Frantic comporte de nombreuses références et clins d'oeils à de grand films ayant eu Paris pour cadre.
Dans Charade de Stanley Donen, une naive américaine est secondée par un séducteur comme l'est Harrison Ford. On entre à l'ambassade des Etats-Unis comme dans un moulin, alors que Polanski prend un malin plaisir à en décrire les tracasseries contemporaines d'admission.
Les scènes de cour et de chute du Locataire trouvent un écho inversé avec celles de glissade quasi burlesques au-dessus du logis d'Emmanuelle Seigner , où d'abord Harrison Ford manque de choir avant qu'il ne sauve de la chute Emmanuelle Seigner, suite de non chutes inversant la dramaturgie du Locataire où une première chute féminine entraîne celle de son successeur masculin.
Dominique Pinon, est à nouveau un clochard parisien utile au héros, comme il l'était déjà dans La légende du Saint Buveur pour Rutger Hauer, qui collabore d'ailleurs avec Harrison Ford dans Blade Runner.
L'immeuble à côté de la maison de la Radio qui est la toile de fond bien visible de la scène d'attente sur le pont de Beaugrenelle, est celui où les deux héros de l'Ami Américain de Wim Wenders se retrouvent.
La scène finale où un homme brisé doit laisser derrière lui une femme assassinée dans un pays qui n'est pas le sien, évoque la vie de Roman Polanski et l'assassinat de Sharon Tate, sa première femme. L'ironie mordante de Polanski vis-à-vis de la France, cette franchouillardise si largement diffusée par les radios et télévisions françaises est illustrée par la présence d'Yves Rénier, comédien de séries policières issues de TF1, Marc Dudicourt est un patron de café dont le Flambart de Vidocq ne renierait pas la truculence, et la radio est celle évoquée à travers le choix de Gérard Klein, ancien animateur populaire de France Inter, un de ses ami français , venant de la radio dont la maison est accolée à l'immeuble ou Bruno Ganz et Gérard Blain se retrouvent dans l'oeuvre noire de Wenders. Un contrepoint possible est à chercher du côté de Marcel Bluwal, ici dans le rôle du chef du duo d'espions israéliens, homme de théâtre et de mise en scène télévisée, présenté au générique comme " l'homme au tweed".
SYNOPSIS
A l'occasion d'un colloque , un cardiologue américain, le docteur Walker, et sa femme Sondra reviennent à Paris, lieu de leur voyage de noces. Dès leurs arrivée, tout se bascule Sondra est enlevée et son mari est alors confronté à la police française qui ne fait visiblement aucun effort pour lui venir en aide. Aussi va-t-il lui même mener sa propre enquête, remonter la filière jusqu'à une mystérieuse et troublante inconnue.
FICHE TECHNIQUE
Réalisation : Roman Polanski
Scénario : Roman Polanski, Gérard Brach, Robert Towne et Jeff Gross
Production : Tim Hampton et Thorn Mount
Musique : Ennio Morricone
Photographie : Witold Sobocinski
Cadreur : Jean Harnois
Opérateur Stedicam : Marc Koninck
Montage : Sam O'Steen
Décors : Pierre Guffroy
Costumes : Anthony Powell
Durée : 120 minutes
Sortie : 30 mars 1988
DISTRIBUTION
HARRISON FORD / RICHARD WALKER
EMMANUELLE SEIGNER / NATHALIE
BETTY BUCKLEY / SONDRA WALKER
DJIBY SOUMARE / LE CHAUFFEUR DE TAXI
DOMINIQUE VIRTON / LE RECPTIONNISTEµ
GERARD KLEIN / GAILLARD
JACQUES CIRON / LE DIRECTEUR D HOTEL
LOUISE VINCENT / UNE TOURISTE
PATRICE MELENNEC / PASCAL
JOELLE LAGNEAU / LA FLEURISTE
JEAN PIERRE DELAGE
DOMINIQUE PINON
YVES RENIER
YOTGO VOYAGIS
MARC DUDICOURT
THOMAS POLLARD
ALAIN DOUTEY
LAURENT SPIELVOGEL
PATRICK FLORESHEIM
MARCEL BLUWAL
ARTUS DE PENGUERN
ALEXANDRA STEWART
ANECDOTES ET SECRET DE TOURNAGE
986. Après l’échec commercial de Pirates (auquel il aura consacré huit ans de sa vie), Roman Polanski sait qu’il doit rapidement remonter un film. La Warner Bros, par l’intermédiaire du producteur Thorn Mount, lui demande alors s’il a un projet. «J’ai répondu que je voulais faire un thriller et ce, pour plusieurs raisons. D’abord, je savais que ça les intéresserait. Ensuite, j’avais vraiment envie de réaliser un film à suspense. Enfin, j’aimais l’idée de tourner un thriller à Paris». Polanski n’a plus tourné à Paris depuis Le Locataire et après deux ans passés en Tunisie pour Pirates, il souhaite faire un film chez lui. «Ils m’ont demandé si j’avais un thème. Moi, il fallait que je trouve quelque chose (rires). J’ai dit : «C’est l’histoire d’un Américain qui vient à Paris avec sa femme. Elle disparaît». Ils ont répondu : «Fantastic ! Et après ?» J’ai dit : «Après, il va falloir écrire.» J’ai signé le contrat là-dessus.»
Polanski commence à travailler avec son coscénariste habituel Gérard Brach (son complice sur dix films, dontRépulsion, Le Bal des vampires et Tess), mais le processus est long et difficile. «On a tellement peiné qu’à un moment je me suis même dit que je n’écrirais plus jamais de scénario, raconte le cinéaste. Je tenais à respecter les unités de temps et d’action, je voulais que la narration soit subjective, que le spectateur suive l’histoire à travers le regard du héros. Il n’y a pratiquement pas de scène sans lui.»
