Vu le film Le Bonheur est pour Demain de Brigitte Sy (2023) avec Laetitia Casta Damien Bonnard Béatrice Dalle Malik Tadj Sarah le Picard Coralie Lussier Karl Achard Guillaume Verdier
Sophie a un enfant, un conjoint, mais son quotidien lui semble désespérément plat. Jusqu'au jour où elle rencontre Claude. Elle tombe immédiatement sous le charme. Cependant, Claude est un braqueur. Or, au cours d'une attaque de banque, un homme est tué. Claude est arrêté et condamné à une lourde peine de prison. Ce qui aurait dû être la fin devient alors le début d'une histoire passionnelle et sans limites. Soutenue par Lucie, la mère de Claude, Sophie ne renonce pas à son amour pour Claude.
L'histoire est librement inspirée d'une histoire réelle, dont la protagoniste Sylvie est devenue Sophie. La réalisatrice est familière de l'univers carcéral, dans lequel elle est intervenue pour donner des cours de théâtre, et a elle-même été l'épouse d'un ex-détenu, ce qui avait l'inspiré L'innocent de son fils Louis Garrel[
Avec Le Bonheur est pour demain, Brigitte Sy poursuit son exploration du lien entre l’amour et l’univers carcéral, sujet qu’elle connaît intimement. Mais ici, elle ne parle pas d’elle, ni de son fils Louis Garrel — malgré ce que le casting pourrait laisser croire. Le film s’inspire de l’histoire vraie d’une femme prénommée Sylvie, rencontrée par la réalisatrice lors d’une visite en prison dans les années 90. Cette femme, tombée amoureuse d’un détenu, a nourri chez Sy un désir de récit. Un destin marginal, troublant, et intensément romanesque.
Mais tirer d’une histoire vraie ne suffit pas toujours à faire un grand film.
On suit donc une jeune femme — interprétée par Laetitia Casta — qui s’éprend d’un homme incarcéré. Leur relation épistolaire devient passionnelle, obsessionnelle. Le film tente d’en capter les vertiges : la solitude, l’attente, le manque, mais aussi la force d’un lien qui défie les barreaux. Sauf que la mise en scène, trop appliquée, manque cruellement d’élan. Il y a une sorte de survol permanent, comme si le film, fasciné par son propre sujet, n’osait pas s’y enfoncer pleinement.
La reconstitution des années 1990 est correcte, mais trop sage. On sent le souci de précision — téléphones, fringues, papiers peints — mais cela ne suffit pas à donner vie à l’époque. Elle est là, en surface, sans chair ni âme. Tout comme les personnages secondaires, trop souvent réduits à des silhouettes.
Surtout, le film hésite constamment sur son intention : veut-il dénoncer l’inhumanité du système carcéral ? Montrer la folie douce d’un amour impossible ? Interroger le déterminisme social, la marginalisation des femmes ? À vouloir embrasser tout cela, Le Bonheur est pour demain se dilue. Il reste en équilibre fragile entre le drame social, la chronique sentimentale et le manifeste discret.
Laetitia Casta s’en sort honorablement : elle incarne cette femme paumée avec une retenue touchante, même si son personnage semble parfois trop écrit, trop guidé. Face à elle, Bonnard peine à convaincre : son jeu reste en retrait, jamais vraiment incarné. En revanche, Béatrice Dalle, solaire et imprévisible, irradie chacune de ses apparitions. Elle apporte un trouble, une vérité brute qui manquent souvent au reste du film.
Quelques anecdotes : le tournage s’est déroulé en partie dans une ancienne prison désaffectée, avec des conditions volontairement austères pour rester fidèle à l’univers carcéral. Brigitte Sy, déjà auteure du très juste Les Mains libres, voulait ici faire entendre une autre voix féminine, celle d’une femme sans repères, mais pas sans amour. Elle dira en interview que le personnage de Sylvie l’a longtemps hantée.
Mais malgré cette sincérité de départ, malgré la noblesse du sujet, le film n’atteint jamais la tension ni l’intensité qu’il promet. Il reste sur les rails d’un récit bien construit, mais trop illustratif, trop prudent. On sort du film avec un sentiment de respect… mais pas de bouleversement.
Un film nécessaire, peut-être. Mais inégal. Et trop sage pour son propre sujet.
NOTE : 9.20
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Brigitte Sy
- Scénario : Brigitte Sy, Christine Dory et Frédéric Serve
- Musique : Béatrice Thiriet
- Décors : Daniel Bevan
- Costumes : Maïra Ramedhan Levi
- Photographie : Frédéric Serve
- Son : Luc Meilland
- Montage : Julie Dupré
- Production : Alexandra Fechner
- Coproduction : Alexandre Mattiussi
- Sociétés de production : Fechner Films
- Société de distribution : Paradis Films
- Laetitia Casta : Sophie
- Damien Bonnard : Claude
- Béatrice Dalle : Lucie, la mère de Claude
- Guillaume Verdier : José
- Coralie Russier : Wendy
- Sarah Le Picard : Florence
- Karl Achard : Nicolas, le frère de Claude
- Malik Tadj : Malik