse réputation, mérite en revanche d’être citée in
extenso.
Elle épouse en 1937 Buhran Asaf Belge, un journaliste et
diplomate turc ; en 1942, Conrad Hilton, le fondateur de la célèbre chaîne hôtelière
avec lequel elle aura son unique fille Constance Francesca Hilton ; en 1949,
l’excellent acteur britannique George Sanders, qui épousera plus tard sa sœur
Magda avant de sombrer dans l’alcool ; en 1962, le banquier Herbert L. Hutner ;
en 1966, Joshua S. Cosden, un magnat du pétrole ; en 1975, Jack Ryan, le
designer de la poupée Barbie ; en 1976, Michael O’Hara, un avocat ; en 1983,
Felipe de Alba, un acteur mexicain ; en 1986, Frederic Prinz von Anhalt, fils
adoptif de la comtesse Marie-Auguste d’Anhalt, de son vrai nom Hans Robert
Lichtenberg. Deux records dans ces unions successives : celui de la plus courte
durée avec Felipe de Alba, le mariage ayant été déclaré invalide le lendemain
de la cérémonie, et celui de la plus longue avec son dernier et actuel
conjoint.
Passons rapidement sur la longue liste d’amants et de hauts
faits (elle prétend notamment avoir été déflorée non par son premier mari mais
par Kemal Atatürk en personne, déclare que la naissance de sa fille est le
fruit d’un viol commis par son deuxième mari, évoque les comportements sexuels
de ses amants…) dont elle se targue dans une autobiographie voluptueuse et
venimeuse à souhaits. Certains voudront voir dans cette manière de retourner
comme un gant le règne aliénant de la domination masculine la marque d’un
féminisme émancipateur. La chose reste grandement discutable. Car cette vie
sentimentale mouvementée s’agrémente d’épisodes qui défraient régulièrement la
chronique et ne dépareraient pas un soap opera.
Incarcération pour avoir giflé un policier qui la verbalise
au volant de sa Rolls Royce Corniche, procès contre sa propre fille qu’elle
accuse de vol, soupçon de séquestration par son dernier mari en date. En un
mot, Zsa Zsa Gabor, par ailleurs Républicaine convaincue et soutien
indéfectible de l’ex-président Ronald Reagan, était très en avance sur son
temps en matière de « peopolisation ». Interrogée sur les mœurs de
l’arrière-petite fille de son deuxième mari, l’ineffable Paris Hilton, elle
n’en jugeait pas moins que la jeune milliardaire en faisait un peu trop,
illustrant la peur qui nous saisit parfois devant l’apparition de notre propre
reflet.
FILMOGRAPHIE
- 1952 : Les Rois de la couture (Lovely to Look At) de Mervyn LeRoy : Zsa Zsa
- 1952 : Cinq mariages à l'essai (We're Not Married!) d'Edmund Goulding : Eve Melrose
- 1952 : Moulin Rouge de John Huston : Jane Avril
- 1953 : Histoire de trois amours (The Story of Three Loves) de Vincente Minnelli : flirt au bar
- 1953 : Lili, de Charles Walters : Rosalie
- 1953 : L'Ennemi public numéro un d'Henri Verneuil : Éléonore dite « Lola », la blonde
- 1954 : Sang et Lumières (Sangre y luces) : Marilena
- 1954 : Le clown est roi (3 Ring Circus), de Joseph Pevney : Saadia
- 1954 : Ball der Nationen : Vera van Loon
- 1956 : Death of Scoundrel : Mme Ryan
- 1958 : The Man Who Wouldn't Talk : Eve Trent
- 1958 : La Soif du mal (Touch of Evil) d'Orson Welles : la tenancière
- 1958 : Queen of Outer Space : Talleah
- 1959 : For the First Time : Gloria De Vadnuz
- 1960 : La contessa azzurra : Loreley
- 1962 : Garçonnière pour quatre (Boys Night Out) : la petite amie du boss
- 1962 : Astronautes malgré eux (The Road To Hong Kong) de Norman Panama : caméo
- 1966 : Picture Mommy Dead : Jessica Shelley
- 1966 : Drop Dead Darling : Gigi
- 1972 : Up the Front : Mata Hari
- 1976 : Won Ton Ton, le chien qui sauva Hollywood (Won Ton Ton, the Dog Who Saved Hollywood) de Michael Winner : une star
- 1978 : Every Girl Should Have One de Robert Hyatt : Olivia Wayne
- 1984 : Frankenstein's Great Aunt Tillie : Clara
- 1986 : Charlie Barnett's Terms of Enrollment : une star hongroise
- 1987 : Freddy 3 (A Nightmare on Elm Street 3: Dream Warriors) de Chuck Russell : elle-même
- 1990 : Blanche Neige et le château hanté (Happily Ever After) : Blossom (voix)
- 1993 : The Naked Truth de Nico Mastorakis : la steward
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