Pour incarner le personnage, Polanski pense à Dustin Hoffman qu’il imagine bien en médecin new-yorkais, et va jusqu’à le contacter. Puis il revient sur son idée. «Il me fallait un all American Boy, honnête, droit, pas névrosé, plutôt fort physiquement, au visage ouvert, quelqu’un qui devienne frantic (frénétique) mais qui ne l’est pas naturellement.» Il envisage Jeff Bridges ou Kevin Costner, mais les circonstances vont lui amener son acteur idéal directement à domicile. La scénariste Melissa Mathison(E.T.) se rend à Paris pour discuter avec Polanski de l’éventualité d’un film de Tintin (produit par Spielberg), et vient avec son mari, Harrison Ford. Le réalisateur raconte à ce dernier le scénario de Frantic (encore intituléParis Project) et au bout de deux heures, la star américaine se dit prête à faire le film. «À partir de là, c’était beaucoup plus facile d’imaginer le personnage.»
Le médecin devient un chirurgien californien venu participer à un congrès à Paris vingt ans après sa lune de miel. Lorsque sa femme disparaît mystérieusement, Polanski et Brach pensent d’abord faire intervenir leur fille de seize ans mais trouvent finalement plus intéressant et plus pervers d’associer le héros dans ses recherches à une jeune femme attirante, «une fille parisienne d’aujourd’hui, un peu fantasque, avec du cœur et du charme».Polanski trouve des points communs avec sa compagne, Emmanuelle Seigner, qui n’est apparue que dansDétective et Cours privé, et lui offre le rôle. Elle prend alors des cours d’anglais, d’art dramatique, de danse et de mime pour pouvoir être à l’aise dans le rôle de Michelle.
De son côté, Harrison Ford se prépare à son rôle avec sérieux. «Je me suis entretenu avec le cardiologue français dont s’inspire, lointainement, le personnage de Richard Walker (Ndla : le docteur Carpentier, l’un des inventeurs du cœur artificiel). J’ai assisté à des transplantations de valves cardiaques et j’ai dialogué avec des chirurgiens. Ces hommes avaient peu de traits en commun, et il m’est apparu évident qu’il n’y a pas de «chirurgien type». Je n’ai pas cherché à passer pour professionnel : j’ai joué un homme ordinaire placé dans des circonstances extraordinaires.»
Sur le plateau, Ford fait preuve d’un grand professionnalisme. Après cinq prises sous la douche (dans la chambre d’hôtel), il révèle que l’eau est glacée, à la grande surprise de l’équipe ! Doublé comme à l’habitude par le cascadeur Vic Armstrong, il effectue cependant certaines scènes d’action lui-même comme la bagarre sur l’île aux Cygnes à la fin du film, où l’acteur Yorgo Voyagis lui perce accidentellement la paupière gauche avec un couteau…
Polanski tient à plonger le spectateur dans un Paris bien particulier, et ce dès le générique. «Je voulais débuter par l’autoroute sinistre qui mène tout Américain de l’aéroport à Paris, loin des clichés visuels habituels que peut se faire un Américain moyen avec la Tour Eiffel ou Montmartre. Je voulais donc montrer dès le générique ces néons publicitaires le long de l’autoroute.» La Warner insiste cependant pour avoir la Tour Eiffel et Polanski doit filmer un plan du taxi des Walker arrivant sur la place de Mexico avec le monument en fond (un exploit pour une voiture venant de Roissy et allant vers l’Opéra !).
Outre ce détail, le cinéaste va contrôler totalement sa vision de la capitale. Certaines scènes sont tournées sur les lieux mêmes de l’action (Roissy, l’île aux Cygnes, rue de Rivoli, rue Scribe) ou dans des endroits transformés («Chez Régine» devenant «A touch of class», la façade du «Splendid» reconvertie en salle de gym) mais la majorité le sont aux studios de Boulogne. «Théoriquement, nous aurions pu le tourner en décors naturels, et je sais que beaucoup de cinéastes l’auraient fait. J’ai préféré pour une grand part, 65 % environ, reconstruire Paris en studio.» Le décorateur Pierre Guffroy, qui a travaillé avec lui sur Le Locataire et Tessnotamment, se charge de concevoir les endroits clés de l’histoire. La boîte des «Bains-douches» est fidèlement reconstituée, tout comme le hall du Grand Hôtel Intercontinental de la rue Scribe. «Au départ, se souvientPolanski, le décor de l’hôtel était beige, la moquette du hall, les piliers, tout était beige, comme au Grand Hôtel. Et trois jours avant le tournage, je me suis dit : «Ça n’est pas ça.» J’en ai parlé à Pierre Guffroy, qui a tout de suite compris. Mais le producteur a eu vent de changement, et ça a fait un scandale !»
Au montage, Roman Polanski coupe certaines séquences : Walker parlant avec des clochards, répondant au téléphone dans sa chambre en regardant Dallas, contrôlé par la police, se rendant à la station de métro Bréguet-Sabin pour rencontrer les ravisseurs… Et la fin retenue n’est pas celle prévue à l’origine. «Notre fin première était qu’il arrivait à échapper aux Israéliens qui le poursuivaient sur le bateau des Arabes. Il se retrouvait dans la rue puis dans un taxi bloqué par la circulation. Et c’est seulement là qu’il découvrait le krytron dans sa poche avant de le balancer dans une benne à ordures. Cela a été tourné mais c’était encore plus long que la fin actuelle.»
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