« Le 6 novembre dernier, j’ai revu pour la première fois depuis longtemps Jean-Louis Trintignant. Ces retrouvailles avec celui qui a été mon père l’espace d’un film m’ont particulièrement ému. J’ai sans doute été marqué en profondeur par l’attitude très paternelle qu’avait Trintignant lorsqu’il me disait :"Antoine, au karting ! Non, Antoine, au golf !" en me donnant l’impression que j’arrivais à conduire sa Ford Mustang avec mes mains d’enfant de cinq ans. Claude Lelouch aussi était très paternel. Il était d’ailleurs l’un des meilleurs amis de mon père. Et son regard de cinéaste porte, je crois, une trace d’indulgence paternelle, lorsqu’il laisse tourner la caméra pour filmer mes digressions en anglais et en espagnol, qui s’avèreront au bout du compte un petit élément du charme du film.
Mais me souvenir de ces pères de cinéma, c’est aussi me replonger dans l’univers de mon véritable géniteur (Gérard Sire, ndlr), que j’adorais et qui est malheureusement mort très jeune, en 1977, alors que je venais d’avoir seize ans. Dans Un homme et une femme, la voix si caractéristique de mon père égrène les actualités à la radio, dans la voiture de Trintignant ; dans L’Aventure c’est l’aventure il joue le procureur, dans Le Voyou il incarne un maire, dans La Bonne Année le directeur de la prison... Il faut dire que Lelouch a signé le contrat avec le producteur d’Un homme et une femme, à bord d’un superbe cabriolet Mercedes rouge que lui avait donné mon père. Ce dernier, qui produisait des Scopitones au début des années 60, connaissait des difficultés financières et certains réalisateurs n’étaient pas payés depuis plusieurs mois. Comme Lelouch fait remarquer à mon père que malgré les basses eaux, il roule toujours en Mercedes, celui-ci répond : « Tu as raison, ce n’est pas normal, voici les clés de ma voiture, elle t’appartient. ». Mon père était tout entier contenu dans ce mélange de générosité et d’honnêteté absolue. Par la suite il a retrouvé le chemin du succès, en écrivant les scénarios des films de Jean Yanne et en devenant l’animateur vedette de France Inter. Mais sa relation avec Lelouch est toujours restée la plus familiale, même lorsqu’ils ne travaillaient ensemble que symboliquement. J’ai fait ma carrière professionnelle loin du monde du cinéma, mais lorsque j’ai publié Hollywood, la cité des femmes, Lelouch qui est très cinéphile, a lu le livre avec attention. Il m’a dit que c’était un livre important et j’espère que mon père aussi l’a lu, par dessus son épaule, depuis les étoiles…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire