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vendredi 18 juillet 2025

9.30 - MON AVIS SUR LE FILM MA MERE DIEU ET SYLVIE VARTAN DE KEN SCOTT (2025)

 


Vu le film Ma Mère , Dieu et Sylvie Vartan de Ken Scott (2025) avec Leila Bekhti Jonathan Cohen Gabriek Hyvernaud Naim Naji Sylvie Vartan Ariane Massenet Lionel Dray Josephine Japy Jeanne Balibar Anne Le Ny Milo Machado Garner Gladys Cohen 

Ce film reprend le récit autobiographique de Roland Perez qui est né avec un pied bot au sein d'une famille nombreuse. Malgré de multiples interventions, les médecins considèrent que Roland ne pourra vivre qu'avec l'aide de béquilles ou en fauteuil roulant. Sa mère, Esther, refuse net cette vision pessimiste et se jure que grâce à Dieu, son fils marchera. 

Roland, qui reste à la maison sans être scolarisé (ce qui attirera des ennuis à la famille) apprend à lire grâce aux chansons de Sylvie Vartan. Devenu adulte, il croisera la route de son idole. 

Par le réalisateur de Starbuck qui parlait déjà de liens familiaux , cette fois le Père , enfin plusieurs fois père 

Il y a des films qui relèvent davantage de la thérapie filmée que de la fiction scénarisée. Ma Mère, Dieu et Sylvie Vartan, réalisé par Ken Scott d’après le roman autobiographique de Roland Perez, fait précisément partie de ceux-là. Il ne s’en cache pas : c’est un témoignage, une lettre d’amour mêlée de reproches, un exercice de mémoire intime et de pardon adressé à une mère aussi étouffante que formidable. Une œuvre qui n’essaie pas de plaire à tous, mais plutôt de se libérer, coûte que coûte. 

L’histoire ? Celle de Roland, né avec un pied bot, élevé dans une famille juive séfarade très pieuse et dirigée d’une main de fer (dans un gant de velours cousu main par la Vierge elle-même, si l’on croit la mère) par Esther, matriarche flamboyante, possessive, énergique, dévorante. Son fils, son trésor, sa cause. Dès la naissance, Roland devient l’objet exclusif de l’attention de sa mère, qui refuse l’abandon, rejette le handicap, et s’accroche à son fils comme à une promesse de grandeur, de revanche, de lumière. Dieu est invoqué à chaque carrefour de vie, Sylvie Vartan sert de muse inaccessible, et le monde autour semble surtout là pour témoigner de la grandeur maternelle. 

La première partie du film, centrée sur l’enfance de Roland, est la plus réussie. Leïla Bekhti y incarne Esther avec un feu rare, entre drôlerie irrésistible, fureur sacrée et amour inconditionnel. Elle ne joue pas la caricature de la "mère juive" (archétype usé jusqu’à la corde), mais une femme de chair, de foi, d'excès, de courage, de douleurs rentrées. Son combat pour faire opérer, éduquer, aimer son fils est filmé avec un vrai sens du rythme, et le mélange d’humour et de gravité rappelle parfois les comédies italiennes d’antan, où la tragédie se faufile sous les cris et les gestes. 

Mais la deuxième partie, consacrée à l’âge adulte de Roland (désormais incarné par Jonathan Cohen dans un contre-emploi sobre et honnête), perd cette énergie initiale. Le rythme devient erratique, les ellipses sont brutales, certaines scènes semblent plaquées ou expédiées. La narration peine à articuler l’évolution intérieure du personnage : comment vit-il ce poids maternel, cette foi omniprésente, cette homosexualité silencieuse, ce besoin d’émancipation sans rupture ? On devine plus qu’on ne ressent. 

Et puis il y a le ton, souvent vacillant. Le film veut être drôle, touchant, universel, mais se prend parfois les pieds dans le tapis. Une scène en particulier restera dans les annales pour de mauvaises raisons : l’interview (factice) de Sylvie Vartan, idole du jeune Roland, est un moment gênant de cinéma. Non seulement le trucage numérique est raté — visage figé, doublage mal synchronisé, ambiance de rêve mal gérée — mais la séquence frôle le grotesque involontaire. Dommage, car l’idée d’insérer la Vartan comme figure tutélaire du fantasme gay, refuge pop et contrepoint à la mère, aurait pu être belle. 

Pour autant, difficile d’en vouloir au film. Il a le cœur sincère, même si le regard manque parfois de distance. Ce n’est pas tant une œuvre destinée au public qu’une offrande intime — et dans cette offrande, il y a quelque chose de touchant. C’est le témoignage d’un homme qui a grandi sous le joug d’un amour totalisant, et qui ne sait toujours pas s’il faut le remercier ou s’en libérer. Le lien entre fiction et réalité est évident : Roland Perez, avocat médiatique, raconte ici son parcours, sa foi, ses douleurs, ses admirations — et surtout sa mère. Une femme qui, malgré ses excès, l’a porté, soutenu, façonné. 

Ma Mère, Dieu et Sylvie Vartan est donc un film sincère mais inégal, bouleversant par instants, maladroit souvent, touché par la grâce du témoignage mais trop prisonnier de sa propre révérence. Il aurait gagné à plus de recul, plus d’audace, moins de sacralisation. Mais peut-être était-ce impossible : on ne filme pas sa mère comme un personnage, on la filme comme une légende. 

Et parfois, dans cette confusion des genres — entre le divin, la pop et le trauma — se cache un film modeste, un peu bancal, mais profondément humain. 

NOTE : 9.30

FICHE TECHNIQUE


DISTRIBUTION

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