Le patron du Caveau de la Huchette est un homme heureux. Alors que la chute de la fréquentation touristique, à la suite des attentats terroristes à Paris, avait affecté ce haut lieu du swing, voilà que le succès de la comédie musicale La La Land convoque un nouveau public dans la cave historique. Une scène du film évoque brièvement le lieu. Mais suffisamment pour provoquer un élan de réservations et relancer l’attractivité de ce temple souterrain, et très chaud, du jazz, de la capitale
Le patron (et propriétaire) de l’établissement est un musicien, et pas n’importe qui : Dany Doriz, vibraphoniste et chef d’orchestre, reconnu par ses pairs comme le « fils spirituel » de Lionel Hampton, qui l’a lui-même adoubé en tant que tel. C’est un homme affable et enthousiaste, cultivé, aimé des musiciens qu’il programme selon une seule règle : que ça swingue et fasse danser ! Le Caveau de la Huchette est en effet le seul club de jazz au monde où l’on peut danser.
Dany Doriz a acheté le lieu – une vaste cave réunissant les sous-sols de deux maisons, les 5 et 7 de la rue de la Huchette – à un propriétaire qui était carrément raciste, refusant l’accès aux Noirs et n’engageant jamais un musicien de couleur sauf... Sidney Bechet. Ouvert en 1946, il s’appelait d’abord le Caveau de la Terreur. Roger Pierre et Jean-Marc Thibault y firent leurs débuts, Léo Ferré et Georges Brassens y chantèrent. Pour le jazz, ce furent Claude Bolling, tout jeune pianiste, les clarinettistes Claude Luter, André Rewelliotty, puis, plus tard, le fringant Maxim Saury.
Quand Dany Doriz reprend l’affaire, en 1970, en s’endettant, il a compris qu’il reste à Paris, passée la mode existentialiste de Saint-Germain-des-Prés, plein de gens jeunes et moins jeunes qui aiment danser le be-bop acrobatique sur le jazz swing. Il ménage donc une large piste de danse au milieu de la cave, entourée de longues banquettes rouges, couleur qui a inspiré le décorateur de La La Land : le lieu y apparaît, une fois montrée l’enseigne lumineuse dans la rue de la Huchette, comme un vaste hangar pourpre où le pianiste qu’interprète Ryan Gosling joue avec ferveur et un trompettiste solo évoque le Louis Armstrong de West End Blues.
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