Pour qui serait très porté sur le second degré, le hate watching, ou la simple fascination pour les films ratés, Canal+ Family propose ce soir un exemple canonique du genre avec Catwoman, l'adaptation sur grand écran du personnage créé par Bob Kane, et déjà apparu sous les traits de Michelle Pfeiffer, dont la tenue en cuir moulant a fait suer bon nombre de jeunes hommes, dans Batman : le défi deTim Burton. Rentré dans la mémoire collective comme la plus calamiteuse adaptation de comics de l'histoire, Catwoman fut un désastre intégral à sa sortie en salles, étrillé par la presse et les téléspectateurs, et plus encore par les fans du personnage qui se sont sentis trahis par le film du Français Pitof.
Mais plutôt que d'une nouvelle fois pointer du doigt tout ce qui ne va pas à l'écran une fois le film terminé, on peut essayer de comprendre comment pourtant prometteur sur le papier au tout début a pu déboucher sur le film le plus honni par les fans de DC et les autres. L'histoire de Catwoman, longue et tortueuse, a duré une dizaine d'années au cours desquelles le projet s'est embourbé de plus en plus pour donner le résultat que l'on connaît.
L'idée de dédier un spin-off particulier à Catwoman remonte en effet à bien avant sa sortie en 2004 puisque les premières discussions ont eu lieu en 1993 juste après Batman : le défi. Face à la popularité de Catwoman, la Warner, en plus de mettre en chantier ce qui deviendra Batman Forever (sale époque pour le Chevalier Noir et ses acolytes), décide de faire entrer le loup dans la bergerie avec un film entièrement dédié à Selina Kyle. Mais à l'époque, le studio imaginait encore pouvoir confier le film à Tim Burton et voir Michelle Pfeiffer reprendre son rôle (ce qui explique d'ailleurs pourquoi Catwoman n'apparaît pas dans Batman Forever).
Burton commence d'ailleurs à travailler sur le film, dont le scénario devait à l'époque être écrit par Daniel Waters, le scénariste deBatman : le défi. Mais à cette époque, le réalisateur multiplie les projets avortés : il envoie valser son adaptation de Mary Reilly pour cause de conflit avec son producteur (le film sera repris par Stephen Frears) et planche à côté sur une nouvelle version de La Chute de la Maison Usher d'Edgar Allan Poe, qui ne verra pas non plus le jour. Le projet tergiverse, perd du temps. La première version du script de Waters arrive dans les bureaux de la Warner le jour de la sortie de Batman Forever : pas assez grand public, il ne convainc pas les producteurs. Et de son côté, Michelle Pfeiffer commence à émettre des doutes sur son envie de revêtir le costume, pas très confortable, de Catwoman alors qu'elle est récemment devenue mère. Le projet finit par sombrer dans le development hell, où l'on retrouve tous les projets hollywoodiens au point mort, et tout le monde commence à quitter le navire.
Le projet ne refera surface qu'en 2001 avec l'annonce du remplacement de Michelle Pfeiffer par Ashley Judd, dont la cote ne cesse de monter à Hollywood. Mais le projet n'avance toujours pas et à cause d'emploi du temps non conciliables, Judd quitte à son tour le projet. Alors que le nom de Nicole Kidman circule en interne pour la remplacer, le choix se porte finalement sur Halle Berry. Dans le même temps, la dramaturge de Broadway Theresa Rebeck est choisie pour mettre en forme le scénario et la réalisation du film atterrit dans les mains de Pitof, principalement pour son aisance avec les nouvelles technologies numériques en train de faire leur apparition (son Vidocq est d'ailleurs l'un des premiers films intégralement tourné en numérique).
Après de nombreuses années de gestation, le projet prend forme mais une succession de décisions malheureuses vont précipiter le projet vers ce qu'il est devenu aujourd'hui. Le plus dommageable d'entre eux fut, pour éloigner le souvenir de Michelle Pfeiffer, de réécrire complètement le personnage et la mythologie de Catwoman autour d'un nouveau personnage inédite, Patience Phillips, une employée d'une compagnie de cosmétiques qui s'essaie aux essais chimiques pour lutter contre le vieillissement. Un personnage totalement différent et bien loin de l'anti-héroïne dure et sûre d'elle qu'est Catwoman, en dépit de ses failles. Les choix artistiques du costume de Catwoman par Angus Strathie, pourtant oscarisé en 2001 pour Moulin Rouge (il est un collaborateur très proche de Baz Luhrmann et de sa chef costumière Catherine Martin) font aussi grandement débat.
Le projet vire dès lors à la catastrophe sans que la spirale infernale ne puisse être enrayée : la première bande-annonce inquiète tellement les fans qu'elle est rapidement remplacée par une seconde. Catwoman sera un échec cuisant, incapable de rembourser son budget initial de 100 millions de dollars, et devient un sujet de moquerie. Le film se rattrapera dans les cérémonies de récompenses... ou plutôt aux Razzie Awards, où il remporte quatre des plus grosses récompenses. Halle Berry, visiblement en froid avec tout le monde, se déplaça même le soir de la cérémonie avec l'Oscar qu'elle avait remporté pour À l'ombre de la haine, pour récupérer son trophée et se lancer dans un discours célèbre où elle remercie la Warner de l'avoir fait tourner dans "ce tas de merde infâme" qu'estCatwoman.
Le résumé du film : Patience Philips, une artiste douée mais maladivement timide, se contente d'un modeste emploi de dessinatrice publicitaire au sein du conglomérat Hedare Beauty que dirigent le tyrannique George Hedare et sa femme, le légendaire top model Laurel. Le couple se prépare à lancer un cosmétique miracle mais Patience surprend une conversation où Laurel révèle que ce produit a des effets secondaires néfastes. Le couple abat alors froidement la jeune femme. Sous l'emprise d'une mystérieuse présence, Patience ressuscite et se réincarne en une femme féline et sensuelle, dotée d'une agilité et d'une force surhumaine. Libérée de ses complexes et devenue Catwoman, elle quitte son travail et entreprend de combattre le couple Hedare.
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