"Ce n'est pas que je n'aurais pas eu envie de jouer des jeunes premières ! Mais, simplement, on ne m'a jamais proposé de rôles. Je joue les vieilles depuis que je suis jeune", dit en riant cette grande dame du cinéma africain. "J'ai un don pour les vieilles ! Jeune, quand je sortais en ville avec mes talons, en pantalon, certains disaient : Non ! On ne comprend pas. C'est pas possible, tu te métamorphoses".
Maimouna Hélène Diarra a tourné avec les plus grands réalisateurs du continent, du Sénégalais Ousmane Sembène (Mooladé) au malien Cheikh Oumar Cissoko (Genèse) ou au Mauritanien Abderrhamane Cissako (Bamako) tout en menant de front une carrière brillante dans le théâtre classique et des productions télévisées maliennes.
Née à Segou, fille de magistrat et orpheline de mère en bas âge, Hélène a été élevée par un oncle maternel instituteur. Elle a exercé ses talents très tôt : "En famille, on riait, on se chamaillait et moi je jouais la comédie !". "J'étais nulle en sciences, alors j'ai demandé un jour : ça existe une école où il n'y pas de math s? On m'a répondu : il y a l'INA (Institut national des Arts) de Bamako. Je me destinais au dessin. J'étais douée". Une tournée théâtrale du Groupe dramatique du Mali qui joue "Les tribulations de Frere Jero" (du prix Nobel nigérian Wolé Soyinka) change sa vie. "Quand j'ai vu la pièce, je me suis dit c'est ça que je veux faire. C'était le coup de foudre!".
Elle intègre donc l'INA vers 1975 dans la section théâtre. "Il y avait notamment des cours (de l'acteur français) Armand Dreyfus. Il m'a appris à travailler mon corps. Une vieille femme doit avoir les pas lourds, le dos cassé, une attitude. Ce n'est pas que du maquillage". Elle se souvient avec nostalgie de son premier grand rôle dans la pièce haïtienne politique "Gouverneurs de la Rosée" de Jacques Roumain, où elle incarnait une... mère âgée qui accepte de taire la mort de son fils (le héros) pour le bien général. Hélène commence dans le cinéma avec de la figuration, avec Souleymane Cissé "mais c'est avec Cheikh Oumar Cissoko que j'ai vraiment débuté. Il m'avait vu au théâtre et cela lui avait plu". "J'ai ensuite joué dans tous ses films, Nyamanton (1986), Finzan (1989) jusquà Guimba (1995, Etalon d'or, où elle joue l'épouse du héros) et Génèse (1999)", dit-elle.
"Au début on gagnait peu, mais ca nous plaisait", se souvient l'actrice qui enchaîne alors films, téléfilms et séries dont un rôle de "mégère" dans le célèbre "Les Concessions". Pour joindre les deux bouts, elle travaille comme assistante de presse et de réalisation à la radio-télévision malienne (ORTM), qui lui donne des congés dès qu'elle a des tournages. Elle a ainsi pu vivre de son art "mais toujours la maman, la femme africaine".
"La méchante, j'aime ça ! Surtout quand je menace là !", plaisante-t-elle, alors qu'elle est tout le contraire dans la vie. Elle regrette aujourd'hui le déclin du cinéma africain. "Il n'y a plus de financement. Avant, la coopération européenne et l'Etat donnaient de l'argent. L'Etat ne trouve plus ça important et l'Europe a baissé les bras. Le cinéma perd de sa qualité. L'âge d'or est terminé". "Aujourd'hui, ceux (les acteurs) qui acceptent les miettes on les prend. On prend beaucoup d'amateurs. On va prendre une fille, une vieille pour 50.000 F CFA (75 euros) alors que le rôle vaut 500.000 (750 euros)", assure-t-elle. "Tout n'est pas médiocre: il y a des jeunes réalisateurs de talent mais il n'y a plus d'argent", tempère-t-elle. Mère et grand-mère de "beaucoup d'enfants et petits-enfants au sens africain (famille élargie)", elle ne souhaite pas qu'ils soient comédiens. "Il n'y a plus d'argent dans la branche. Mon petit-fils de 6 ans veut être footballeur!"
Source : CultureBox.fr
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